Il faut réinventer notre façon de faire de la politique

vendredi 3 avril 2015.
 

L’histoire sourit aux audacieux

Immergé dans la campagne du premier tour dans le Jura, au cœur d’une construction citoyenne sans précédent pour ce département je vous livre mes premiers sentiments sur ce 1er tour. Forums citoyens, débats en pétale, conférences gesticulées, assemblées citoyennes ouvertes, autant de formules qui ont transformés les citoyen-ne-s et militant-e-s qui s’y sont frottées.

Ici le grand nombre fort d’une moyenne départementale des candidats du mouvement pour une majorité citoyenne à 15,89% devrait prolonger cette dynamique sans voir revenir les habitudes de l’entre soi et les intérêts étriqués des ’’chapelles’’ de partis.

Le premier tour des élections départementales a souligné le rejet populaire de la classe politique avec une abstention massive, mais éminemment politique, et un Front national aux alentours de 26% des votants en moyenne nationale. Le retour au peuple s’avère une urgence pour mettre fin à un système politique oligarchique qui décide sans le peuple et contre le peuple..

L’abstention, premier parti de France

C’est de loin le premier enseignement de ces élections, avec presque 50% des inscrits qui ont refusé de voter. Le second est le rejet massif du PS et de la politique gouvernementale, les électeurs ne s’étant pas mobilisés pour soutenir François Hollande et Manuel Valls dans leurs politiques d’austérité, d’asservissement de la France au trio européen Merkel – Dijsselbloem – Juncker, de casse du droit du travail et de répression des mouvements sociaux. La campagne plus que tardive du Premier ministre contre le Front national n’avait qu’un seul but : agiter l’épouvantail de l’extrême droite pour appeler au vote utile et culpabiliser les partis et électeurs trahis et déçus par le PS. Preuve de plus que le FN est la deuxième peau du système. Quel est le résultat ? Le parti de Marine Le Pen sort renforcé des élections et s’assure un ancrage territorial. C’est exactement la stratégie de l’exécutif : mener une politique du pire pour 2017, où le candidat PS de la nouvelle droite aura le loisir d’affirmer « C’est moi ou le chaos ».

L’autre gauche présente des résultats très variables, en moyenne à 9,4%. Dans certains départements, le PCF est allié au PS. Dans d’autres, le Front de Gauche est uni. Le Front de gauche ou le Parti de Gauche est allié dans de nombreux cantons avec Europe Ecologie – Les Verts. Dans quelques départements, le Parti de Gauche s’est mis à disposition de démarches citoyennes comme dans mon département le Jura avec l’Appel citoyen « Majorité citoyenne » qui rassemble militants politiques, associatifs, syndicaux, et citoyens restés longtemps éloignés de la politique. Le constat est sans appel : les mouvements citoyens (comme à Toulouse, à Lille, à Lons) et les rassemblements avec les écologistes (comme dans des cantons de l’Isère, la Drôme, la Lozère, de la Loire, du Rhône, de Seine-et-Marne) ont les meilleurs résultats électoraux souvent entre 13% et 20% (moyenne de 13,6% selon EELV pour les alliances FDG-EELV). Malgré les bidouillages du Ministère de l’Intérieur, étiquetant « Divers Gauche » les listes d’alliances avec les écologistes et certaines de nos majorités citoyennes, qui rendent illisibles le scrutin, nos constructions communes s’avèrent utiles.

Pour le peuple, avec le peuple

Notre engagement politique doit être en symbiose avec le peuple : il doit être la caisse de résonance de ses aspirations, le parti dans lequel les gens de peu y trouvent l’espoir et la force de se battre. Que dit le peuple ? Il dit « ça suffit », il dit « Dégage », il dit « Qu’ils s’en aillent tous » à cette classe politique qui depuis trop longtemps ne respecte plus sa volonté. Il dit « marre de la politique », il dit « ça suffit la soumission à Bruxelles ». L’abstention, le rejet du PS, les expériences de démarches citoyenne nous répètent une seule et même chose : « faites de la politique autrement, appliquez vos programmes sans vous en détourner, servez le peuple, et ne vous servez pas sur notre dos. »

Contrairement aux poncifs, le peuple français est très politisé : l’abstention est politique, l’engagement associatif est politique, les manifestations sont politiques. Las des élections et des dirigeants qui ne l’écoutent plus, le peuple s’engage autrement, fait entendre son ras-le-bol et son désir de changement du système. Les partis sont tous discrédités et assimilés à « une caste qui accapare même les rares vertueux. »

Trouver le peuple, les quatre injustices

Pour le peuple, par le peuple. Que faire alors ? Il faut d’abord connaître le peuple. Contrairement aux experts politologues pérorant et affirmant que le peuple est introuvable, je suis intimement convaincu que le peuple existe, qu’il est de plus en plus conscient de lui-même, et que bientôt, il reprendra ses droits. Quatre injustices frappent les Français. L’injustice sociale, l’injustice démocratique, l’injustice individuelle, l’injustice écologique.

L’injustice sociale, c’est l’explosion des inégalités sociales en France, en Europe et dans le monde, qui fait que les riches sont de plus en riches, et les pauvres de plus en plus pauvres. La répartition des richesses très inégalitaire due à un accaparement de celles-ci par les super-riches rend plus que pertinent les slogans des Indignés et des mouvements Occupy : « Nous sommes les 99% ». Le peuple c’est l’agrégation des 99% de la population qui subit l’accaparement des richesses par les 1% : casse des droits sociaux, privatisation des services publics, licenciements. Une guerre s’exerce entre la caste et le peuple. Nous devons la gagner.

