Jean-Luc Mélenchon sur le champ de bataille médiatique : le programme populaire partagé arrivera-t-il à percer les murs du silence ? (novembre 2011)

mardi 22 décembre 2020.
 

Réponse à l’article Le front de gauche victime d’un ostracisme des télés et radios

Enfin une étude chiffrée sur la censure politique dont est victime le Front de Gauche.

Les résultats ne sont pas surprenants mais mais ont le mérite de donner une base pour démasquer cet ostracisme médiatique.

Mais ces données sous-estiment encore l’intensité et la perfidie de cet ostracisme qui frappe le Front de Gauche.

Le Web-média Agora Vox, en mars 2010, avait mis en ligne un article intitulé : "un indicateur de censure à l’usage des médias".

Le Front de Gauche battait de loin, les autres formations politiques de gauche comme de droite, avec un indicateur de censure de 97 %

(http://www.agoravox.fr/actualites/m... )

Le système TINA (There is No Alternative) comme l’appelle Noam Chomsky, ne tolère pas la contestation du système économique et politique libéral ou ultralibéral mis en place depuis 30 ans. Il s’agit en fait d’une forme de dictature idéologique, de totalitarisme qui ne dit pas son nom. L’usage des médias par le pouvoir dominant a remplacé celui de la terreur par les armes. On n’oblige pas les gens à voter pour les défenseurs de l’intérêt des puissants un fusil dans le dos, on ne les persuade plus de se soumettre à la volonté des petits et grands monarques qui étaient censés avoir la bénédiction de Dieu qui légitimait ainsi leur domination.

Non, maintenant on intervient directement à leur domicile, au cœur de leur boîte crânienne en façonnant leur esprit, en sculptant leurs représentations mentales avec le laser invisible du flux informationnel qui transite par voie hertzienne et câblée et pénètre de canaux physiques en canaux sensoriels dans le réseau neuronal du cerveau de chacun.

De même, on n’emprisonne pas les contestataires comme dans une dictature ouverte, on n’interdit pas aux anti libéraux de publier leurs idées mais tout est fait au niveau de la maîtrise des moyens de diffusion pour que leurs publications ou leurs interventions publiques soient diffusés au minimum du possible. Les propositions du Front de Gauche se trouvent ainsi noyées dans un flot, dans un torrent de propos journalistiques ou "d’experts" patentés chargés ou qui se chargent eux-mêmes de légitimer et de défendre le système économique et l’ordre social dominants.

Ce flot est suffisamment puissant pour rendre à peine nécessaire la contestation des idées du front de gauche par ses adversaires politiques. Règnent en maîtres les commentaires des journalistes libéraux ou sociaux libéraux. Pour ne prendre qu’un exemple parmi d’autres, une émission comme C dans l’air sur France 5, n’invite que très rarement des personnes susceptibles de défendre un point de vue non libéral. Sur 60 invités, nous avons évalué à environ cinq, le nombre de personnes défendant un point de vue rompant avec les schémas habituels du libéralisme ou social libéralisme. Mais en dehors des commentaires il y a aussi la sélection des faits et des thèmes qui n’a rien de neutre. Ainsi la thématique DSK, la thématique dette publique ont occupé et occupent encore un espace disproportionné. Malgré la discrétion ou l’invisibilité du processus de censure, la violence de cette mécanique médiatique apparaît néanmoins précisément par la marginalisation volontaire, planifiée, de toute pensée mettant en cause les fondements idéologiques du système économique actuel et proposant de véritables alternatives. Les représentants du Front de Gauche sont ainsi délibérément écartés autant que possible du débat public.

Cette stratégie de mise à l’écart ne s’exerce pas seulement au niveau national mais s’exerce aussi au niveau local. Pour s’en convaincre voici quelques exemples :

Censure à Nice : http://www.emmanuelle-gaziello.com/...

Censure à Reims : http://www.pcfreims.org/article.php...

Censure à Nîmes : http://vdr.pcf30.over-blog.com/arti...

Censure à Chartres : http://www.infos-28.com/point-de-vu...

On pourrait ainsi établir une liste interminable. Remarquons que la chaîne publique de télévision France 3 au niveau régional est souvent mise en cause par son refus de rendre compte de manifestations politiques du front de gauche.

