L’adjudant-chef Manuel Valls et la docilité ordinaire des parlementaires socialistes

vendredi 24 juin 2016.
 

par Willy Pelletier Sociologue, coordinateur général de la Fondation Copernic

La démocratie n’a toujours été que combats pour fixer qui la contrôle. Combats perpétuels entre élites d’espèces diverses. Mais aussi entre groupes sociaux opposés. Certains luttent pour étendre les pouvoirs populaires et leurs interventions  : rétrécir les mandats, les cumuls, contrôler les élus, voire les révoquer. D’autres s’emploient à réduire les « intrusions » citoyennes dans un jeu politique qu’ils se réservent. Ils font taire le peuple, détournent ses votes, conservent l’entre-soi feutré et les arrangements commodes entre noblesses d’État ou du CAC 40 et grands élus « installés ». On sait de quel bord ce premier ministre se place. Ce premier ministre est faible. Il en devient dangereux. Faible, oui. Publiquement contesté par des ministres puissants. Et discrédité car ceux qui ont voté Hollande voient leur vie empirer.

Pour redresser l’autorité, qui chez lui est addiction et fantasme, il fait ce qu’il sait faire, à l’infini le répète, s’y abandonne et en jouit  : il cogne, sécurise le périmètre, coup de force et coup de menton permanent, marchez droit, sinon le feu nucléaire de l’exclusion hors du PS. M. Valls, ami des patrons et patron à poigne qui s’est fait tout seul, à la force du poignet, sans diplôme ou presque, exprime juste ce qu’il est. Il reproduit avec l’assurance des puissants les spontanéités liées à son histoire et à ses ressources d’ex-premier flic de France  : seuls valent fermeté et fermeture, les coups de pression de l’adjudant-chef, le coup de trique d’abord, on discute après.

Le plus inquiétant est ailleurs. M. Valls, avec la belle constance des commis de la finance, écrit l’histoire à l’envers. Il ne l’écrira plus longtemps. Le plus inquiétant est cette docilité ordinaire des parlementaires qui, spoliés de leurs fonctions, abaissés, ravalés à n’être que pantins qui sur ordre lèvent le bras, sagement y consentent. Le plus inquiétant est qu’au PS s’écrasent, s’aplatissent, ratifient, non seulement in fine les frondeurs, mais, et nettement plus largement, tous ceux qui croient encore que les mandats donnés aux élus fondent la « démocratie ». Ce sont eux qui l’offensent.

Ces élus, s’ils étaient de gauche, tous devraient désobéir, se révolter, faire grève, déclarer la méthode Valls à ce point illégitime qu’ils ne se prêtent pas à une politique où fait la loi un caporal. Quasiment aucun cadre du PS ne le fait. Pourquoi  ? Parce qu’ils sont devenus des professionnels de la politique. Le développement de l’intercommunalité a augmenté fortement les rémunérations électives et a professionnalisé un nombre croissant d’élus qui, mollement, vivent de la politique. Leurs avancements dépendent des directions du PS, des chefs de courant, du gouvernement. L’attachement à la réélection, le sentiment d’appropriation du mandat, les rétributions symboliques et matérielles dues aux mandats disposent à soutenir les « grands », qui en retour promeuvent. Solférino et Valls les tiennent par la barbichette de la carrière.

Plus cette professionnalisation politique s’accentue, plus on s’élève dans la carrière  : sur 577 députés, 339 cumulent mandat exécutif local et activité parlementaire  ; 82 % sont cadres ou professions intellectuelles supérieures. Les employés et les ouvriers  ? Juste 3 % des députés. Si bien qu’il est très difficile pour les élus, notamment PS, d’éprouver à quel point les services publics qui ferment, les droits et la protection sociale qui reculent, ce sont des vies interdites, des vies empêchées, des mois à découvert, des galères pour payer les loyers, la cantine des enfants. Des vies à toujours se dire non. Ces vies de peine, baignées d’incertitudes, celles et ceux qui se soumettent aux diktats de Valls n’en ont aucune idée. Peut-on l’admettre  ?


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