Révolution Française et Révolution Bolivarienne

vendredi 6 août 2010.
 

Chaque 14 juillet, la France célèbre sa Révolution de 1789. 180 ans plus tard, Zhou Enlai, alors Premier Ministre de Chine, interrogé sur la possible influence de la Révolution Française répondit que "il était trop tôt pour en tirer des conclusions". Au Venezuela, deux siècles après la Révolution Française une certaine possible influence peut s’imaginer, á plus d’une décennie de l’avènement de la Révolution Bolivarienne.

En France et pour célébrer sa Révolution, chaque 14 juillet, s’entonne la Marseillaise, l’hymne national, avec plus de vigueur que de coutume. Le motif est qu’avant d’être l’hymne national la Marseillaise fut un chant révolutionnaire. Entre les volontaires qui lutaient pour défendre la Révolution, se remarqua un groupe qui venait de Marseille en chantant un hymne plein de foi patriotique et révolutionnaire. Cet hymne, lettre et musique du jeune officier Claude Rouget de Lisle, fut composé dans la ville de Strasbourg. Le peuple le baptisa la Marseillaise et plus tard il fut adopté comme hymne national. Mais il n’a pas perdu sa qualité d’encouragement aux révolutionnaires. De nombreux mouvements populaires ont adopté leurs vers aux particularités de chaque pays et situation, mais le message est le même que celui qui unit les citoyens de cette lointaine France libératrice.

Il existe quelques faits historiques, similitudes et situations contemporaines qui permettent de soupçonner sérieusement que la Révolution Bolivarienne actuelle a peut-être une certaine influence et héritage de la Révolution Française.

Naissance de deux révolutions

France. Au XVIIIème siècle la France est divisée en trois classes : le Clergé, la Noblesse et le "Tiers-Etat" (le peuple). Les ouvriers et les paysans sont les pauvres. Le peuple se plaint de sa pauvreté et de ses obligations tributaires, au contraire de la Noblesse et du Haut-Clergé (oligarchie de l’époque) qui ne payent pas d’impôts. Evidemment les riches et les puissants privilégiés ne veulent pas changer un régime duquel ils sont les bénéficiaires directs. En conséquence, plus augmente la protestation plus s’approche la révolution.

Le 5 mai 1789 sont convoqué les Etats Généraux, la Noblesse, le Clergé et le Tiers-Etat élisent leurs députés et le peuple rédige ses "Cahiers de Doléances". Les députés de l’oligarchie acceptent de se réunir avec le peuple en Assemblée Constituante, mais tentent de le tromper par une manipulation du système de vote (un vote pour la noblesse, un vote pour le clergé et un vote pour le peuple indépendamment du nombre d’individus que chaque secteur représente). Les députés du peuple qui représentent 96% de la population s’y refusent et se proclament en Assemblée Nationale. Le Roi ordonne de fermer leur salle de réunion.

Alors l’assemblée, souveraine, se réunit á part et prête serment de donner á la France une Constitution. Le peuple se rebelle et prend La Bastille, prison emblématique des défavorisés. C’est la Révolution.

Venezuela. En 1992, un jeune officier des blindées, se refusant á accepter "appartenir á un pays riche peuplé de pauvres" et témoin des privilèges de l’oligarchie ainsi que des abus et grossière corruption des dirigeants politiques, prend la tête d’une rébellion pour entreprendre une révolution. Il n’atteint pas alors son objectif ; il est emprisonné. Mais le peuple, les citoyens pauvres, instigué par cet exemple, se réveille et proteste avec une telle force que le président du moment doit être jugé, condamné et emprisonné. La pure vérité est que la rébellion a atteint son objectif de démettre le pouvoir corrompu.

En 1998, le même jeune officier, Hugo Chavez, est élu lors d’élections transparentes Président de la République. Se consacre une Nouvelle Constitution et nait un nouvel concept de citoyenneté (ou catégorie politique) ; la démocratie participative pour le peuple. C’est la Révolution Bolivarienne.

A Paris, la nuit de la prise de la Bastille, un noble réveille le Roi pour l’informer des événements.

