Pendant les fêtes, la gauche de la gauche négocie ses listes aux régionales (par Stéphane ALLIES, Mediapart)

vendredi 8 janvier 2010.
 

Pendant les vacances, les négociations continuent à la gauche de la gauche. Après que le PS a rendu publiques ses listes, non sans anicroches et zones d’ombre, et alors qu’Europe-Ecologie a dévoilé un dispositif électoral sous forme de casting modèle en Île-de-France, le Front de gauche et le NPA en sont toujours à discuter de la constitution de listes aux périmètres variables. Objectif pour le cartel conduit par le PCF et le Parti de gauche de Jean-Luc Mélenchon : être prêt pour le 10 janvier, date du meeting de lancement de campagne du Front de gauche.

Signe des tensions qui agitent les directions militantes, l’affrontement sur la tête de liste en Île-de-France, Jean-Luc Mélenchon contestant la place au n°2 du PCF (et successeur annoncé de Marie-George Buffet), Pierre Laurent. La désignation de ce dernier ne semble pas négociable pour les communistes, ce qui a entraîné le départ de Jacques Perreux, vice-président du conseil général du Val-de-Marne, vers Europe-Ecologie, quelques semaines seulement après qu’un autre « refondateur » communiste, le maire de Sevran (Seine-Saint-Denis) Stéphane Gatignon, a emprunté le même chemin.

Ailleurs, les partenaires du PCF redoutent sa tentation hégémonique. En plus de ses alliés des dernières européennes (le Parti de gauche et la Gauche unitaire, fondée autour de Christian Picquet par des membres de l’ancienne minorité de l’ex-LCR), le Front de gauche a conclu un accord avec plusieurs micro-formations en partie issues des collectifs unitaires opposés à l’adoption du traité constitutionnel européen en 2005 (La Fédération, les Alternatifs, le M’PEP, le PCOF, le Forum social des quartiers populaires).

« On souhaitait que le PCF laisse 50% des places à ses partenaires, explique le secrétaire national du Parti de gauche aux relations extérieures Eric Coquerel, mais on est pour l’instant plutôt autour des 70% pour le PCF ». Pierre Laurent s’en défend et détaille les propositions faites aux partenaires (5 têtes de listes régionales et 17 départementales pour le Parti de gauche, 1 et 3 pour Gauche unitaire). « Il y a une large ouverture de notre part, chacun à sa place, et la nôtre est ce qu’elle est, c’est-à-dire 180 élus sortants, plaide-t-il. Dans les grandes régions, comme PACA, Île-de-France ou Midi-Pyrénées, nous faisons beaucoup d’efforts. »

Diversité d’alliances

Cadre du parti communiste entrée en opposition lors du dernier congrès, Marie-Pierre Vieu est sacrifiée (certains disent « sanctionnée ») sur l’autel unitaire des communistes. La vice-présidente sortante du conseil régional de Midi-Pyrénées, en concurrence interne avec un proche de Marie-George Buffet, devrait se ranger derrière le trotskyste (ex-LCR) Christian Picquet, puisque le PCF propose à Gauche unitaire de mener la liste en Midi-Pyrénées. « Ce sont des propositions unilatérales, soupire Coquerel, il nous « donne » aussi le Poitou-Charentes, qu’on n’a jamais demandé. » Quant à Patrick Braouezec, lui aussi membre de la minorité du parti communiste (« transformatrice » selon les uns, « liquidatrice » selon d’autres), le président de l’agglomération de la Plaine-Saint-Denis, il a également vu sa candidature à la tête de liste francilienne rapidement écartée, encaissant difficilement le coup.

Pierre Laurent récuse pourtant la tentation d’y voir un raidissement du PCF, prenant le risque d’accélérer le départ d’opposants : « Ceux qui ont récemment rejoint Europe-Ecologie n’ont pas pris une décision soudaine, c’est plutôt l’aboutissement d’un éloignement progressif. Je pense toutefois que ces « mouvements » s’arrêteront là. » Et si les listes mettent du temps à se ficeler, « c’est aussi en raison des spécificités locales et des implantations de chaque force selon les régions ». A entendre les résumés à gros traits des discussions actuelles, on a l’impression qu’il y a autant de types d’alliances et d’alliés que de régions, conséquence des votes internes du PCF et du NPA.

