L’Espagne dans la tourmente (par Jean-Paul Damaggio)

lundi 7 novembre 2016.
 

L’histoire grecque va-t-elle se répéter ? En choisissant de soutenir Rajoy, le PSOE a tourné une nouvelle page de son histoire. En Grèce, ce choix a conduit à la marginalisation du PASOK au profit de Syrisa. Va-t-il en être de même pour Podemos avec en prime un glissement à droite comme pour Syrisa ?

Les médias n’ont porté aucune attention aux milliers de personnes (6000 selon la police) qui se sont réunies Puerta del Sol pour protester contre cette forme de coup d’Etat. A 300 mètres de ce rassemblement emblématique, au Congrès de l’Espagne, 170 députés ont voté le OUI à Rajoy ; 111 ont voté NON et 68 se sont abstenus. Ceux qui ont voté NON et se sont abstenus représentent 179 voix et en s’unissant, ils pouvaient battre Rajoy. Mais le PSOE a préféré la tranquillité avec Rajoy, que « l’aventure » avec PODEMOS.

Pas tout le PSOE puisque 15 députés refusèrent d’obéir aux ordres et ont voté NON. Le Montebourg ou le Jeremy Corbyn d’Espagne s’appelle Pedro Sanchez qui a démissionné de son poste de député pour rencontrer les militants et organiser la riposte au prochain congrès de son parti. Démission qui lui a permis de ne pas participer au vote car il aurait été grave pour lui de désobéir aux instances impératives de la majorité de la direction du PSOE.

Mais alors qui sont les 15 insoumis ? Six ne sont pas membres du PSOE ayant été choisis sur les listes de ce parti au nom de la présence de la « société civile ».

Le drame le plus crucial tient au NON des six députés du PSC, le parti socialiste catalan qui est associé au PSOE mais qui, en 1978, avait obtenu le droit à sa propre autonomie. Les députés en question ont donc obéi aux ordres du PSC (le NON) et pas à ceux du PSOE.

1 ) Pourquoi une forme de coup d’Etat ?

Car les élus PSOE l’ont été sur une ligne politique claire portée par Pedro Sanchez : en aucun cas une union avec Mariano Rajoy et un parti le PP où les affaires de corruption atteignent un nombre phénoménal. Cette promesse de campagne a donc été balayée. Par ailleurs, le parti centriste, Ciudadanos, créé pour rassembler les électeurs de droite mécontents du PP, a fini par voter avec Rajoy en échange sans doute de quelques postes ministériels (nous le saurons d’ici une semaine).

2 ) Pourquoi pas « l’aventure » avec PODEMOS ?

Entre le PSOE et PODEMOS les divergences étaient nombreuses et la plus cruciale concerne la Catalogne où se mijote sur le feu de l’histoire un référendum pour l’indépendance. L’ère des référendums stupéfiants a-t-elle commencée ? Après celui de Grande Bretagne qui renvoie ce pays hors de l’U.E., avec celui d’Italie le 4 décembre qui risque de renvoyer Matteo Renzi dans sa chère Florence, un référendum à Barcelone peut-il en finir avec l’Espagne ?

Podemos, comme le PSOE, n’est pas favorable à ce projet d’indépendance, mais défend le projet de référendum pour sortir de l’épreuve, en pensant que le OUI à l’indépendance serait perdant.

3 ) Le rassemblement de la Puerta del Sol a été oublié par les médias car il n’était pas « médiatique ».

Convoqué par Elena Martinez la dirigeante du petit parti Izquierda Castellana et le Bildu basque, il n’avait donc pas à sa tête Pablo Iglesias. Mais alors qui étaient ces manifestants ? Izquierda Castellana est un mouvement plutôt d’extrême-gauche, allié aux dernières élections avec Podemos, suivant en cela, son allié antérieur Izquierda Unida. Le mouvement propose une Castille unie (elle est aujourd’hui divisée en 5 communautés) et est surtout présent à Valladolid. Si la Puerta del Sol était pleine de monde, il faut reconnaître qu’elle n’était pas forcément pleine de manifestants car avec l’approche de la Toussaint il y avait beaucoup de touristes. Plutôt qu’un « Non au Coup d’Etat », le mot d’ordre a été « Non au Coup mafieux ».

Cette manifestation visant à assiéger le Congrès a donc permis de vérifier les luttes internes à Podemos. Si le PSOE se trouve en difficulté et si Podemos pense en récupérer les bénéfices, de quel Podemos parle-t-on ? Au même moment des élections internes ont lieu pour désigner les dirigeants du mouvement et les luttes entre diverses listes sont vives, tout particulièrement en Andalousie, Andalousie d’où viennent les dirigeants du virage à droite du PSOE et où la direction de Podemos est tenue par la gauche en la personne de Teresa Rodriguez, l’Andalousie étant le pilier de la gauche espagnole depuis la mort de Franco.

Au rassemblement Puerta del Sol, avant d’aller voter ils furent tout de même une vingtaine de députés de Podemos autour d’Alberto Garzon un des dirigeants du mouvement, à venir lever le poing.

L’histoire de l’Espagne va donc rester chaotique avec un gouvernement minoritaire dont tout le monde sait qu’il va continuer à mécontenter la population, un pays où le chômage reste considérable malgré quelques bavardages sur la reprise économique. Un pays à l’alternative incertaine face au regroupement PP-PSOE-CIUDADANOS.


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