Un an après, quelle feuille de route pour le Front de Gauche ?

dimanche 12 mai 2013.
 

La coordination nationale du Front de Gauche a tenu le lundi 22 avril un séminaire prévu de longue date. Un an après le premier tour des élections présidentielles, cette réunion a été un moment utile pour faire le point et préparer la suite. Il m’est revenu d’effectuer l’intervention introductive côté PG. En voici la retranscription.

« La date de cette réunion correspond à l’anniversaire du premier tour des Présidentielles. Cela tient du hasard. Il tombe pourtant bien car ce carrefour calendaire permet de dresser le bilan de l’année écoulée et de se projeter sur l’année à venir. Car le FDG n’a pas pour fonction principale d’analyser l’actualité ni même de débattre de ses nuances internes. Tout cela est surement très précieux mais l’utilité du Front de Gauche c’est d’abord d’agir pour transformer la situation. Voilà ce à quoi nous devons nous atteler en nous fixant une feuille de route pour les 12 mois devant nous.

Quelle est la situation sur laquelle nous devons intervenir ? Un an après l’élection de François Hollande, le Front de Gauche se trouve confronté à une problématique : comment faire face à un gouvernement présumé de gauche qui sur le plan économique et social, au moins, fait une politique de droite ? Une politique d’austérité qui conduit à la récession et donc à l’échec aussi surement que la nuit succède au jour. Disons les choses autrement : comment éviter qu’au bout de cette impasse nos concitoyens ne redonnent le pouvoir à une droite extrémisée alliée ou pas à l’extrême droite ?

Cela revient à mettre en place une stratégie pour construire une majorité alternative appuyant une autre politique de gauche et obligeant dès lors le Chef de l’état à des choix. Le résultat de cette stratégie n’a évidemment rien de garanti mais nous n’avons pas d’autres solutions. Celle qui consisterait à faire pression sur le gouvernement dans l’espoir qu‘il change de politique ? Elle serait semeuse d’illusion. Car nous n’avons pas devant nous un gouvernement social-démocrate classique à qui nous reprocherions de faire des réformes trop timides, il s’agit d’un genre nouveau en France : un social libéralisme qui applique là sa politique libérale comme Blair ou Schroeder l’ont fait avant lui. Nous venons d’ailleurs d’en voir une démonstration supplémentaire. Vingt quatre heures après que 74 députés ont refusé de voter l’ANI, Monteboug, Hamon et Duflot, certains eux aussi que l’austérité conduit dans le mur, sont montés au front de manière concertée les 9 et 10 avril. Le recadrage de François Hollande n’a pas tardé : le 10 avril il les tançait et affirmait maintenir son cap. Le vote bloqué de l’ANI au Sénat entre dans ce cadre de reprise en main. Qu’espère le Président de la République ? Peu de choses en réalité de sa politique. Il parie sur des solutions exogènes. Pour lui la crise est cyclique, elle finira donc par passer. On le dit même persuadé que l’Allemagne devra finir par relâcher son étreinte monétariste. En attendant, il faut tenir en rassurant les marchés. Il se trompe lourdement : cette crise est systémique, la France ne pourra donc s’en sortir en se contentant de combiner patience et austérité.

S’il est illusoire de « pousser » ce gouvernement vers la gauche, nous devons par contre construire un rapport de force politique vis à vis de François Hollande.

Première condition : le FDG ne doit être assimilé en rien à la politique gouvernementale. C’est le plus grand écueil : tous les jours le pouvoir mediatico-politique ne cesse de réduire « LA » gauche à la majorité de JM Ayrault nous reléguant aux marges. Le PS en rajoute, ne cessant de nous intimer l’unité pour ne pas faire pas le jeu de la droite. Cette farce cynique bute sur une réalité : du TSCG à l’ANI, remake des accords compétitivité emploi, en passant par la TVA sociale censée contrebalancer en partie les 20 milliards de cadeaux aux entreprises du pacte de compétitivité sans oublier la nouvelle réforme des retraites promise à l’été, ce n’est pas nous qui donnons ainsi une victoire a posteriori à Nicolas Sarkozy et jouons du coup son jeu. Refusons de nous laisser intimider par ce théâtre d’ombre : nous devons clairement,, dans les actes et le verbe, nous opposer à cette politique d’austérité comme d’ailleurs la résolution stratégique du Front de Gauche de janvier 2013 nous invite à le faire.

