La proposition faite aux Verts pour les régionales : un accord préalable préférentiel entre eux et nous (Front de Gauche) après le premier tour

samedi 12 décembre 2009.
 

Mercredi soir j’étais sur le plateau de France inter pour l’émission "les questions du mercredi" en partenariat avec Le Monde et Dailymotion. Jean François Achilli et Françoise Fressoz l’animent. J’évoque ici le contexte de l’émission et ensuite je reviens sur ce que j’y ai dit. A ce sujet, il me paraît important de rappeler que l’entretien était filmé et qu’il est disponible sur mon blog. Je recommande à mes lecteurs et aux commentateurs qui s’y intéressent de s’attacher à ce que j’y ai dit réellement plutôt qu’à ce qu’ils en ont entendu dire ou, pire, à ce qu’ils auraient aimé que je dise en la circonstance.

« QUAND TU VEUX »

En fait l’émission de France Inter était centrée sur Daniel Cohn Bendit. C’était lui l’invité. Il a une grande couverture médiatique cette semaine. J’aurais dû occuper la place de « grand témoin » selon l’usage dans cette émission. Donc je n’aurais dû intervenir que dans la deuxième moitié de l’échange. Mais, d’entrée de jeu, Daniel Cohn Bendit me dit : « tu interviens quand tu veux ». C’est une bonne manière plutôt rare dans l’arène politique. Cela a eu pour heureux effet de détendre considérablement l’atmosphère de notre échange. Je pense que ça s’entendait. Je me suis efforcé de ne pas abuser de cette autorisation. Mais, le moment venu et prévu, je me suis bien avancé dans un débat que je ne voulais en aucun cas laisser s’effilocher dans la routine des duels artificiels. L’occasion était trop bonne. Les deux journalistes ont piloté ça dans des conditions plutôt agréable puisque l’un et l’autre nous sommes repartis sans avoir l’impression d’avoir dû nous battre pour développer une idée.

MANIERE D’ETRE

Mon impression est que Daniel Cohn Bendit n’est pas tout a fait fixé sur plusieurs sujets qui ont de l’importance pour moi mais beaucoup moins pour lui. Cela a marqué notre échange ! Par exemple, à un moment il dit « moi aussi, je suis contre le capitalisme ». Ce n’est pas rien ! En tous cas, pour des gens comme moi, ça compte. Surtout que j’avais lu de lui une citation exactement contraire. Mais tout compte fait je ne sais pas si cela a de l’importance pour lui. Tandis que pour moi c’est une césure assez radicale qui me lie à lui dès qu’il la prononce. A un autre moment, il dit qu’il ne sait pas « ce qu’est vraiment » le Modem. Et quand je lui dis qu’il suffit de lire le programme de Bayrou il me répond que les programmes, en gros, « bof ! ». Pour moi c’est totalement désorientant.

Si un programme ne veut rien dire, qu’est ce qui veut dire quelque chose en politique ? Je crois que dans son esprit ce qui l’emporte par-dessus tout c’est qu’il faut faire un front des oppositions à Sarkozy. Je pense qu’il ne réalise pas qu’un tel front est juste une habileté politicienne sans contenu politique réel. On peut le démontrer facilement. Où commence et où s’arrête la frontière d’une telle opposition ? Sur quel thème ? Qu’est ce qui la fonde « par delà la droite et la gauche » ? Nous, nous nous battons à l’inverse, pour constituer une majorité politique à la loyale, sur un programme politique, certes socialement et écologiquement avancé, mais loyalement énoncé à l’avance. L’expérience de la victoire du programme commun montre que c’est possible de constituer une majorité électorale de cette façon pourtant particulièrement rude à première vue.

CONTRE LE RECENTRAGE DE LA GAUCHE

La proposition d’accord que j’ai faite, je l’ai adressée au Verts. Tant mieux si Europe Ecologie la faisait sienne. Mais Daniel Cohn Bendit m’a déjà répondu « non » pour Europe écologie sur ce plateau de France Inter. En effet la condition de ma proposition c’est évidemment « pas de modem » dans l’accord que je propose. Comme on peut le lire dans le compte rendu du journal « Le Monde » et l’entendre sur la vidéo, Daniel Cohn Bendit, lui, dit qu’il refuse « l’exclusion » du modem. Mais les Verts peuvent répondre différemment. J’ai des raisons de croire cela possible si j’en juge par ce que je lis dans la presse. Mais aussi par ce que me disent certains dirigeants Verts extrêmement catégoriques pour refuser le Modem.

Mais aussi parce que j’ai lu dans « Pacha mama », la revue internationale des Verts, que m’a offert au cours de la manifestation des sans papiers Farbiaz, un dirigeant vert bien connu, un article très instructif relatant le débat de l’internationale des verts européens. Dans ce débat les dirigeants Verts français, notamment Catherine Grèze, dont il est précisé qu’elle est « mandatée par la délégation française » quand elle s’exprime, critiquent sévèrement les Verts de la Sarre qui ont fait le choix de gouverner le Land avec la droite. Et ils adressent la même critique aux Verts de Finlande pour leur participation à un gouvernement de centre droit. Je vois donc que l’angle d’analyse est commun avec nous, le Parti de gauche, en ce qui concerne la question fondamentale de l’indépendance politique vis-à-vis de la droite. Car c’est cela qui est en jeu, en ce moment, à la fois en terme de coalition gouvernementale et de programme de gestion des sociétés.