Les chiffres cités par Jean-Luc Mélenchon qui permettent d’entrevoir l’ampleur du déséquilibre invoqué révèlent cette violence. D’un certain point de vue, il peut être aussi considéré comme un indice de dangerosité du Front de Gauche pour le système en place.

Comme je l’avais déjà indiqué dans un article précédent ( http://www.gauchemip.org/spip.php?a... ), le temps de parole recensé ne suffit pas à rendre compte de cette stratégie médiatique de marginalisation. Il faut tenir compte aussi de l’audience et de la part d’audience du média utilisé. Parler cinq minutes sur la chaîne BFM TV n’a pas le même impact que de parler cinq minutes sur France Inter ou sur France 2 à la même heure. Intervient évidemment dans cette audience l’heure à laquelle est réalisée l’intervention.

Un autre facteur important à prendre en considération est le contexte dans lequel le représentant du Front de Gauche s’expriment sur un plateau de radio ou de télévision : est-il seul en ayant la possibilité d’exprimer, avec le temps nécessaire, ses idées ? Est-il invité avec 5 ou 10 autres interlocuteurs ? Le journaliste oriente-t-il ses questions sur des sujets anecdotiques ou ne lui permettant pas d’aborder par exemple les propositions du programme partagé ?

Mais il y a aussi la presse : de quelle surface rédactionnelle globale dispose le Front de Gauche dans la presse française par rapport aux autres partis de gauche et par rapport aux partis de droite ? Il existe, certes et heureusement, le journal l’Humanité et la revue À gauche mais cela pèse bien peu par rapport à l’ensemble de la presse nationale, régionale et locale. Même un journal comme Marianne, qui se réclame anti ultralibéral et prétend faire la promotion de la démocratie, accorde très peu d’interviews à des représentants ou des sympathisants du front de Gauche. Pour ce journal, en effet, les seules alternatives possibles sont le PS ou le Modem.

Il ne faut pas non plus perdre de vue que cette marginalisation médiatique du Front de Gauche s’inscrit dans un contexte global de manipulation dont nous ne détaillerons pas ici les techniques. Sylvain Timsit, il y a déjà quelques années, en avait repéré 10. On peut les entendre en ligne à : "10 points de manipulations". http://novusordoseclorum.discutforu...

On peut aussi se reporter à son site, graphiquement bien élaboré, qui traite largement de la question des médias et de la démocratie : http://www.syti.net . Timsit adopte la terminologie de Jean Ziegler des "maîtres du monde", reprenant le titre du livre publié par celui-ci : "Les nouveaux maîtres du monde et ceux qui leur résistent" (éditions du Seuil). Mélenchon parlerait maintenant d’oligarchie mondiale.

Il est clair que si les maîtres du monde médiatique laissaient trop s’exprimer des représentants du Front de Gauche, ils dynamiteraient leur système de manipulation des esprits. D’où leur entêtement dans leur ostracisme. La conscience de cette situation peut conduire à un certain fatalisme de la part de certains responsables politiques de l’Autre gauche : c’est eux qui ont le pouvoir, qui contrôlent les médias, on ne peut rien faire … Ce n’est même pas la peine d’aborder le sujet …Et le silence sur cette censure continue alors de perdurer. Mais telle n’est pas l’attitude de Jean-Luc Mélenchon qui n’a pas accepté de se soumettre à la dictature des médias dominants.

Mais la manipulation a ses limites et ne gagne pas à tous les coups. Le vote négatif des Français concernant le traité constitutionnel européen en 2005 a montré que la "fausse conscience" décrite par Herbert Marcuse dans son ouvrage "L’homme unidimensionnel", ne s’était pas installée dans la tête de tous les Français.

Ajoutons qu’à ce déséquilibre des temps de parole s’ajoute un tout aussi énorme déséquilibre dans le financement de la campagne électorale. Les moyens financiers utilisés par l’UMP ou le PS s’élèvent à environ 10 fois ceux utilisés par le Front de Gauche. Là encore les moyens matériels de diffusion sont disproportionnés.

