France Telecom : secteur public plus performant que le secteur privé

dimanche 8 décembre 2019.
 

Article d’origine : http://robertmascarell.overblog.com...

Quand le dévot Fillon s’est moqué cyniquement des fonctionnaires de France Télécom et qu’il s’est donné le beau rôle, en privatisant cette grande et belle entreprise, d’avoir permis l’arrivée d’internet en France, la bouffaïsse, comme le dit Mado la niçoise, m’est montée au nez.

Heureusement, les deux principaux dirigeants du syndicat CFE-CGC, Sébastien Crozier et Hélène Marcy, lui ont rivé son clou.

Ils lui ont rappelé qu’en 1994, avant sa privatisation, France Télécom était la première entreprise de France en termes de bénéfice, et le 4ème opérateur de télécommunications mondial, par son chiffre d’affaires et son trafic international.

« 20 ans plus tard, Orange a disparu de la liste des 10 premiers opérateurs mondiaux. La libéralisation du marché n’a donc pas produit la création du « champion national » espérée lors de la libéralisation du marché. » 38 000 emplois directs ont été supprimés. Orange doit supprimer 10 000 emplois dans les trois années à venir.

Dans l’esprit du dévot Fillon, il est évident que le secteur privé est plus efficace que les entreprises du secteur public. Il emboîte le pas de tous les libéraux du parti socialiste, comme de l’UMP, du MEDEF et de la CPME (ex-CGPME), des « économistes », des principaux médias,….. Pour tout ce joli monde, la France est en crise à cause de sa dette publique, du coût du travail, de ce qu’elle n’est pas assez compétitive, de ce que les Français vivent au-dessus de leurs moyens,…..

En chœur, tous ceux-là entonnent le même hymne à la nécessité de diminuer la dépense publique et donc à transférer au secteur privé bien des activités publiques. Sous-entendu ou même dit crument par certains zélotes du libéralisme, les entreprises privées sont bien plus efficaces que les entreprises publiques.

L’exemple de la privatisation de France Télécom démontre le contraire. Mais il ne s’agit pas d’un cas particulier. Preuves à l’appui, je vais démontrer que, globalement, les entreprises du secteur public ont un fonctionnement bien plus efficace que celles du secteur privé.

Pour preuves de leurs sornettes, les libéraux mettent en avant l’énormité de la dette publique de la France. D’après eux, c’est la démonstration que les entreprises publiques ne sont pas rentables. Rappelons qu’à la fin de l’année 2016, la dette publique de la France s’élève à 2 160,4 milliards d’euros, soit 97,6 % du PIB (total des richesses produites).

Soit, ces chiffres ne sont pas discutables. Compte tenu de l’ardeur mise par les libéraux, Fillon le dévot en tête, à faire de la dette publique la preuve absolue de l’inefficacité du secteur public, nous sommes donc fondés à penser que le secteur privé est autrement moins endetté.

Étonnamment, nos libéraux, Fillon le dévot en tête, ne parlent jamais de la dette privée. Pourquoi ? Vous devinez la réponse, j’en suis sûr ! Eh bien ! Vous avez raison ! La dette privée est beaucoup plus élevée que la dette publique. Ce phénomène n’est pas particulier à la France, il est mondial.

Voilà ce qui était écrit, en juin 2016, sur le site du journal Les Échos (http://www.lesechos.fr/06/06/2016/L...) : « C’est un paradoxe. La dette privée, celle des ménages et des entreprises, hors secteur financier, a explosé dans le monde au cours des dernières années. Tirant les leçons de la crise financière, la plupart des États dans le monde se sont montrés raisonnables et ont plutôt cherché à limiter leur recours à l’emprunt ces dernières années. Mais, dans le même temps, les entreprises et les ménages eux se sont lourdement endettés. Et le phénomène inquiète. En effet, selon une étude récente du FMI, un fort et rapide accroissement de la dette privée rapportée au PIB d’un pays a, par la suite un effet amplificateur sur une récession, bien plus que la dette publique. » Tout le reste de l’article est à l’avenant.

En 2014, selon les dernières statistiques connues de la Banque de France (https://fr.wikipedia.org/wiki/Dette...), la dette privée de notre pays s’élevait à 124,5 % de notre PIB, alors que la dette publique s’élevait 95,3 % (https://fr.wikipedia.org/wiki/Dette...) source INSEE.

En outre, une partie de la dette publique de notre pays est le résultat des multiples dons financiers faits par l’État aux entreprises privées (CICE, renflouement des banques) et des non moins multiples exonérations sociales et fiscales consenties toujours aux mêmes.

Si bien que, sans crainte d’être contredit, j’affirme que les entreprises publiques sont très nettement plus performantes que les entreprises privées.

Privatiser les entreprises publiques aboutit inexorablement à augmenter la dette totale de la France.

Mais peut-être pensez-vous que mon anticapitalisme absolu m’amène à émettre des avis outranciers ? Pour vous convaincre du contraire, je cite longuement Jean Tirole, l’économiste libéral français, vénéré par tous les libéraux depuis qu’il a obtenu le prix Nobel d’économie en octobre 2014.

Voici ce qu’il déclarait en 2012 au journal La Tribune (http://www.latribune.fr/actualites/...) :

Dès le titre, le ton était donné : « La dette privée bancaire est en réalité de la dette publique » Jean Tirole

Dès la première question, notre futur prix Nobel ne tournait pas autour du pot :

LA TRIBUNE - Quelles réflexions vous inspirent les récents développements de la crise de la dette en Europe ?

JEAN TIROLE - Sur cette question de la dette, on n’a pas voulu voir suffisamment tôt que la dette souveraine (synonyme de dette publique –RM), contractée par les États, et la dette privée, contractée par les banques, devaient en fait être considérées comme un tout. La dette privée bancaire est en réalité de la dette publique : si les banques sont fragilisées, les États le sont aussi, et inversement. Or, pendant des années, nous n’avons raisonné, pour déterminer le niveau d’endettement des pays de la zone euro, que sur la dette souveraine. Les critères de Maastricht ne concernent que la dette publique et pas les dettes contingentes comme les retraites à verser ou la dette bancaire. S’ajoute à cela un problème de régulation : concernant la dette bancaire, cette régulation s’exerce au niveau des États.

Si un problème de surendettement des institutions financières survient, comme cela s’est produit en Espagne ou en Irlande, aucun autre État membre de la zone euro ne peut intervenir. Je vous rappelle que les difficultés de l’Espagne et de l’Irlande ont eu en partie pour origine une fragilité bancaire. Si le déficit irlandais est passé brutalement de 12% à 32% du PIB en 2010, c’est bien parce qu’il a fallu renflouer les banques. Je suis convaincu que c’est la première leçon que l’on va tirer de cette crise : il est nécessaire d’établir une régulation bancaire au niveau européen. Les dix-sept autorités nationales ont un budget limité, et n’ont pas des équipes capables de rivaliser avec celles des grandes banques….. »

Curieusement, le même Jean Tirole ne fait plus preuve de la même lucidité.


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