L’injustice démocratique, c’est la perte totale de souveraineté populaire et nationale. Le pouvoir politique est confisqué par les élites politiques nationales et européennes, souvent non élues, qui ne respectent pas les électeurs, qui méprisent les référendums, qui n’agissent que pour satisfaire les marchés, que pour rembourser la dette des Etats aux banques privées et aux créanciers internationaux. Cette perte de pouvoir se traduit par l’abstention massive dans toutes les démocraties occidentales, tous les citoyens européens et nord-américains rejetant leurs dirigeants politiques, tous appelant à un sursaut démocratique, tous rejetant les délégations de souveraineté non consenties, tous voulant reprendre le contrôle de leur vie. C’est pourquoi le Mouvement pour la 6è République, qui veut dégager la caste, redonner le pouvoir au peuple en lui permettant d’écrire une Constitution qui lui offre droits politiques, sociaux et écologiques, et qui le protège des arbitraires du pouvoir, est indispensable. A ce jour, c’est le seul mouvement politique à recueillir en France aussi rapidement un nombre de participants aussi élevé. C’est aussi le seul mouvement politique avec une organisation totalement horizontale.

L’injustice individuelle, c’est les attaques contre toutes les libertés individuelles. Les attaques contre les libertés fondamentales de conscience, d’expression, de réunion et d’association inscrites dans les différentes déclarations des Droits de l’Homme. S’ajoutent les droits des femmes et des minorités sexuelles, constamment remis en cause, critiqués, attaqués de toutes parts. Enfin les guerres de religion, les persécutions multi-séculaires des Juifs, l’esclavage, la colonisation et la Shoah n’ont, semble-t-il, pas suffisamment réveillé les consciences de chacun. Les Juifs parce que juifs, les Musulmans parce que musulmans, les Noirs parce que noirs, les Rroms parce que rroms, mais aussi les homosexuels parce qu’homosexuels et les femmes parce que femmes subissent tous les jours des discriminations, stigmatisations, violences verbales et physiques, agressions, profanations, domination. Cela n’est pas acceptable en France, pays des Droits de l’Homme, pays de la Révolution française. Ces injustices individuelles attaquent en plein cœur la République. Le Peuple, c’est l’ensemble des Français qui s’y opposent, qui devant l’injustice relèvent la tête et disent non, qu’ils soient victimes ou non de l’injustice. Les manifestations du 11 janvier ont démontré notre intolérance à l’intolérance. Elles ont réaffirmé que la laïcité est le seul cadre pour vivre ensemble et libres.

L’injustice écologique enfin. C’est à la fois une inégalité entre les hommes et une destruction en règle de la planète, notre biosphère, la seule qui nous permet de vivre. Cette attaque envers la planète et la nature est injustice au sens où elle détruit les ressources grâce auxquelles des milliards d’êtres humains vivent. Elle condamne à terme des milliards de personnes. Seule l’oligarchie des 1% qui accapare et détruit les richesses naturelles pourra les sauvegarder pour elle-même et continuer à vivre. Les mouvements toujours plus populaires en faveur de l’écologie défendent un autre modèle de civilisation humaine pour réinventer l’inscription de l’homme dans la nature, de telle sorte que tous puisssent vivre sur terre. Cette conscience écologique, qui traverse les esprits et fait se mobiliser les citoyens ordinaires, dessine encore les contours du peuple : ceux qui se battent pour vivre décemment, en bonne santé, non seulement ici et maintenant, mais aussi dans des dizaines d’années.

Le peuple c’est l’agrégation des gens qui se retrouvent dans ces injustices. Le peuple est celui qui par ces injustices prend conscience de lui-même et de son pouvoir.

Un mouvement populaire

Notre rôle est de prendre à bras le corps ces exigences, d’articuler ces injustices, d’entreprendre la refondation démocratique et politique. Pour ce faire, il faut ouvrir les portes et les fenêtres ! Nous ne devons pas nous fermer sur nous-mêmes. Nous devons non plus encadrer les citoyens mais élaborer avec eux le monde de demain. A bas les identités partisanes exclusives et excluantes ! Il faut réinventer notre façon de faire de la politique.

Le Parti de Gauche doit s’adapter aux bouleversements de l’histoire, que sont l’accélération et la visibilité croissante de ces quatre injustices, amplifiées par l’explosion des échanges commerciaux et d’informations permis par les révolutions industrielles et la révolution numérique.

Pour ce faire, les expériences locales des démarches citoyennes et le Mouvement pour la 6 République au plan national sont de bons points d’appui. Les démarches citoyennes rassemblant citoyen-ne-s atterrés, révoltés, militants politiques, syndicaux, associatifs, citoyens dégoûtés ou non de la politique, autour de valeurs communes et de combats locaux partagés construiront les unités de base de la reconquête par le peuple. Le M6R au plan national, qui vient d’élire son assemblée de délégués, engage une construction démocratique inédite. La conjonction de ces deux mouvements assurera probablement l’entraînement des militants des partis du Front de Gauche, de EELV, de Nouvelle Donne, du NPA, et des socialistes ou créera une nouvelle force c’est le mouvement de l’histoire qui vient vers nous.

Les partis ne doivent plus accaparer la politique. Les Français n’ont jamais fait autant de politique. Mais fait nouveau, ils n’ont jamais fait autant de politique en dehors des partis politiques. Ne pas se couper du peuple, c’est le laisser prendre les initiatives.

C’est un pari sur l’avenir, c’est un pari pour le peuple, c’est un pari sur nous-mêmes. Mais l’histoire sourit aux audacieux.


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