Mais arrivé à ce point de notre propos, apparaît alors une énigme : comment se fait-il qu’avec un tel ostracisme, une telle censure, il n’y ait si peu de réactions ? Comment une bataille électorale peut–elle être considérée comme équitable et une élection comme légitime alors que les dés sont complètement pipés ? Les libéraux aiment les métaphores sportives car ils glorifient la compétition. Prenons-en une. Imaginons un match de foot : d’un côté une équipe bien reposée et de l’autre une équipe à qui l’on a interdit de dormir la nuit précédente et constituée de joueurs à qui l’on a attaché un boulet de 15 kilos au pied droit. De même, imaginons deux équipes cyclistes : l’une munie de vélos ultralégers et l’autre de vélos en métal lourd auxquels sont attachés une remorque contenant 100 kilos de parpaings. Que dirait le public ? C’est scandaleux ! C’est inadmissible ! La compétition n’a aucune valeur et le ou les gagnants n’ont aucune légitimité dans leur victoire ! Dehors les tricheurs ! C’est pourtant à une situation similaire à laquelle on assiste lors de cette compétition électorale en cours.

Alors comment expliquer, disions-nous, une telle passivité de nos concitoyens et même, dans une certaine mesure, de ceux-là mêmes qui sont victimes de cette censure ?

La première raison est l’ignorance même de cette censure par nos concitoyens. Elle n’est pas forcément facile à détecter car elle demande une vision d’ensemble du champ médiatique. Les auditeurs se tournent naturellement vers les émissions avec lesquels ils ressentent une certaine affinité. Ainsi, les auditeurs de gauche auront satisfaction à écouter Daniel Mermet sur France Inter et auront l’impression que leursensibilité est représentée, les auditeurs de droite ou sociaux libéraux se tourneront naturellement vers des émissions conformes à leur idéologie et ne verront aucun inconvénient à ce que des représentants du front de gauche ne puissent s’exprimer. Ils n’auront d’ailleurs même pas conscience de cette absence. Bref, la vision des auditeurs est le plus souvent ponctuelle et non globale.

D’autre part la censure n’est pas totale : Jean-Luc Mélenchon n’est pas partout et à tout moment interdit d’antenne. On l’invite généralement sur des médias et à des heures de faible audience. Si on l’invite sur une chaîne à large audience, cela se fait dans le cadre d’une suite d’émissions où tous les candidats sont invités. La chaîne ne peut pas faire autrement. Par exemple, l’émission "Parole directe" sur TF1.

Il y a aussi le fatalisme dont nous avons parlé ci-dessus qui conduit à passer sous silence cette censure partiellevoilà.

Mais il y a un autre phénomène : on parle plus de JLM que l’on ne le laisse parler, surtout dans la presse écrite. Et les commentaires sont plus centrés sur des comportements de personne que sur des idées politiques structurées. Nous avons vu dans notre article précédent comment les médias tentaient de construire une image négative de Jean-Luc Mélenchon.( . http://www.gauchemip.org/spip.php?a... ) Ainsi les sondages permettent aux responsables de rédaction de voir l’efficacité de leur marginalisation et de la construction de leur image négative.

Donc, si la visibilité médiatique de Jean-Luc Mélenchon s’améliore, ce qui est inévitable, il leur faut surtout éviter que les avis positifs deviennent trop importants. Toutes les provocations et harcèlements seront mises en œuvre pour provoquer un clash détériorant l’image du représentant du front de gauche. Voir l’état des sondages depuis un an : http://www.sondages-en-france.fr/so...

Une autre raison qui semble indiquer que les idées du programme populaire partagé ne sont pas censurées est qu’un certain nombre de journalistes ou d’invités qui ne sont pas favorables au Front de Gauche peuvent reprendre certaines d’entre elles : dénonciation des grandes inégalités de revenus, des profits exorbitants des actionnaires, du trop grand pouvoir de la finance et de la nécessité de la maîtriser, etc. Sauf que ces journalistes et ces invités ne représentent qu’eux-mêmes, ne représentent pas une force politique organisée susceptible de mettre fin aux injustices et autres calamités décrites parfois avec soin. Alors oui, certaines idées portées par Jean-Luc Mélenchon ne sont pas totalement inconnues du public : on a pu les entendre occasionnellement ailleurs. Et notamment chez Arnaud Montebourg mais ses thèses proches de celles du Front de Gauche seront neutralisées pour une bonne part dans la synthèse réalisée par François Hollande.

