Nucléaire iranien : Le multilatéralisme à nu

vendredi 18 mai 2018.
 

Le retrait des Etats-Unis d’Amérique de l’accord sur le nucléaire iranien a précipité la région et au-delà au bord du gouffre. Pourtant, une curieuse cécité destinée à mieux masquer leur suivisme naïf de la politique macroniste frappe les commentateurs bon-teint. Il est en effet de bon ton de gloser aujourd’hui sur une décision « unilatérale » du président américain. Voire d’une décision personnelle. Le Figaro y allait ainsi d’un article intitulé « Ce que révèle la signature de Donald Trump (de l’acte de retrait – NDA ) sur sa personnalité ». Une telle dénonciation sur ces bases inscrit en contrepoint l’acceptation d’une autre logique : celle d’un ordre multilatéral tel que défini par le président Macron depuis le début de son mandat. Tout à leur admiration, les commentateurs honteux n’ont rien trouvé à redire quant à l’abandon du droit international au profit de ce nouvel ordre des puissants à géométrie variable. Ainsi, le 15 avril, au lendemain de frappes sur la Syrie, le président assénait sur RMC/BFM et Mediapart que l’intervention s’était faite « de façon légitime dans le cadre multilatéral. […] C’est la communauté internationale qui est intervenue ». Exit donc l’ONU. Et le président Macron d’en remettre une couche : le 10 mai, recevant le prix Charlemagne à Aix-la-Chapelle au surlendemain de la décision américaine, il faisait des européens les « co-dépositaires du multilatéralisme ». Seulement voilà : établir, ou plutôt succomber à de nouvelles doctrines géopolitiques qui annihilent l’ordre commun existant, libère la volonté de puissance des fauteurs de guerre. Après avoir été suivi par la France dans ses frappes en Syrie, M. Trump n’a pu que considérer son action hors cadre de la légalité internationale comme légitimée. Dès lors, le multilatéralisme ne résiste pas à l’unilatéralisme qui permet de se libérer selon son bon vouloir d’un accord comme celui sur le nucléaire iranien qui a pourtant été signé par l’ensemble des pays représentés au conseil permanent de l’ONU.

A s’être affranchi du droit international, le multilatéralisme est nu lorsque l’un de ses membres refuse de s’y plier. Il ne reste plus le socle du droit et tout se voit potentiellement remis en question. Les Etats-Unis d’Amérique le savent. C’est pour cela qu’ils ont pris tant de soin de contourner depuis des décennies l’ONU. Les dirigeants français qui ont avalé la couleuvre nommée OTAN ou ont agi aux côtés des américains hors de la légalité internationale lorsqu’il s’est agi d’aventures belliqueuses et/ou bellicistes sont leurs complices. Quant à M. Macron, qui s’est rendu à Washington s’entendre notifier la décision nord-américaine quelques jours avant l’annonce officielle de celle-ci, il s’est lui-même lié pieds et poings. Il se voit désormais contraint de subir la décision de son allié. Il peut dès lors bien tancer M. Trump après coup, la géopolitique n’est pas affaire de com’. Le multilatéralisme est le cache-sexe de l’atlantisme. Il était autrefois un ordre international basé sur le droit. Des aventuriers ont voulu lui substituer un ordre multilatéral qui répond d’abord aux intérêts des plus forts, ceux qui jouent de l’arme de la monnaie et qui ont des troupes disséminées aux quatre coins de la planète. Alors que revient la saison des tempêtes, il serait temps de reconstruire au plus vite un ordre international libéré du suivisme nord-américain. Et pour cela commencer par sauver l’accord sur le nucléaire iranien malgré les incartades trumpesques. De deux choses l’une : soit M. Macron se paie une fois encore de mots avec ses déclarations communes avec Mmes Merkel et May, soit il accepte de rompre avec la vassalisation par rapport aux Etats-Unis d’Amérique et affirme enfin l’indépendantisme de notre pays, premier pas vers une Europe libérée de l’OTAN. Son multilatéralisme sera aussi jugé à cet aune.

François Cocq


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