La raison du plus faible (Au cinéma jeudi soir sur France 3)

dimanche 18 juillet 2010.
 

Au festival de Cannes, en 2006, nous croisions une vraie œuvre, de celles qu’on n’oublie pas, un film de Lucas Belvaux. Vous vous souvenez de ce triptyque éblouissant : Un couple épatant / Cavale / Après la vie ? Eh bien c’est du même, vous voyez la pointure…

La raison du plus faible, c’est une histoire de braquage, sur fond de Belgique enchômagée, et de noir désespoir, noir comme un ciel wallon. Hier soir, on le donnait sur France 3.

De quoi il nous parle, Belvaux ? De la vie de tous les jours, d’une équipe de copains, tous plus désœuvrés les uns que les autres, chômeurs, handicapés, préretraités, piliers de bistrots, tapeurs de carton, buveurs de bière invétérés, d’une région sinistrée, où les filles se tartinent une heure de bus pour aller à l’usine, d’amitié aussi, de solidarité évidemment, de soirées autour d’un plat de moules où on chante la fierté du pays ouvrier.

Parce que la mobylette de son amoureuse est en panne, et qu’il n’a pas l’argent pour en acheter une nouvelle, et qu’il est trop fier pour accepter que son beau-père lui en donne une, Patrick, surdiplômé, mais néanmoins chômeur, va imaginer un hold-up, avec une bande de bras cassés comme lui. Rien ne manque au complot, ni les postiches, ni les cagoules, ni les armes qu’on trafique, ni les bagnoles qu’on vole, ni le pote fraîchement sorti de taule et qui ne veut pour rien au monde y retourner.

Le film tourne autour de la préparation de ce casse, autour des portraits de ces trois gangsters aux petits bras. On pense bien sûr à Ken Loach, à Guédiguian aussi (le soleil en moins…), la réalité sociale est bien noire, bloquée sur des progrès et des avancées qui n’amènent que chômage et déceptions. Pour le spectateur, aucune déception par contre.

Belvaux est toujours bien là où on l’attend, dans la dénonciation sans complaisance des méfaits d’un libéralisme dévastateur, destructeur d’avenir, de l’avenir des plus faibles, bien entendu, d’ailleurs, les autres sont à peine entrevus, les nantis, ceux par qui le malheur arrive. Dénonciation également de l’impasse politique, et de tous ces merveilleux projets sociaux qui logent au 20ème un type en fauteuil roulant, quand l’ascenseur est en panne six fois par semaine. En panne, comme ces gars-là, qui ne trouvent d’espoir que dans cet improbable fric-frac, voué comme eux à un échec évident. Mais Lucas Belvaux sait aussi nous montrer la tendresse d’un père, et la sienne propre pour ce monde qu’il connait bien, puisque là sont ses racines.

Je vous fais grâce de la fin, pas franchement rose. Non. Mais rien que pour cette image d’une piéta citadine, ça valait le coup de ne pas se coucher avec les poules, pour une fois.

« La raison du plus faible, c’est celle qui amène à se redresser, à dire qu’on existe. »

(Lucas Belvaux. Juillet 2006) Et peu importe la méthode, semble ajouter son film.

brigitte blang


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