Au cinéma ce soir... « Ceux qui restent », d’Anne Le Ny

lundi 8 octobre 2007.
 

Une histoire bête comme tout, bête comme chou plutôt. En voilà deux, ils se croisent, ils se plaisent, ils s’approchent, doucement ou pas, c’est selon les jours, ils vont finir par se toucher, fatal, et par s’éloigner, fatal aussi, on connaît déjà ça, on l’a vu mille fois cette histoire d’amour qui est tellement triste, comme toutes celles que je vous raconte ici. Eh oui... Eh non, justement, celle-là, elle est spéciale. Parce que les deux en question, c’est dans un hôpital qu’ils se rencontrent.

En venant voir leurs chéris respectifs, qu’ils sont bien mal en point, et même bien pire que ça. Je n’en rajoute pas une couche, vous voyez bien. Et alors ? C’est là que c’est formidablement bien foutu : pas de pathos, jamais, ni de compassion déplacée, encore moins de rancœur. Les regards sont clairs, les étreintes aussi. On aimerait qu’ils fassent un petit bout de route ensemble, parce que ça a l’air de bien coller. Et puis non, parce que la vie, elle est comme ça, elle fait mal parfois, souvent, et pas seulement parce que ceux qu’on aime...

On ne les verra jamais ces deux héros malgré eux. Non. On aurait pu. Tirer des larmes c’est facile avec ce genre de sujet. Pas là. Elle, c’est Emmanuelle Devos, sublime, comme toujours. Elle a peur de ce qui lui arrive, peur de ne pas savoir faire, après. Cette romance, elle voudrait y croire. C’est comme un bout de tunnel au fond, là-bas. Elle se voudrait meilleure, plus fréquentable. Elle ne sait pas. Alors, elle se glisse dans ce rêve, elle s’y accroche.

Lui, c’est Vincent Lindon. Son nom sur l’affiche, ça m’avait un peu fait reculer. Et puis finalement, il est étonnant tellement il est bien. Sobre, juste, déchiré de douleur, qui élève la fille de celle qui s’en va tout doucement. Une petite à fleur de peau, qui ne sait pas elle non plus dire les mots. Alors elle crie, elle accumule les bêtises, toute persuadée qu’elle est de ne pas aimer ce père d’occasion que sa maman lui a fourni. Je vous raconte la scène la plus... la plus terriblement vraie de ce film (mais je vous préviens, seuls ceux qui me connaissent un peu comprendront la charge symbolique du détail) : la petite, le soir où elle a dit adieu à sa maman, elle débarrasse la table et boum, elle casse la théière. La théière de sa maman, sa théière préférée... Et là, elle s’écroule. Vous comprenez : LA théière, l’objet-culte, celui autour duquel se racontent les choses et les vies, autour duquel les confidences se nouent, autour duquel les conflits s’apaisent. Et c’est elle qui l’a brisée, comme les vies se brisent d’avoir été trop chahutées.

Si je n’ai qu’une image à garder de ce film, ce sera celle de cette gamine, en larmes, devant les morceaux éparpillés de la vie envolée. Ah ben oui, je vous avais prévenus, aussi... Ce qu’elle a réussi cette fille dont c’est la première œuvre, c’est qu’à aucun moment on ne leur en veut, à ces deux-là. Et pourtant... À aucun moment on ne se dit qu’ils sont gonflés, quand même, avec ce qui se passe dans ces deux chambres aseptisées. Ils essaient seulement de vivre, et c’est déjà ça...

Et celui que je vous ai gardé pour demain n’est pas vraiment plus gai. Faudra faire avec !


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