Ensuite il faut… passer devant le PS, lui prendre le leader ship à gauche en combinant mobilisations, initiatives programmatiques et élections. La droite et l’extrême droite se mobilisent dans la rue en prenant le mariage pour tous comme prétexte, il nous revient de proposer au peuple de gauche de se lever sur les valeurs qui l’ont poussé à battre Sarkozy en mai 2012. Marche C’est la raison d’être de notre marche du 5 mai contre l’austérité et la finance et pour la 6ème République. Comme l’écrit si bien Roger Martelli aujourd’hui dans une tribune de l’Humanité, cette marche proclame qu’il faut « changer de politique et de système ». Changer de politique c’est combattre l’austérité, changer de système c’est proposer une 6ème république démocratique, sociale et écologiste. Tout cela est dans la droite ligne de la campagne présidentielle de Jean-Luc Mélenchon et du Front de Gauche qui s’est appuyée sur la cohérence d’un programme de gouvernement, « l’Humain d’abord », au point de contraindre François Hollande à orienter une partie de son discours contre la finance. Voilà le fil que nous devons reprendre dans toutes les initiatives que nous soutiendrons ou lancerons à l’avenir : mobilisations sociales, assises, marche des femmes contre l’austérité, Estivales… Ce sera aussi ce que nous devrons défendre lors des élections de 2014 si la situation ne conduit pas, d’ici là, à une accélération des rythmes y compris électoraux. A nous de saisir l’occasion des Européennes. Leur objet et leur scrutin à la proportionnelle peuvent nous donner l’occasion de passer devant le PS et provoquer le séisme politique espéré. Il reviendra alors à François Hollande de dire s’il opte pour la ligne nouvellement majoritairement à gauche, celle de la rupture… Dans tous les cas ce sera l’heure de la clarification. Dans cette stratégie, nous ne nions pas l’importance propre et les spécificités des Municipales qui auront lieu deux mois avant mais nous devrons aborder, sous peine d’être illisibles, ces deux élections avec la même cohérence : celle d’une stratégie d’autonomie conquérante vis à vis des listes soutenant la politique du gouvernement.

Une autonomie bien sûr rassembleuse. Il nous faut continuer à travailler à l’unité avec à ceux qui, dans la majorité, expriment leur refus de l’austérité : gauche du PS et EELV. Mais disons le, s’il faut évidemment oeuvrer à cet élargissement, et nous le faisons tous, ce ne peut en être le centre de gravité. Si nous saluons les parlementaires qui ont refusé de voter l’ANI, les signaux que ces personnalités voir courants nous renvoient sont hésitants. Le temps ne semble jamais venu pour eux que ce soit lors de la manifestion du 30 septembre ou du 5 mai. Il y a toujours de bonnes raisons pour qu’ils reportent cet engagement à notre côté. Quand ce refus n’est pas teinté d’agressivité à notre égard ou envers ceux des leurs qui ont le courage simplement de dire des choses en commun avec nous comme Eva Joly. Aujourd’hui nous ne sommes nullement certains qu’ils finiront par faire mouvement. Du coup notre stratégie tient compte d’eux, nous en espérons toujours à notre côté le 5 mai, mais ne peut pas dépendre d’eux.

La nécessité du rassemblement est décisive vis à vis des mouvements sociaux, des syndicats des associations qui contestent comme nous la politique gouvernementale. Bien sûr chacun à sa place, en toute indépendance, avec ses spécificités, jouant à tour de rôle les déclencheurs auxquels les autres viennent apporter leur solidarité. Mais les démarches qui associent les acteurs politiques que nous sommes et ceux des mouvements sociaux jusqu’à participer aux mêmes initiatives sont évidemment essentielles. La manifestation du 30 septembre, mais aussi la mobilisation en faveur de la loi d’amnistie sociale, en ont été la démonstration. Le 5 mai le prouvera encore.

Mais le Front de gauche doit toujours, et en priorité, avoir la volonté de rassembler le peuple. Ce qu’il est convenu d’appeler le peuple de gauche mais aussi le peuple tout entier. Ceux dont les repères se définissent toujours sur une échelle gauche/droite comme ceux pour qui ce n’est plus les cas, encore moins le cas depuis 12 mois, tant gauche et droite leur semblent pareillement responsables. Le FDG doit répondre à leur amertume et colère en parlant clair et en assumant la parole tribunicienne. Pour répondre à cette exigence, le Front de gauche doit plus que jamais se muer en Front du peuple soit la force qui, toujours, met l’implication citoyenne au centre de ses préoccupations. Les Assemblées citoyennes ont un rôle décisif à jouer et sur ce point nous sommes encore trop éloignés de ce qu’il faut réaliser.

Le Front de Gauche ne construira évidemment pas seul cette majorité alternative mais il doit assumer d’en être le déclencheur, le leader parce qu’il est le seul en situation de jouer ce rôle aujourd’hui.

La tâche est lourde. Elle est à la hauteur des enjeux historiques se dressant devant nous : face à cette contre révolution libérale et autoritaire débutée dans les années 80 avec Thatcher et Reagan et qui place aujourd’hui le monde en état d’urgence, nous devons plus que jamais assumer de favoriser le développement de la révolution citoyenne. Il n’y a pas d’autres issues. Nous avons un atout : le Front de Gauche.


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