Quelles sont les propositions du Front de gauche pour l’agriculture ?

lundi 25 novembre 2013.
 

Par Xavier Compain (PCF), Jacques Lerichomme (Gauche unitaire), Laurent Levard (PG), tous en charge de l’agriculture dans leur organisation.

Alors qu’une nouvelle loi d’avenir de l’agriculture vient d’être soumise au Conseil des ministres (mercredi 13 novembre), le Front de gauche de l’agriculture a élaboré au cours des derniers mois ses propositions sur le foncier agricole, en y associant syndicalistes, spécialistes de l’agriculture, responsables d’associations et élus. La loi d’avenir pourrait en effet être l’opportunité d’une politique foncière volontariste en faveur d’un autre modèle agricole  : une agriculture paysanne, écologique, productrice de produits de qualité, créatrice d’emplois et contribuant à la vie des territoires ruraux.

Pour le Front de gauche, il s’agit d’abord de protéger le foncier agricole, forestier et naturel face à l’artificialisation des terres. Chaque année, l’espace agricole est grignoté par l’urbanisation et la construction d’infrastructures. Ce processus alimente la spéculation, rend difficile l’installation d’agriculteurs et constitue une menace pour la souveraineté alimentaire. Au rythme actuel (– 78 000 ha/an entre 2006 et 2010), 15 % du potentiel agricole de la France aura, d’ici à 2050, encore disparu.

Le Front de gauche propose ainsi un plan de protection généralisée du foncier agricole, forestier et naturel, en s’inspirant de la loi Littoral. Au-delà de la protection du foncier, il s’agit de stopper la spéculation sur les terres agricoles et de faire ainsi retomber le prix du foncier, lequel bloque aujourd’hui si souvent les installations et le développement des petites exploitations à proximité des villes.

Des exceptions à la règle générale seraient possibles, sur décision des commissions départementales de consommation des espaces agricoles (CDCEA), dont la composition serait revue, après proposition de collectivités locales ou de l’État, et sur la base de critères stricts définis nationalement. Les décisions ne seraient ainsi plus du ressort des maires qui sont, aujourd’hui, bien souvent soumis à de fortes pressions de la part d’intérêts privés pour autoriser le déclassement des terres agricoles. Le rythme national d’artificialisation pour les dix ans à venir serait plafonné à 10 % du rythme actuel, soit 8 000 ha/an. La protection du foncier agricole concernerait également les bâtiments agricoles et les bâtiments d’habitation de l’agriculteur.

Les propositions du Front de gauche visent d’autre part à inverser le processus actuel de concentration de la production agricole. Les outils de contrôle du foncier existants, qui ont souvent joué un rôle positif par le passé, ne sont pas utilisés comme ils le pourraient, faute de véritable volonté politique. La politique foncière proposée s’articule autour de trois axes  : le contrôle des structures, l’intervention sur le foncier agricole et le droit du fermage.

Des établissements publics ruraux (EPFR) régionaux et départementaux, agissant dans le cadre d’orientations nationales, reprendraient les actuelles fonctions du contrôle des structures, des Safer et de l’encadrement des fermages, de façon à garantir une meilleure cohérence entre ces diverses fonctions. Pour ce qui est de la politique des structures, l’EPFR s’appuierait sur la commission départementale d’orientation agricole (CDOA) dont la composition serait modifiée pour mieux représenter l’intérêt général. L’État serait décisionnaire en ultime instance.

La nouvelle politique des structures reposerait sur l’existence d’une surface maximale d’exploitation par actif, au-dessus de laquelle l’autorisation administrative d’exploiter ne pourrait être accordée. Il s’agit ainsi de libérer des terres agricoles au service de l’installation et du soutien aux petites exploitations, de diminuer la pression sur le prix du foncier et de promouvoir la transition écologique de l’agriculture. L’autorisation d’exploiter serait réexaminée, y compris pour les sociétés, en cas d’installation, transmission, renouvellement de bail, agrandissement, division de l’exploitation, diminution du nombre d’actifs, ou encore de changement de l’orientation de la production (types d’utilisation des sols). Le plafond par actif, défini nationalement, serait de 80 ha pour un usage en grandes cultures dans des conditions moyennes de rendement (avec des équivalents selon le type de production et le potentiel agronomique). Les actifs pris en compte seraient les actifs familiaux ou coopérateurs et les actifs salariés dans la limite d’un actif salarié (deux à trois dans le cas de productions très intensives en travail) par actif familial ou coopérateur.

En matière d’intervention sur le foncier, l’EPFR préempterait systématiquement le foncier à la vente ou en cas de donation, chaque fois qu’il s’agirait de favoriser les installations, les agrandissements de petites exploitations, les projets d’agriculture écologique ou les projets de collectivités territoriales visant à développer des circuits courts. Les terres préemptées seraient restituées (ventes ou locations-ventes) en fonction de ces objectifs. La préemption s’étendrait aux parts de société en cas de vente, de cession ou de démantèlement d’une société.

Un prix de vente de référence du foncier serait établi par territoire. En cas de vente au-dessus de ce prix de référence, il y aurait préemption à ce prix ou taxation à 90 % de la différence entre le prix de vente et le prix de référence.

Afin de favoriser les opérations de location-vente, la capacité et la durée de stockage du foncier des EPFR seraient accrues par rapport aux actuelles Safer, grâce à l’affectation d’une part des taxes locales (300 millions d’euros), l’objectif étant l’acquisition de 20 000 ha par an.

La révision du droit du fermage viserait enfin à renforcer le droit des fermiers, tout en encourageant la mise en location des terres à usage agricole. Le droit de reprise («  pas-de-porte  ») serait abrogé. En cas de libération d’un fermage, le propriétaire, sauf en cas d’exploitation directe par lui-même, serait tenu de louer à un agriculteur disposant de la liberté d’exploiter. En cas de manifestation de plusieurs candidats, la CDOA choisirait le fermier sur la base des orientations nationales et des priorités départementales. Les agriculteurs propriétaires accédant à la retraite et n’ayant pas de successeurs seraient encouragés à vendre ou à octroyer un bail fermier grâce à la revalorisation des retraites agricoles (1 000 euros net immédiats, alignement à terme sur les retraites des salariés).

Une taxe locale supplémentaire serait appliquée aux terres inoccupées. Le produit de cette taxe serait utilisé par les collectivités territoriales pour acquérir des terres agricoles et les mettre à disposition d’agriculteurs s’inscrivant dans les initiatives d’agriculture biologique et de circuits courts.

La politique foncière proposée par le Front de gauche pourrait ainsi constituer un outil efficace en faveur d’un nouveau modèle agricole. Les mesures proposées ne dépendent que de l’existence d’une véritable volonté politique nationale  : à la différence de la PAC, il n’y a ici aucun besoin de consensus européen et il n’y a pas non plus de règles européennes contraignantes qui peuvent servir de justification pour ne pas s’engager sur cette voie.

Xavier Compain (PCF), Jacques Lerichomme (Gauche unitaire), Laurent Levard (PG),


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