"C’est donc une révolte ?" demande le Roi. "Non, Sire, c’est une révolution !".

A Caracas la nuit du 4 février 1992 a été une rébellion. En décembre 1998 c’est une révolution.

Naissent aussi les contre-révolutions

En France et pour résister á la révolution, la Noblesse tente de produite une famine et ordonne de bruler les champs de blé. Pour reprendre le pouvoir elle conspire á l’étranger afin d’obtenir l’intervention et invasion de puissances étrangères : la Prussie et l’Autriche. Le Roi Louis XVI reste en rapport avec les souverains étrangers et la Reine Marie Antoinette supplie son frère, Empereur d’Autriche, d’intervenir contre la France en effervescence révolutionnaire. Le frère du Roi et beaucoup de nobles qui se refusent á perdre leurs privilèges fuient á l’étranger.

Le pays réorganise son administration et même des juges, des prêtres et évêques sont élus et doivent prêter serment á la Constitution (beaucoup s’y refusent et sont déclarés prêtres réfractaires).

L’Assemblée Législative assume le pouvoir, doit lutter contre les ennemis de la révolution et démontre ne pas être disposée á tolérer les tentatives contre-révolutionnaires des émigrés et réfractaires ; elle publie un Décret de "Patrie en danger" et commence l’enrôlement sur les places publiques de nombreux volontaires réservistes. Est voté un Décret contre les émigrés punissant de la peine de mort leur trahison á la patrie. Les prêtres réfractaires peuvent être expulsés ou emprisonnés.

Début septembre 1792, la Prussie envahit la France avec des émigrés et la complicité de notables mais le 20 septembre elle s’affronte á Valmy aux forces révolutionnaires qui lui avaient été présenté comme un "ramassis de tailleurs et de savetiers" prêts á fuir au premier affrontement. Les prussiens sont déroutés. La Patrie et la liberté sont sauvées au mot d’ordre de "La Patrie ou la mort".

Deux jours plus tard, le 22 septembre 1792, la Convention proclame la 1ére République Française. Le Roi est condamné á mort pour trahison et exécuté le 21 janvier 1793. Pour sauver la France des dangers internes et externes, la Convention doit organiser la terrible période de La Terreur. Au sein des Forces Armées, qui compte un million d’hommes sous le commandement de jeunes Généraux Républicains, l’officier le plus remarqué qui parvient á maintenir l’ordre á Paris et dérouter les puissances étrangères qui menacent la France s’appelle Napoléon Bonaparte.

Au Venezuela, et pour résister á la Révolution Bolivarienne, l’oligarchie organise un sabotage de l’industrie pétrolière nationale avec l’intention de paralyser le pays ; également un blocage du ravitaillement des produits alimentaires, ce qui provoque un grand manque.

En même temps, l’oligarchie obtient l’appui financier, logistique et l’intervention de puissances étrangères qui présentent au monde les révolutionnaires bolivariens comme un "ramassis de pieds nus, édentés et illettrés".

Le 11 avril 2002 ils réalisent le coup d’état avec la participation de l’oligarchie, du haut-clergé, de la présence d’officiers états-uniens en uniforme ; ils obtiennent la reconnaissance officielle de Madrid et de Washington ; également du gouvernement du Chili (pour la honte de ce pays). Hugo Chavez est arrêté et emprisonné. Le peuple descend dans la rue et déroute les putschistes. Deux jours plus tard Hugo Chavez est restitué au pouvoir que légitimement il exerçait. La patrie et la liberté sont sauvées. Les oligarques réfractaires fuient á l’étranger, dans ce cas sont principalement aux Etats-Unis, Pérou, Costa Rica et Colombie.

Le pays se réorganise et commence l’enrôlement de nombreux volontaires réservistes pour défendre la révolution avec le mot d’ordre de "Patria o Muerte" (Patrie ou Mort).

La Révolution Bolivarienne et la Révolution Française

Quand Hugo Chavez incita le peuple vénézuélien á s’enrôler dans les rangs de la Révolution Bolivarienne il reprit et brandit les bannières révolutionnaires du Libérateur Simon Bolivar et du Précurseur Francisco de Miranda, les deux principaux acteurs de l’indépendance du Venezuela, très probablement influencés par la Révolution Française.