Dans les cinq régions qui verront les communistes partir au premier tour avec le PS, mélenchonistes et anticapitalistes locaux cherchent à s’unir, parfois dans le dos des directions nationales. Ainsi en Bretagne, où le « national » du Parti de gauche a rectifié par communiqué les rapprochements en cours. A l’inverse, Eric Coquerel se dit « très attentif aux régions où les « unitaires » du NPA ont été majoritaires à leur consultation militante », comme en Auvergne.

Mais des discussions sont encore en cours pour un rapprochement Front de gauche/NPA en Languedoc-Roussillon, dans « le cas particulier de l’opposition à Frêche ». En Pays de la Loire, une grosse minorité de militants du PCF ayant voté contre une liste commune avec le PS hésitent à rejoindre une potentielle liste Parti de gauche/NPA. Le dirigeant communiste Pierre Laurent prévient : « On respecte le choix pris par la majorité des militants de chaque région, comme nous respectons celui de nos alliés nationaux à se présenter de leur côté. Mais le logo du PCF sera là où la majorité l’a décidé, et nous demandons clairement à nos partenaires de ne pas pratiquer de « débauchages ». »

Selon Pierre-François Grond (NPA), le parti d’Olivier Besancenot n’est pas si solitaire que cela et devrait se présenter devant les électeurs avec des listes « 2/3 ouvertes et unitaires, 1/3 seulement NPA ». Et de vouloir aussi « solliciter des figures militantes locales, pas des stars pour faire une photo dans Paris-Match : on va essayer d’être fidèles à la carte sociale de nos implantations dans les entreprises ou dans les quartiers populaires ».

« Retour de la question sociale » et « nouvel outil commun » ?

Pour le NPA, ces élections régionales se veulent l’occasion de remobiliser des militants déstabilisés et divisés par la séquence d’un processus unitaire ayant de nouveau échoué. Après que la consultation des adhérents a vu la direction ballottée et sans orientation majoritaire, le Comité politique national (CPN) a débouché sur une « motion de rassemblement » entérinant la stratégie d’alliance au cas par cas actuellement en œuvre. « Ça a été un moment de débat politique et il est normal qu’il y ait des remises en cause, reconnaît Grond, mais cela ne va pas laisser de cicatrices durables, hormis pour quelques-uns qui n’étaient pas les plus engagés dans le processus de nouveau parti. Des messages ont été envoyés à la direction, il faut savoir en tenir compte, mais la motion de rassemblement a été adoptée très majoritairement et rapidement. »

Le numéro 2 du NPA annonce une active campagne nationale, « car elle va se jouer pour une bonne moitié sur la sanction du mi-mandat de Sarkozy », annonce le dirigeant anticapitaliste. Des ateliers seront organisés dans les villes (« sur le mode de « Six heures pour… » un débat »), avec l’espoir d’un « retour de la question sociale », ainsi que le souhaite Grond : « Il n’est pas impossible que la crise financière puisse avoir pour conséquence une crise salariale, et la montée de revendications sur le pouvoir d’achat. »

Côté Parti de gauche, le bilan tiré de ses six derniers mois de tentives vaines de rassemblement est davantage organisationnel. Eric Coquerel estime en effet que « l’attractivité autour du seul PCF ne suffira pas pour enclencher une dynamique ambitieuse. Il y a un espace incontestable pour une autre gauche, mais il faut être capable de prendre cet espace ». Pour le dirigeant du PG, « en étant une pléiade d’organisations, c’est bien plus compliqué d’aboutir sereinement à un équilibre des rapports de force. A un moment, il faudra se poser la question d’inventer un outil commun, pour pouvoir s’inscrire dans la durée ».

Stéphane Alliès


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