Des troupes américaines et soviétiques stationnées dans des camps militaires au sein de l’Union Européenne. Pour quoi faire ?

vendredi 9 novembre 2007.
 

Les citoyens tchèques restent tout interdits, pourtant ils en ont vu d’autres, et je crains que ceux qui vont lire ces lignes vont croire à une plaisanterie de mauvais goût.

Le ministre de la défense américain Robert Gates, de passage à Prague, fait savoir que le gouvernement Bush vient de proposer à Poutine « la présence de soldats russes » dans les bases militaires américaines, qui sont en cours de construction en République Tchèque. En d’autres termes, le gouvernement américain propose à l’armée russe d’occuper avec l’armée américaine le territoire d’un pays souverain et faisant partie de l’Union Européenne depuis 2004. Les raisons de ce soudain « mini-Yalta » demeurent obscures, toujours est-il que l’administration Bush a décidé d’inviter les militaires russes à venir s’installer en République Tchèque, et a « oublié » d’en informer d’abord le gouvernement tchèque, pourtant le plus américaniste et atlantiste de tous, et à première vue directement concerné. Les gouvernements européens ont-ils été informés ? Je l’ignore. La commission de Bruxelles a-t-elle été informée ? Les députés européens ont-ils été informés ? Je l’ignore.

D’abord « surpris », le premier ministre ultralibéral Topolanek a vite repris ses esprits, et a promptement « approuvé » la proposition américaine. Fallait-il informer l’opinion publique européenne ? Là n’était point son sujet. Sur le sol tchèque, les Américains sont sur le terrain européen conquis. Le gouvernement Klaus-Topolanek prendra la présidence européenne en 2009, et souhaite que les bases militaires américaines soient déployées et opérationnelles avant cette date. Pour présider l’Union Européenne, le gouvernement ultralibéral tchèque a besoin de missiles américains sur le sol européen.

Le choix du Pentagone de son site antimissile est particulièrement significatif. Il se trouve dans les monts Brdy, à quelques dizaines de kilomètres à l’ouest de Prague. Ce territoire fut occupé par l’armée soviétique après l’écrasement du Printemps de Prague en 1968, et dans les années 1980, des missiles à tête nucléaires soviétiques SS 20 furent pointés vers l’Europe occidentale depuis cet endroit. Les troupes soviétiques ont quitté ces lieux en 1991, le pacte de Varsovie a été dissous. Les habitants de l’ancienne Tchécoslovaquie croyaient qu’après la chute du mur de Berlin la guerre froide était finie... Mais l’OTAN n’a pas été dissoute, elle continue, elle s’étend jusqu’au Danube désormais.

Comment le gouvernement tchèque prépare-t-il sa présidence européenne en 2009 ? Le gouvernement Klaus-Topolanek approuve la décision du gouvernement Bush d’installer les bases militaires sur le territoire de la République Tchèque, donc sur le territoire de l’Union Européenne, à l’issue des tractations bilatérales tchéco-américaines demeurées secrètes de nos jours. Il accepte sur son territoire la présence de troupes russes, sur proposition de Bush. Il refuse le referendum et il veut empêcher le débat parlementaire sur cette question. Le gouvernement tchèque passe outre aux 70% des citoyens qui refusent la présence militaire américaine dans leur pays. A la réunion de Lisbonne, il annonce qu’il cesse d’être « europessimiste » et qu’il va ratifier le nouveau traité européen « le plus rapidement possible ». Non content de refuser le referendum sur le traité européen dans son pays, il fait savoir qu’il n’a pas l’intention de s’adresser au parlement dans cette affaire. La présidence tchèque de l’Union Européenne de 2009 ne risque pas d’être supervisée par les parlements. Elle sera étroitement surveillée par le Pentagone.

Que font les gouvernements européens ? Ils se taisent, ils laissent faire. Que fait la Commission de Bruxelles ? Elle se tait, elle laisse faire. Que font les médias ? Ils se taisent, ils laissent faire.

Le gouvernement russe acceptera-il cette dernière gesticulation diplomatique de Bush ? Poutine a-t-il envie de jouer un rôle subalterne en tant qu’auxiliaire des Américains ? Mais là n’est point notre sujet. Il s’agit de savoir comment tout cela est possible.

Je ne ferai pas l’affront à mes amis politiques de leur rappeler que c’est précisément cette Europe-là, antisociale, belliciste et antidémocratique, qui s’étale sur les 250 pages du mini-traité « simplifié », qu’on nous impose à présent sans débat, sans referendum, sans délai.

Le peuple français a rejeté le 29 mai 2005 le projet de constitution qui voulait soumettre l’Europe à l’OTAN et à la domination américaine. J’en appelle à sa conscience.

Karel Kostal, le 28 octobre 2007

Socialiste franco-tchèque

PRS 38 Isère


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