Terra Nova (PS) ET LA RECONQUETE DES CLASSES POPULAIRES

mardi 29 octobre 2019.
 

Votre tribune intitulée « La reconquête des classes populaires, pas le « social-populisme » », parue dans « Marianne » du 25 juin 2011, appelle beaucoup de commentaires.

Vous écrivez, fort justement, que « la classe ouvrière vote de moins en moins à gauche ».

Vous ajoutez : « Cette désaffection est un mouvement structurel profond, de long terme, largement indépendant du leadership politique. Elle n’est pas propre à la France : elle se vérifie dans tous les pays occidentaux, quelles que soient les stratégies politiques, variées, mises en places. Ce diagnostic, même les professeurs de vertu politique et les apôtres du politiquement correct le reconnaissent. Ils en appellent rituellement à reconquérir les classes populaires. Comment ? Ils ne le disent pas. »

Vous avez raison, cette désaffection n’est pas propre à la France. Elle embrasse tous les pays occidentaux. Là s’arrête mon accord.

Je ne suis pas d’accord pour dire que les stratégies politiques les plus variées ont été mises en place. La variété dont vous parlez s’est limitée à une alternance entre libéralisme et social-libéralisme, en France comme en Europe occidentale, depuis 1979. Je mets entre parenthèses la période de 1981 à 1983, en France.

L’évolution du capitalisme vers sa forme libérale actuelle, a été très lente, mais elle est inscrite dans ses gènes. Karl Marx l’a magistralement démontré dans son œuvre maîtresse « Le Capital ». Plus particulièrement dans « La formule générale du capital » (tome 1). Reste que l’évolution du capitalisme, jusque-là plutôt industriel, vers sa version libérale actuelle, où le capitalisme est devenu de plus en plus financier et spéculatif, est né le 15 août 1971, date à laquelle Richard Nixon, président des Etats-Unis, a proclamé unilatéralement la désindexation du dollar sur l’or, c’est-à-dire son inconvertibilité, revenant ainsi sur le mécanisme mis en place par les accords signés à Bretton Woods en juillet 1944. Cette décision a eu pour conséquence de gonfler démesurément la masse des dollars circulant à travers le monde. Du coup, la valeur des dollars émis a dépassé de très loin la valeur des actifs matériels américains, sur lesquels, jusque-là, ils étaient gagés. Les dollars ne sont donc plus garantis. Mais, les effets de la décision de Nixon sont arrivés à pleine maturité avec l’élection de Margaret Thatcher au poste de Premier ministre en Grande-Bretagne, en 1979, et avec celle de Ronald Reagan aux Etats-Unis, en 1981.

Depuis 1979, donc, dans tous les pays de l’Europe de l’Ouest, les gouvernements de droite comme ceux dits de gauche acceptent la logique infernale du libéralisme financier, spéculatif et mondialisé. Hormis la parenthèse de 1981 à 1983 en France.

Il n’est donc pas étonnant que, depuis et partout, les classes populaires se défient de la gauche dite de gouvernement. Le malheur, c’est, qu’en France, elle a entraîné dans sa désaffection les partis de la gauche antilibérale, qui ont accepté des strapontins dans ses gouvernements.

Votre constat sur l’apparition, après les Trente Glorieuses, « des classes populaires déclassées », ce que Marx appelait le lumpenprolétariat, n’est pas faux. Effectivement, elles sont victimes du chômage, du précariat et de l’exclusion. Fort justement, vous dites que la gauche doit les défendre. Comment ? Vous répondez : « …. la gauche ne doit pas reculer face aux coups de boutoir populistes, elle ne doit pas renier ses valeurs, ni son héritage (le RMI, la CMU, la lutte contre le racisme), mais au contraire les affirmer : la solidarité sociale, l’humanisme. »

Là, j’avoue que les bras m’en tombent. Ainsi, d’après vous, le premier adversaire de la gauche et des classes populaires ce sont les populistes, sans que vous précisiez qui vous visez. A tout prendre, je préfèrerais que la gauche ne recule pas face aux coups de boutoirs des libéraux. Et comme ça, il n’y aurait même pas eu besoin qu’existent le RMI et la CMU. Entendons-nous bien, je me félicite que les socialistes aient créé le RMI et la CMU. Mais ce n’est qu’un pis-aller. Il eut été préférable d’agir très fortement en amont, sur le chômage.

De la même manière, si la gauche au gouvernement avait entrepris, par la loi, de restreindre considérablement les possibilités pour les employeurs privés et pour les responsables des collectivités publiques d’user et d’abuser des contrats précaires*, elle n’aurait pas ouvert la voie aux « populistes ». Au lieu de quoi, après avoir tenté d’endiguer le recours aux contrats précaires, entre 1981 et 1983, la gauche n’a pas fait différemment de la droite, elle a ouvert les vannes au précariat.

Idem pour le renoncement de tous les gouvernements, depuis 1958, à sanctionner sérieusement les employeurs utilisateurs de la main d’œuvre immigrée dans les conditions du travail dissimulé. Ce renoncement permet à l’extrême droite, se trompant volontairement d’adversaire, de faire de la lutte contre les immigrés son fonds de commerce.

Voyez-vous, Monsieur Ferrand, renforcer la législation contre le précariat et contre le travail dissimulé, et surtout donner les moyens aux pouvoirs publics de faire appliquer la loi ce serait un moyen excellent d’éviter que les classes populaires se jettent dans les bras de l’extrême droite. Ces deux combats n’ont rien de révolutionnaires, ils s’inscrivent seulement dans la défense des valeurs républicaines. Mais faut-il encore vouloir les mener.

Pour vous, « La solution est à trouver sur le terrain économique. La gauche au pouvoir n’a pas tenu ses promesses de vie meilleure, elle n’a pas répondu à leurs aspirations. La clé électorale, c’est la sortie de la crise économique, le retour de la croissance, la réindustrialisation du pays. C’est la « gauche du pouvoir d’achat » qui pourra les convaincre. »

Que voilà une belle pétition de principe. Totalement en contradiction avec ce que vous défendez.

Robert Mascarell

2) Selon le « think tank » pro-PS Terra Nova, le divorce entre le PS et les classes populaires est définitif (2 articles)


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