Simon Bolivar arriva pour la première fois á Paris en 1802, á peine treize ans après le début de la Révolution Française et adopta ses concepts de "Liberté, Egalité, Fraternité", au point qu’il condamna de façon énergique Napoléon lorsque celui-ci se consacra Empereur. Francisco de Miranda, eut une remarquable participation au sein de la Révolution Française au point d’être nommé Commandant en Chef des Troupes du Nord de la Révolution avec le grade de Maréchal.

Son attachement á la Révolution Française il le cultivait lorsqu’au Venezuela il se présentait en uniforme de général français. La France rétribua ses services au point de l’immortaliser en gravant son nom sur l’Arc de Triomphe de Paris parmi les cent héros de sa révolution, en exposant son portrait dans la Salle 1789 du Palais de Versailles et en érigeant sa statue sur le champ de bataille de Valmy.

Du point de vue historique, nous pouvons soupçonner ou inférer qu’une certaine influence reçut de la Révolution Française sur la Révolution Bolivarienne, parce que son chef de file, le président Chavez, reprit beaucoup de l’idéologie de Simon Bolivar et de Francisco de Miranda. Pour qui est attentif aux orientations de l’actuel processus de la Révolution Bolivarienne, il est facile de comprendre qu’á sa manière et ses expressions propres aussi prévalent les fondements de "liberté, égalité, fraternité".

Le 14 Juillet

Curieusement la date emblématique de la Révolution Française, et Fête Nationale de la France, le 14 juillet, est aussi un jour historique au Venezuela pour divers motifs, á savoir :

14 juillet 1810

Arrive á Londres la première mission diplomatique du continent sud-américain en Europe. Envoyé par la Junte Suprême de Caracas, á la tète de la mission se trouve un jeune Colonel Bolivar avec le commissaire Don Luis Lopez Mendez et le commissaire de guerre Don Andrés Bello qui fait office de secrétaire de la mission. Le 19 ils se réunissent avec Miranda á sa résidence de Grafton Street, Nº 27.

14 juillet 1811

Le 5 juillet 1811 le Congrès déclara l’Indépendance du Venezuela. Mais c’est le 14 juillet que fut publiée á Caracas, de façon solennelle, l’Acte d’Indépendance, assermentées les troupes et hissé pour la première fois le drapeau tri couleurs auquel se rendirent les honneurs officiels au Fort San Carlos.

Avec un Libérateur comme Simon Bolivar et un Précurseur comme Francisco de Miranda, cette date du 14 juillet était-elle un simple hasard ou un message révolutionnaire de plus ?

14 juillet 1816

Meurt Francisco de Miranda á la prison de Cadix en Espagne.

14 juillet 1816

Le même jour de la mort de Miranda. Bolivar débarque á Ocumare de la Cote mais l’action se converti en l’une des plus grandes défaites de l’armée révolutionnaire. Règne la confusion la plus grande. Le Général Soublette a été vaincu par les troupes espagnoles á la bataille de Los Aguacates. Les patriotes se démembrent. Soudain, le Libérateur Simon Bolivar se retrouve seul sur la plage encerclé d’ennemis. Le marin français Jean-Baptiste Bideau, Capitaine du brigantin "Indio Libre" qui déjà avait levé l’ancre se rend compte de la situation. Il met un canot á la mer, rame jusqu’a la plage, prend Bolivar, le met á bord du canot et revient au navire.

Dans l’une de ses lettres, Bolivar écrira quelques temps plus tard : "J’ai été trompé á la fois par un Aide de Camp du Général Mariño… et par les marins étrangers qui ont commis l’acte le plus infâme du monde me laissant entre mes ennemis sur une plage déserte. J’allais me tirer un coup de pistolet quand l’un d’eux, Mr Bideau, revenait de la mer avec une barque et me prit pour me sauver".

Ce 14 juillet, un mulâtre français sauva Bolivar du suicide pour ne pas se rendre á l’ennemi.

Jean Araud

Caracas, juillet 2010

Traduit de l’espagnol du site Surysur www.surysur.net Section Cultura.


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