Estivales du Front de gauche "Là où croît le péril, croît aussi ce qui sauve"

vendredi 30 août 2013.
 

De la tension et peut-être même de la crise au programme. C’est ce qu’ont voulu retenir, des Remue-Méninges et des Estivales, les médias. Derrière les préoccupations boutiquières de la politique spectacle qui fait d’autant plus vendre qu’elle repose sur des conjectures, il y avait sans doute également dans nombre de rédactions en chef l’espoir gourmand d’une nouvelle fissure conduisant au naufrage sans cesse annoncé de cette incongruité que constitue le Front de Gauche. Pierre Laurent avait qualifié, on s’en souvient, « d’invectives » les propos de Jean-Luc Mélenchon à l’égard des indignités proférées par Manuel Valls. Le second avait fait part de sa déception de ce « tir dans le dos » lors du meeting de vendredi soir. Dimanche, au cours d’interventions clôturant les quatre jours de travaux et de rencontres militantes, les deux porte-parole ont rappelé que l’existence du Front de Gauche nous était trop chère et indispensable pour être remise en cause. Il s’agit de « notre bien le plus précieux » a répété Jean-Luc Mélenchon. Désireux de calmer les « inquiétudes », Pierre Laurent a insisté sur « l’esprit d’unité », colonne vertébrale du Front de Gauche, plaidant pour clore la polémique : « Tout ce que je fais, tout ce que les communistes font, ils le font depuis maintenant quatre ans, avec toute la sincérité qui est la leur, toute la conviction, toutes les maladresses parfois aussi. Personne n’est parfait… »

Certes, ceci ne fait pas disparaître les divergences mais les différences d’appréciation sur les municipales sont connues et assumées. Les deux représentants du PG et du PCF les ont rappelées et justifiées. Au-delà de ces divergences, les diagnostics sévères sur la politique gouvernementale, les luttes à mener dès la rentrée relèvent d’une vision incontestablement commune. C’est ce qui semble justement avoir été oublié par les médias préoccupés seulement par les trains qui n’arrivent pas à l’heure, mais qui ici nourrit concrètement les perspectives militantes.

La première d’entre elles est sans équivoque. « Il faut faire de la politique », a martelé Jean-Luc Mélenchon, lui redonner ses lettres de noblesse, sa réalité, « c’est le message que nous devons porter ». Martine Billard, sur la même thématique, a pointé la nécessité de « transformer la colère du peuple en espérance », de reconquérir « l’hégémonie culturelle » : ne pas laisser le désabusement, le désespoir s’installer. Dès septembre, les attaques contre le niveau de vie des Français avec ses conséquences sur leur quotidien vont se multiplier. Ce sera les retraites, la hausse de la TVA à 20%, une nouvelle fiscalité « verte » qui touchera les plus fragiles, et la menace d’un Grand Marché Transatlantique dont la mise en œuvre est prévue en 2015. Négocié par la commission européenne, à l’abri des regards des populations concernées, il vise à donner aux groupes européens et américains, sous la direction des Etats-Unis, un cadre économique et social accroître la compétition avec l’Asie. Une guerre économique dont les premières victimes seront la démocratie et la souveraineté des peuples, leurs droits économiques et sociaux acquis de longue lutte ainsi que leur culture qu’aucune « exception » n’épargnera. Le PG s’engagera, a insisté son porte-parole, dans la bataille des Européennes avec la volonté de tout faire pour que capote ce projet de Grand Marché Transatlantique.

Les menaces sont lourdes, réelles, mais ouvrent aussi d’autres possibles comme l’a écrit le poète allemand Holderlin : « Là où croît le péril, croît aussi ce qui sauve. » Après ses trois premières années d’existence, le Front de Gauche a obtenu 11,1% des suffrages aux présidentielles de 2012 sur une base programmatique claire en dépit du matraquage médiatique qui travaillait à faire passer depuis des décennies pour ringard sinon pour obscène toute allusion à la lutte de classes, à l’exploitation capitaliste… Pierre Laurent a rappelé dans son intervention un récent sondage paru dans L’Humanité qui stipulait que 89% de l’électorat Mélenchon demeurait fidèle à son choix. Ce qui indique qu’il ne s’agit pas d’une adhésion superficielle, réduite aux seuls effets rhétoriques d’un tribun comme on l’entend parfois, mais à des idées. Il reste, il est vrai, à se faire encore plus entendre et c’est tout l’objet des Remue-Méninges et des Estivales qui viennent de se terminer dimanche.

Rappelons que plus d’un millier de participants se sont disséminés durant trois jours à travers près de 80 ateliers. Crayon en main, ils ont suivi les exposés réalisés par des cadres politiques, des universitaires, parfois d’opinions différentes, avant de les soumettre aux questions et de débattre. Peu de traces d’égo dans ces exercices, mais la volonté commune d’explorer au mieux des champs de la vie économique, sociale ou politique. Le nombre d’ateliers révèle l’ampleur des questionnements. Voici quelques thèmes pour en évaluer l’amplitude : « Revenu universel, salaire universel, sécurité sociale professionnelle ? », « Formation, analyser pour lutter : la monnaie et l’euro », « L’état de la nébuleuse d’extrême droite », « Formation municipales : compétence du maire, des adjoints, EPCI, règlement du conseil municipal », « Europe : l’Allemagne et le modèle de compétitivité », « Le numérique et l’Humain d’abord », « Sortir de la crise : changer d’économie ou changer de civilisation »… Comme on le voit, des interrogations parfois très théoriques, mais aussi très concrètes, de façon à pouvoir faire de ces idées des forces matérielles et une stratégie. Le tout jeune Marx en avait déjà fait le constat : « L’arme de la critique ne saurait remplacer la critique des armes. »

Jean-Luc Bertet


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