Programme économique et compétitivité des entreprises

mercredi 6 janvier 2016.
 

En 2015, l’échec grec est venu nous rappeler une évidence : tout parti se doit de bien réfléchir à ce qu’il fera s’il arrive au pouvoir. Même dans le marasme actuel, cette question est incontournable. L’actualité nous pousse à nous interroger sur les questions de sécurité, de racisme, etc. Mais n’oublions pas que c’est dans le champ économique que se joue l’essentiel et que c’est là, en réalité, que se trouve la racine des maux qui nous frappent.

Il ne suffit pas d’énoncer des plans d’urgence. Il faut définir un projet de société et tracer un chemin pour aller du réel à cet idéal. Si l’on prend une par une les mesures proposées dans le programme « L’Humain d’abord », on s’aperçoit que la plupart d’entre elles se heurtent à un seul et même obstacle : la compétitivité des entreprises qui nous obéiraient en serait plombée, elles auraient plus de mal à vendre leurs produits et donc le chômage augmenterait. Cet argument, nous ne cessons de l’entendre. Les syndicats l’ont intégré et n’osent plus rien faire qui handicaperait leurs entreprises. Pouvons-nous le balayer d’un revers de main ?

Autrement dit, dans la société idéale à laquelle nous aspirons, y aura-t-il des entreprises et seront-elles en concurrence ? A moins de vouloir des monopoles partout, nous devons répondre oui à ces deux questions. Mais nos entreprises idéales seront très différentes de celles d’aujourd’hui, notamment dans leur manière de produire des biens ou des services.

Pour les idéologues libéraux, le seul impact d’un produit sur la société est l’utilité que peut en tirer celui qui l’a acheté. Dès lors, tout ce qu’ils demandent à l’économie, c’est de veiller à ce que le prix de ce produit soit le plus bas possible. Ils refusent de voir qu’avant la vente, le processus de production de biens ou de services a lui-même un fort impact sur la société, surtout dans un monde limité : pollution, consommation des ressources nécessaires à la production, impact sur la vie de ceux qui participent à cette production (et aussi de tous ceux qui produisent des biens ou services concurrents), sur la disparition de produits de meilleure qualité mais plus chers, etc.

Donc, si certains biens et services ont un impact positif sur la société, d’autres ont clairement un impact négatif. Peut-être pas, à court terme, pour celui qui les achète, mais pour la société en général. Or, les produits à impact positif ont en général un coût de production supérieur : s’il faut produire bio, bien payer ses employés, leur demander leur avis (houlà !), être transparent sur les ingrédients utilisés, faire attention aux déchets, etc., cela revient plus cher que si on s’en moque. Et donc, sur un marché où seul compte le prix, les biens et services à impact positif ont naturellement tendance à disparaître, supplantés par ceux qui nuisent à la société. Bien sûr, certains sont inventifs et trouvent souvent des parades pour qu’un produit positif résiste quelques temps mais cela ne change rien à la pente générale. Et voilà pourquoi le monde va de plus en plus mal.

Pourtant, entre le coût de production (marge des patrons incluse) et le prix de vente, l’Etat intervient : il ajoute des taxes, en général la TVA. Mais pour un type de produit donné, le taux de TVA est le même pour tous les concurrents. Un produit néfaste reste donc plus compétitif qu’un bon produit, condamnant inexorablement ce dernier à la disparition. Pour inverser la tendance, il faut que les produits nuisibles dédommagent la société pour cette nuisance. C’est le principe du pollueur-payeur, déjà reconnu, qu’il s’agit d’appliquer vraiment et de généraliser à tous les types de nuisances. Cette taxe sur l’irresponsabilité remplacerait avantageusement la TVA : les produits responsables deviendraient plus compétitifs que les mauvais et donc les entreprises responsables aussi.

Pour les consommateurs, la disparition de la TVA compensera ce surcoût. Pour l’Etat, dans un premier temps, l’irresponsabilité généralisée lui apportera au moins autant de ressources que la TVA. Puis, plus les entreprises ressembleront à ce que nous voulons qu’elles deviennent, moins il sera nécessaire. Et pour les syndicats, aujourd’hui paralysés, la perspective même de ces nouvelles règles du jeu peut être libératrice.

Cette idée comporte aussi une dimension internationaliste : les entreprises étrangères qui voudront vendre en France devront s’adapter aux règles spécifiques du marché français, et donc créer des filiales dans lesquelles les employés bénéficieront de meilleures conditions de travail, ce qui finira par donner des idées aux autres. Quant aux règles européennes, pas sûr qu’elles soient enfreintes puisque les produits favorisés ne le seraient pas sur la base de leur nationalité mais sur celle de critères objectifs. Et si elles le sont, que risquons-nous concrètement ?


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