Qu’est ce que le CPE ?

vendredi 3 février 2006.
 

Contrat Première Embauche Pas " mieux que rien ", Pire que tout ! par Laurent Maffeïs

En instaurant en plein mois d’août le Contrat Nouvelle Embauche pour les entreprises de moins de 20 salariés, le gouvernement français lançait un ballon d’essai pour tester la sensibilité de l’opinion et du monde du travail à la remise en cause des fondements même du contrat de travail. En l’absence de réactions d’ampleur, le gouvernement élargit maintenant la brèche en créant le CPE pour tous les jeunes de moins de 26 ans et des contrats Seniors pour les plus de 57 ans. La prochaine étape sera logiquement d’étendre à tous les salariés la possibilité d’être licenciés sans motif pendant 2 ans et donc de mettre fin au CDI classique en constatant d’ici quelques mois qu’il est devenu une exception archaïque et inutile.

Un contrat plus précaire que jamais

La rhétorique gouvernementale assène sans vergogne que le CPE ferait reculer la précarité des jeunes. Or il est plus précaire encore que les contrats les moins protecteurs aujourd’hui. Là où il est quasiment impossible de rompre un Contrat à durée déterminée (CDD) avant terme, même pour motif économique, le CPE peut être rompu à tout moment. Avant 4 mois de contrat, l’entreprise est même dispensée de verser toute indemnité au salarié, alors qu’elles sont obligatoires à l’issue de tous les CDD même les plus courts.

Le CPE est faussement appelé "Première embauche", car il peut être conclu après un ou plusieurs contrats de travail (CDD ou CDI) qu’auraient occupés un jeune. Un jeune pourra aussi signer plusieurs CPE successifs, y compris avec la même entreprise après un délai de trois mois ! Rien n’empêchera non plus une entreprise d’enchaîner plusieurs CNE avec différents jeunes, sur un même poste de travail, de manière à étendre indéfiniment la période d’essai sur un même emploi.

Dans de multiples domaines de la vie courante, la période d’essai de deux ans jettera le doute sur la solvabilité des jeunes titulaires d’un CPE. D’où des difficultés accrues pour acheter ou louer un logement, mais aussi pour accéder à d’autres services bancaires, commerciaux et d’assurances. Le gouvernement peut bien brandir une déclaration de la Fédération française des Banques ou des agents immobiliers qui reconnaîtrait le CNE comme un autre CDI. Cela n’engage à rien car on sait très bien que les banques comme les bailleurs ne sont pas tenus de justifier les refus de crédits ou de locations. Un nouvel effet d’aubaine sans véritables créations d’emplois

Les CNE et CPE vont largement remplacer les CDD et CDI déjà existants sans créer aucun emploi. Sur la période septembre/décembre 2005 on sait déjà que 80% des embauches en CNE auraient été effectuée en CDI classique. Sans parler du risque d’éviction des travailleurs plus âgés au profit de travailleurs de moins de 26 ans dans les entreprises pour profiter de l’aubaine du CPE selon la formule bien connue " Papa, j’ai trouvé un boulot, le tien ". Et en cas d’embauche d’un jeune chômeur en CPE, l’entreprise bénéficiera aussi d’une exonération totale de cotisations sociales pendant 3 ans, sans qu’il soit prévu de remboursement de cette aide en cas de licenciement prématuré du jeune.

Le démantèlement des droits fondamentaux du droit du travail

Le CPE comme le CNE méconnaissent certains droits élémentaires du travailleur. Une période d’essai étendue change en effet lourdement la nature de la relation salariale en limitant par exemple toute capacité d’expression du salarié, rendant impraticable le droit de grève et très difficile le droit syndical.

CNE et CRE contribuent également à renverser la norme centrale du travail salarié en France qui était le CDI au profit d’autres formes de contrats qui étaient devenues l’exception. En permettant un retour au contrat journalier qui dominait jusqu’au début du XXème siècle, CPE et CNE balaient deux siècles de progrès du droit du travail qui avaient d’abord vu disparaître le contrat de louage de services, puis reculer le contrat journalier au profit de contrats plus longs jusqu’à l’instauration du CDI comme norme en 1979.

En légalisant pour la première fois le licenciement sans motif, CNE et CPE ancrent un peu plus profondément en droit français la liberté de licencier. Au gré des intérêts du patron, le sort des salariés sera encore plus enchaîné qu’auparavant aux secousses de l’activité, le CNE/CPE ajustant complètement l’emploi aux carnets de commandes. Au total, c’est l’idée même de "droit du travail" qui recule. CNE et CPE réduisent un peu plus encore la spécificité du contrat de travail par rapport à une relation commerciale classique et normalisent le travail comme marchandise en réduisant drastiquement les obligations spécifiques des employeurs.


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