Selon le « think tank » pro-PS Terra Nova, le divorce entre le PS et les classes populaires est définitif (3 articles)

samedi 16 juillet 2011.
 

1) Terra Nova : valeurs contre classe (par Matthias Tavel, PG)

Dans Le Monde du 9 juin 2011, Olivier Ferrand, président de la fondation Terra Nova signe une tribune intitulée « Gauche : d’une stratégie de classe à une stratégie des valeurs ». Prenant acte du divorce entre gauche et classe ouvrière, il propose que la gauche « passe d’une stratégie de classe à une stratégie de valeurs » qui conviendrait mieux aux électeurs socialistes actuels.

Il considère que « la désaffection des classes populaires est un phénomène structurel » mais s’appuie sur les chiffres du vote des seuls ouvriers. Son analyse est également critiquable lorsqu’il appelle la gauche à se concentrer sur « les femmes, les minorités et les quartiers populaires » et à délaisser les ouvriers. Que faire des ouvrières, des ouvriers d’origine étrangère, des ouvriers résidants dans les villes de banlieue parisienne ?

Pire, pour lui, le divorce entre gauche et ouvriers s’explique essentiellement par « une divergence sur les valeurs ». Les ouvriers refuseraient le « libéralisme culturel » de la gauche post 1968. Il passe ainsi opportunément sous silence les déceptions engendrées par la gauche au pouvoir.

Surtout, voyant les ouvriers « tentés par le repli identitaire », il affirme que « pour la première fois, les ouvriers ne votent plus à gauche. Et au premier tour, ils choisissent le Front national : à 36 % selon un récent sondage Ifop ». Il n’hésite donc pas à s’appuyer sur un sondage manipulé (150 personnes interrogées seulement !) au détriment d’une analyse électorale rigoureuse qui aurait montré que la majorité des ouvriers ne votent pas FN mais s’abstiennent !

Mais tout est bon pour arriver à ses fins. En affirmant que « les déterminants socioéconomiques du vote ont perdu de leur prégnance et que ce sont les valeurs culturelles qui deviennent prééminentes », il prépare le terrain à des alliances nouvelles. Avec des valeurs aussi floues que « l’humanisme » et sans contenu programmatique, il ouvre la porte par exemple à Jean-Louis Borloo.

Selon lui, pour reconquérir les ouvriers, la gauche n’aurait d’autre choix que de « se renier » en cessant de « lutter pied à pied contre le populisme » et risquant de « basculer du surmoi marxiste au surplomb lepéniste ». En mai, la fondation Terra Nova écrivait déjà au mépris de la réalité que le FN défend désormais « un programme de protection économique et sociale équivalent à celui du Front de gauche. Le FN se pose en parti des classes populaires, et il sera difficile à contrer ». ll est clair que Terra Nova n’y aidera pas !

2) OLIVIER FERRAND (Terra Nova) ET LA RECONQUETE DES CLASSES POPULAIRES (par Robert Mascarell, PG 12)

Pour accéder à cet article très intéressant, cliquer sur le titre ci-dessus.

3) Terra Nova propose de couper les liens du PS avec son passé de parti ouvrier

Source :

http://tendanceclaire.npa.free.fr/a...

Ci-dessous, extrait de l’article

Terra Nova, boîte à idées proche du PS, a publié une note importante le 10 mai (1), intitulée « Gauche : quelle majorité électorale pour 2012 ? » Trente ans jour pour jour après l’élection de François Mitterrand à la présidence de la république, elle propose de redéfinir le positionnement du PS et de couper toutes les références qui pouvaient encore le relier à son passé de parti ouvrier.

L’électorat du PS n’est plus l’électorat populaire

Terra Nova donne des chiffres très clairs : au 1er tour, 13% des ouvriers ont voté Jospin en 2002 et, au 2e tour, le vote ouvrier passe de 72% pour Mitterrand en 1981 à 50% pour Royal en 2007 : « Pour la première fois de l’histoire contemporaine, les ouvriers, qui ne votaient déjà plus à gauche au premier tour, ne votent plus à gauche au second. » Même si Terra Nova tend à nous expliquer que les « classes populaires » sont en voie de disparition, elle est obligée d’admettre que les ouvriers et employés constituent toujours plus de 50% de l’électorat.

Selon Terra Nova, le PS doit faire son deuil de cet électorat populaire capté par le FN

Le PS ne doit nourrir aucun espoir de reconquête de cet électorat. Selon le « think tank », la faute en revient aux « classes populaires » qui auraient, par un processus inexpliqué, basculé du côté obscur et rompu avec les valeurs de gauche. On ne peut qu’être estomaqué par un tel manque de lucidité sur les raisons de cette rupture entre le PS et les « classes populaires ».