Il faut donc avoir un solide esprit critique et une certaine conscience politique pour démasquer et prendre conscience de cette censure. Le grand mérite de Jean-Luc Mélenchon est justement d’être le premier à ouvrir la porte des coulisses de la grande tricherie, de la grande magouille du hold-up électoral qui s’apparente à du gangstérisme politique, dans la mesure où le jeu démocratique est complètement faussé.

Alors comment agir pour lutter contre cette censure ?

La première action consiste à intervenir auprès du CSA et le placer devant ses responsabilités face aux principes d’une démocratie digne de ce nom. C’est chose faite. http://www.lepartidegauche.fr/edito... Il faut donc renforcer la présence de représentants du Front de Gauche dans les grands médias nationaux et régionaux. Des actions locales pourraient être envisagées auprès des radios locales et des journaux locaux.

La seconde action consiste à intervenir auprès des syndicats et les écoles de journalisme pour reposer le problème du pluralisme sans lequel la démocratie est vidée de son sens. Le programme partagé doit intégrer les revendications des syndicats de journalistes montrant ainsi que le Front de Gauche tient compte aussi des revendications de cette corporation qu’il ne s’agit pas de diaboliser car elle ne se réduit pas à une "bande de valets au service du grand capital", pour reprendre une formule à l’emporte-pièce.

La troisième action consiste en une meilleure coordination et organisation de l’outil Internet : mise à jour des sites du Front de Gauche, coordination horizontale entre sites départementaux d’une même région, améliorer l’interactivité des sites avec leurs utilisateurs à la recherche d’information et de dialogue, etc. Les élus locaux et régionaux du PG et du PCF devraient porter plus d’attention à ce problème et aider les militants pour la maintenance et l’amélioration des sites départementaux et régionaux.

Le quatrième action, c’est la plus importante et la plus compliquée à mettre en œuvre, consiste en la diffusion massive et coordonnée du programme populaire partagé. Porte-à-porte, diffusion à la sortie d’établissements scolaires et universitaires, des gares, des centres commerciaux, des églises (mais oui !), des hôpitaux et cliniques (je n’irai pas jusqu’aux cimetières), des centres administratifs, des postes et autres services publiques, des salles de spectacles. Diffusion sur les marchés, les fêtes, les foires, brocantes, etc. La difficulté principale est de mettre en action un très grand nombre de personnes et notamment celles qui participent aux manifestations et aux grèves sur l’ensemble du territoire. Le potentiel est important puisqu’il atteint trois à 4 millions personnes. Si ces 3 millions de citoyens étaient convaincus que la diffusion et l’explication du programme populaire partagé à l’ensemble du corps électoral (44 millions de personnes) pouvait s’avérer être d’une efficacité incomparablement plus grande que leurs multiples grèves et manifestations, ils se mettraient en action.

Il serait alors possible de constituer 500 000 groupes de six personnes pour diffuser le programme dans les 36 400 communes de France. Chaque groupe aurait en charge de convaincre 88 électeurs en 20 semaines. Si une telle mobilisation avait lieu, Jean-Luc Mélenchon aurait une chance sérieuse d’être élu président de la république ou pour le moins, le front de gauche pourrait devenir la première force de gauche.

La cinquième action consiste en l’organisation de réunions citoyennes locales permettant d’expliquer le programme de partagé mais aussi de susciter la discussion pour recueillir des propositions nouvelles pouvant améliorer le programme partagé. Les propositions locales pourraient être regroupées au niveau régional et national. La coordination des comités locaux du PG, de la FASE et des sections ou fédérations du PCF pourraient se structurer à partir l’organisation de ces réunions publiques. Une difficulté d’ordre psychosociologique est de surmonter des réflexes identitaires de type clanique. La coopération entre organisations devrait pouvoir se substituer à la rivalité. Un certain nombre de groupes régionaux ont montré que c’était possible lors des dernières élections régionales et cantonales L’outil Internet devrait permettre plus facilement une mise en réseau des bonnes volontés et une mutualisation des moyens militants.

Oui, comme je l’ai déjà dit, le Front de gauche doit encore améliorer sa puissance organisationnelle pour gagner la bataille médiatique et devenir du même coup crédible.

Hervé Debonrivage


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