L’empire offshore du baron Elie de Rothschild dans les îles Cook

dimanche 21 avril 2013.
 

Les Rothschild. La plus célèbre et plus influente des dynasties financières, dont l’histoire se confond avec celle du capitalisme financier mondial.

Une histoire dans laquelle le secret, celui des affaires, celui de la fortune, occupe une large place... Jusqu’à aboutir aujourd’hui à cette révélation, issue des fichiers du Consortium international de journalistes d’investigation (ICIJ) : Elie de Rothschild, figure tutélaire de la branche française de la famille, mort en 2007 à l’âge de 90 ans, s’est constitué un véritable empire offshore, à l’ombre des palmiers des îles Cook, entre 1996 et 2003.

Malgré de nombreuses tentatives, Le Monde n’a pu entrer en contact avec les héritiers du baron Elie de Rothschild, qui fut à la fois homme d’affaires et mécène.

Seul le baron Eric de Rothschild, son neveu, banquier en vue à Paris, a accepté de nous répondre, en précisant que leurs destins s’étaient séparés au début des années 1980, lors du départ d’Elie de Rothschild pour Londres. Une autre source proche de la famille précise que ce dernier aurait alors développé des affaires en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis dans lesquels aucun autre membre de la branche française n’aurait investi.

Dans les fichiers d’ICIJ, le nom d’Elie de Rothschild n’est apparu que très tard, le 19 février, après déjà de longues semaines d’enquête.

La complexité des montages financiers mis en place dans ces îles du Pacifique, leur opacité totale, marquée par un impressionnant empilement de sociétés-écrans, avaient dans un premier temps empêché l’identification de l’ancien homme d’affaires et mécène. De son côté, la fondation ICIJ n’avait pu répertorier le baron de Rothschild dans sa première liste de noms français, car celui-ci avait quitté la France pour s’établir à Londres en 1983.

Et pourtant. Une fois son nom identifié, les recherches aboutissent donc à ce spectaculaire résultat : pas moins de dix-huit trusts (ces fameuses sociétés de fiducie destinées à masquer le nom de leur vrai propriétaire) ont été mis sur pied dans les îles Cook, ce territoire indépendant étroitement lié à la Nouvelle-Zélande, par l’ancien président du conseil d’administration de la banque suisse Rothschild AG de Zurich. Ils portent les noms d’Agate Trust, Anon Trust, Ava Trust, Bakalel Trust, Cegate Trust, Corso Trust, Eva Ariel Trust...

Selon les documents pris dans les filets des fichiers secrets d’ICIJ, toutes ces entités ont été créées à la demande d’Elie de Rothschild, identifié noir sur blanc comme leur trust settlor (le " commanditaire du trust "). Plusieurs documents datés de 2007, 2008 et 2009, dont notamment des mails de cabinets d’avocats, montrent aussi que ces trusts ont perduré après la mort du baron.

Des mails laissent à penser que deux cabinets d’avocats, l’un new-yorkais, Migdal, Pollack & Rosenkrantz LLP, l’autre suisse et très en vue dans la Confédération helvétique, Lenz & Staehelin, ont été étroitement associés soit à la création de ces entités offshore, soit à leur gestion.

Comparés à d’autres montages offshore, ceux auxquels a eu recours Elie de Rothschild apparaissent extraordinairement compliqués. Ainsi, bon nombre des trusts créés ont pour actionnaire commun la société Mandalor limited, basée à Saint-Vincent, près des îles Grenadines, une société également opaque.

A ce point opaque que, dans un e-mail daté du 2 juillet 2008 au cabinet d’avocats Lenz & Staehelin, la société offshore Portcullis TrustNet, qui fait office de représentant légal des trusts Rothschild aux îles Cook et est d’ordinaire relativement peu exigeante, réclame des éclaircissements sur l’identité des bénéficiaires réels de Mandalor.

Anne Michel


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