En revanche, Terra Nova analyse très bien le nouveau positionnement du FN : « Le FN de Marine Le Pen a opéré un retournement sur les questions socioéconomiques, basculant d’une posture poujadiste néolibérale (anti-État, anti-fonctionnaires, anti-impôts) à un programme de protection économique et sociale équivalent à celui du Front de gauche. » Un tel amalgame est néanmoins inacceptable, car le programme du FN reste déterminé par le combat central contre l’immigration et les immigrés, pour la « préférence nationale » et la natalité française. Cependant, alors que certains, à la gauche de la gauche, persistent à dépeindre le programme du FN comme « libéral », Terra Nova comprend bien le tournant « social » du discours du FN pour essayer de s’enraciner parmi les ouvriers et les employés... et propose d’en tirer les conséquences suivantes : non pas repositionner le PS comme un parti de défense des intérêts des travailleurs, mais les abandonner à leur triste sort !

Créer un axe majoritaire autour des « classes moyennes », présentées comme ouvertes et tolérantes

Selon Terra Nova, le PS doit en finir avec l’illusion de renouer avec la « coalition historique » (les « classes populaires » – ouvriers et employés – au centre, les catégories intermédiaires à la périphérie) assimilée à une « France moisie » (2), fermée, aigrie et intolérante : « Il n’est pas possible aujourd’hui pour la gauche de chercher à restaurer sa coalition historique de classe. » Le PS devrait construire une « nouvelle coalition » autour de la « France de demain », « plus jeune, plus diverse, plus féminisée », « progressiste sur le plan culturel ».

Terra Nova acte le fait que le PS n’a rien de spécifique à proposer sur le terrain économico-social (si ce n’est l’adaptation aux exigences du capital), mais qu’il doit partir de son électorat actuel (les diplômés, les jeunes, les minorités, les femmes) pour créer une coalition majoritaire des « classes moyennes » autour de valeurs culturelles progressistes. Le PS devrait abandonner toute proposition économique substantielle : « Il nécessite une adaptation du discours de gauche sur les questions économiques et sociales. Sur la fiscalité par exemple : les classes moyennes, par rapport aux classes populaires, se caractérisent notamment par l’accumulation d’une petite épargne sur le cycle de vie, qu’elles veulent protéger et transmettre. » Traduire : il faut même renoncer à tout projet de redistribution par l’impôt, puisque cela cliverait à l’intérieur des « classes moyennes » alors que le PS doit les fédérer autour de quelques valeurs.

Le PS devrait donc mettre en avant un projet purement sociétal pour regrouper la France qui « veut le changement », « est tolérante, ouverte, solidaire, optimiste, offensive ». C’est le « modèle Obama » que le PS doit adopter pleinement. Faute de pouvoir influer sur le cours de la mondialisation capitaliste et donc sur le sort des prolétaires, le PS doit s’adresser à ceux qui adhèrent au modèle économique dominant parce qu’ils bénéficient encore de quelques miettes ou parce qu’ils espèrent en bénéficier. Le PS devrait donc regrouper cette « France ouverte » – et qui vote ! – autour de quelques valeurs « humanistes » et laisser la France prolétarienne aigrie aux populistes.

Vers une recomposition du paysage politique français ?

La réflexion de Terra Nova ne manque pas d’intérêt : alors que certains, à l’extrême gauche, s’accrochent à l’idée que le PS est encore un parti ouvrier réformiste, « ouvrier bourgeois » (3), le « think tank » est bien conscient que ce passé est révolu et cherche, à partir de ce constat, à constituer une coalition majoritaire qui ne repose pas sur l’électorat populaire.

Le pari implicite de Terra Nova est le suivant : le PS et l’UMP vont perdre une grande partie de l’électorat populaire qui leur reste (puisque la situation des classes populaires va continuer à se dégrader), au profit de l’abstention, du Front national et de façon plus marginale des antilibéraux du Front de gauche (qui sont bien trop compromis avec le PS pour faire illusion4 auprès des masses). Il s’agit donc pour le PS de gagner la partie des couches supérieures du salariat qui vote UMP, en ne l’effrayant pas sur le plan économico-social (pas de redistribution en faveur des classes populaires), tout en la séduisant sur le plan « sociétal » par des mesures progressistes (droit au mariage et à l’adoption pour les homosexuels, etc.). Le champ politique serait alors polarisé entre une « gauche » qui regrouperait les couches supérieures du salariat et le patronat « moderne » et une « droite » populiste, nationale et sociale aux accents fascisants, qui aurait sa base au sein des classes populaires et du petit patronat. Dans ce scénario, l’UMP serait marginalisée et se diviserait, avec d’une part ceux qui se tourneraient vers le pôle dirigé par le PS, de l’autre ceux qui lorgneraient vers le FN.

Dominique Strauss Kahn était le candidat idéal pour incarner ce type de positionnement du PS. Son éventuelle candidature aurait pu accélérer la recomposition du champ politique qui aurait marginalisé l’UMP et, à court terme, aurait éjecté Sarkozy du 2e tour de l’élection présidentielle en 2012. En revanche, une candidature d’Aubry aurait un profil davantage « gauche traditionnelle » qui pourrait permettre à Sarkozy de figurer au second tour, à condition qu’il soit en capacité de neutraliser les candidatures au centre-droit (Borloo, Villepin, Morin, etc.).

1) http://www.tnova.fr/essai/gauche-qu...


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message