Réforme Sarkozy des lycées : derrière le masque des mots, les coups de boutoir contre l’Ecole publique

mardi 10 novembre 2009.
 

A peine Sarkozy avait-t-il annoncé, le 14 octobre, les grandes lignes de sa réforme des lycées qu’on tentait de nous faire croire qu’il avait renoncé à ses projets tels qu’ils figuraient dans l’ancienne réforme Darcos et qu’il s’agirait aujourd’hui d’une réforme « allégée », d’une réforme « a minima ». Quant à ceux qui apportent un soutien hypocrite à sa politique, en particulier le Parti socialiste et les Verts, ils alternaient entre formules satisfaites et regrets que Sarkozy n’aille pas assez loin : ce sont « des réponses cosmétiques » expliquait Bruno Julliard, « c’est loin d’être suffisant » disait en écho la Fidl, tandis que Jack Lang parlait d’un « plan raisonnable » et que les Verts regrettaient une « réformette ».

Nous devons quant à nous dévoiler la réalité de ces mesures empruntées au rapport Descoings, rapport qui éclaire la réalité des annonces faites par Sarkozy.

Premier objectif : affaiblir l’institution

Sous couvert d’apporter un soutien individuel aux lycéens, l’objectif est de réduire de deux heures le nombre d’heures de cours dans chacun des trois niveaux du lycée, car ces heures « n’alourdiront pas les emploi du temps des élèves ». Ce faisant, ce sont les savoirs que l’on racornit une fois encore et l’augmentation générale du niveau culturel que l’on empêche. Mais la réalité est bien pire : rien ne garantit que ce soutien sera fait par les professeurs, d’autant que les postes sont supprimés par dizaines de milliers. Le plus probable est que, en application de la mastérisation des concours, les étudiants de première et deuxième année de master, qui seront dans l’obligation de faire des stages dans les établissements, seront affectés à ces soutiens. Cela va donc permettre de supprimer à terme un très grand nombre de postes (Descoings proposait « Un accompagnement pédagogique et citoyen par les étudiants en master » …). Comme si le rythme de 15 000 suppressions annuelles de postes ne suffisait pas !

Enfin, le gouvernement butait jusqu’à présent sur le statut des enseignants et n’était pas encore parvenu à annualiser leur temps de travail (qui n’avait pas été touché par l’application des lois Aubry). Le projet de réforme des lycées le permettra, par le biais des stages durant les vacances et les aménagements de programme et d’horaires qui seront laissés pour une part au soin des établissements.

Deuxième objectif : préparer l’ouverture au privé

Il y a exactement deux semaines, Nicolas Sarkozy annonçait la fin de l’orientation scolaire au sein des établissements. C’est sans doute en anticipant la dégradation à venir de l’orientation qu’il souhaite créer des « sas de réorientation ». Pour les élèves souhaitant changer de filière à mi-parcours de la Première, un sas de deux semaines serait organisé pendant les vacances de février. Le manque a priori de cohérence évident de ces mesures ne fait que révéler un petit peu plus la volonté d’externaliser l’orientation et de l’ouvrir au secteur privé.

La même manœuvre se dessine avec la suppression des redoublements grâce à des « stages de remise à niveau ». À la fin de la Seconde et de la Première, les élèves en difficulté suivraient un stage d’un mois (pendant les vacances) animé par des enseignants volontaires (!) dans les matières où ils sont faibles. Le gouvernement cherche une fois encore à créer le manque pour pouvoir faire appel au privé afin de se substituer à l’Ecole publique à laquelle on surajoute des tâches absconses.

Troisième objectif : détruire le cadre national des diplômes

Le bac est une fois encore en ligne de mire. C’est un vieil objectif pour le patronat qui permettrait ensuite de justifier la sélection (ou « orientation musclée ») à l’entrée de l’Université. Il s’agit essentiellement de réduire à peau de chagrin les épreuves nationales anonymes, en développant le contrôle continu (« réviser la nature et le contenu des épreuves du baccalauréat » dit Sarkozy, en commençant par les langues vivantes).

Autre moyen de dévaloriser le bac : donner des points aux lycéens qui collaborent à la politique du gouvernement (« reconnaissance de l’engagement des élèves » dans une association ou autre par la mise en place d’un livret de compétences). Un tel livret de « compétence » revient à liquider le diplôme national, chaque bachelier ayant sa « carte » propre de compétences. Et l’on va ainsi réintroduire une sorte de livret de travail qui suivra l’étudiant puis le travailleur (comme le veut le patronat) tout au long de la vie.

L’objectif est bien pour le gouvernement de casser le caractère national du bac car il est le premier diplôme général qui permette par la suite une reconnaissance en terme de conventions collectives. Il faudra à l’avenir détenir le précieux sésame délivré par un lycée des beaux quartiers pour prétendre continuer dans les voies les plus demandées.

Il s’agit là ni plus ni moins d’une volonté d’interdire l’élévation sociale de ceux qui par leur travail et non par leur naissance peuvent prétendre à emprunter le chemin que leurs parents n’ont pas eu la possibilité de suivre.

Non, ce n’est pas une réforme « a minima »

Il ne faut pas être dupe ; il s’agit du premier temps d’une offensive à deux coups, comme le préconisait Descoings afin d’éviter une vague de résistance. Sur ce plan, c’est l’application strictes des propositions de Descoings (et d’Apparu). Si ce projet passe, il ouvrira immédiatement la voie à une seconde étape, conforme à la politique générale de Sarkozy, à la LRU et à la mastérisation : casser les statuts nationaux des enseignants, casser les programmes et diplômes nationaux, démanteler l’enseignement public.

Cette réforme participe d’une offensive générale présentée en séquences séparées. Ainsi, le ministre Chatel a-t-il annoncé, sous couvert de « revalorisation » des enseignants, un salaire au mérite conforme au degré d’implication dans la réforme, voire même un nouveau grade pour les plus zélés. Qui peut accepter ?

Le Parti de Gauche appelle donc à la résistance unie contre cette réforme, et engagera ses forces dans la mobilisation pour le retrait de ce projet.

Serge GOUDARD, François COCQ


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