LE CONTEXTE EST DETERMINANT

Pour comprendre ma proposition, il faut prendre en compte l’évolution du contexte politique à gauche à propos des régionales. Ces élections vont bien être un moment décisif de recomposition de l’arc de force politique dans notre pays. Particulièrement à gauche. Tout a été tellement vite ! Le PS a scellé, sans aucune réaction interne, son tournant vers l’alliance avec le Modem sur un plateau de télévision. Il a été symboliquement mis en scène par Martine Aubry dans son mano à mano avec Marielle de Sarnez sur le plateau de France 2. Je vous renvoie pour l’analyse de détail, au mot à mot, à l’excellent papier de Michel Soudais dans Politis. Le PS est clair : ce sera avec le Modem au deuxième tour. Et donc ensuite, dans les autres élections. Martine Aubry ouvre publiquement le dialogue. Et cette jonction ne sera pas gratuite en termes de programme. Car c’est là le fond de l’affaire.

Le Modem n’est pas une « chouette bande » autour d’un scout un peu allumé qui serait disponible pour le premier jamborée venu. C’est un parti dont le programme et le leader affichent depuis des années des options dans tous les domaines clefs de la vie du pays. Et ses choix sont à l’inverse d’un programme de gauche. C’est donc maintenant que se joue l’ancrage de la gauche. Seuls des irresponsables peuvent se réjouir de voir « le PS montrer son vrai visage » et ne rien faire pour stopper ce désastre politique. Notre tactique vise depuis notre fondation à créer un contre poids à gauche en cherchant à passer en tête de la gauche. Notre moyen a été de chercher à le faire par l’unité de l’autre gauche et un programme clair d’alternatives capable de rassembler une nouvelle majorité d’électeurs. Nous avons échoué à passer en tête aux européennes parce que l’autre gauche est restée divisée. De nouveau, le repli solitaire du NPA nous rend ce chemin beaucoup plus long et plus difficile. Que faire ? Se résigner ? Juste compter ses électeurs et se retirer ensuite sur l’Aventin en montrant du doigt tous les autres ? Mon opinion est qu’il faut tout faire concrètement pour inverser la pente des évènements.

AGIR

Nous, le Front de gauche nous assumons nos responsabilités. Nous sommes là. Les communistes ont fait le choix du Front de gauche contre ce que tant de gens annonçaient ! Mais à présent, de nouveau, le NPA, vote après vote au niveau local se dispose clairement pour un nouvel isolement. Je ne me prononce pas sur ses motivations. J’enregistre le résultat calamiteux pour ce que nous visons. Que faire ? Bien sûr il faut d’abord respecter ces votes et ne pas insulter l’avenir. Il faut ignorer les bordées d’injures des argumentaires de commande que celui-ci ou celle-là répandent de tous côtés et jusque sur ce blog. Un jour ou l’autre on va finir par arriver à se rassembler. Sur le terrain, dès cette élection ça se verra d’ailleurs ici où là..

Reste que pour l’instant en se refusant à faire front politique électoral cela revient à laisser faire le recentrage de la gauche. Le refus de nos camarades du NPA de constituer des majorités dans les conseils régionaux, quand c’est possible parce que les conditions seraient remplies et vérifiées à la base, ajouté au refus absolu de la participation aux exécutifs ne peuvent pas avoir d’autres conséquences pratiques. C’est feu vert pour les socio libéraux de tous poils ! Ils font ce qu’ils veulent. Les purs les dénoncent, le monde est en ordre, rien ne change. Par où reprendre le problème ? Comment à la fois refuser le recentrage de la gauche et former quand même des majorités de gauche ? A cette heure, il ne reste plus qu’un seul partenaire potentiel possible pour le Front de Gauche s’il veut bloquer concrètement le recentrage de la gauche. Et c’est le parti Vert. Qu’il ne faut pas confondre avec Europe Ecologie. Car ce n’est pas pareil. Et le dire ce n’est pas chercher noise. c’est juste agir en connaissance de cause. Et précisément c’est en janvier que les Verts vont caller leur ligne d’alliance. Donc il faut parler, maintenant, sans attendre. Voila le fond de l’affaire. Voila le sens de ma proposition.

UN ACCORD PREALABLE AU DEUXIEME TOUR

Sur le plan pratique ma proposition est simple.

Elle consiste en ceci : un accord préalable préférentiel pourrait se nouer entre eux, les Verts et nous, le Front de Gauche, après le premier tour. C’est-à-dire avant la négociation avec le PS, au moment de faire les listes du deuxième tour. Je pense que je dois souligner chaque mot plusieurs fois pour que ma formule ne soit pas amenée là où elle n’est pas. Je le répète donc. Ma proposition s’applique au deuxième tour. Le deuxième tour, c’est noté ? Cela veut dire que le premier tour est fini, n’est ce pas ! Au premier tour chacun s’est compté, chacun de son côté, sur des listes distinctes, en toute indépendance.

Au moment où l’on passe à la formation des listes du deuxième tour, au lieu d’aller séparément à la négociation, nous fusionnerions d’abord nos listes avec les Verts. Une condition : pas de Modem. Puis nous aborderons la discussion avec les socialistes. Si nous constituons ensemble la première force nous serons en droit de demander la première place. Sur la base conditionnelle préalable : pas de Modem. Je pense avoir assez dit pourquoi cette affaire de la présence du Modem n’est pas du tout une anecdote. Elle concentre la question du recentrage de la gauche, sur le modèle italien. Je note combien est significatif ce fait que les mêmes qui passent tout au Modem en matière de programme et d’histoire sont intraitables avec le NPA ! C’est très significatif.

Du coup ça ne fait que rendre plus enrageant la décision du NPA d’aller de son côté, seul. Car on voit bien comment cela souligne combien l’auto-isolement de ce parti est pour tous les sociaux libéraux une source permanente de satisfaction et une justification pour aller chercher « ailleurs » les voix qui manquent. Et bien sur, les mêmes qui tirent prétexte de l’isolement du NPA, sont aussi plus que méprisant avec nous, le Front de Gauche. Voyez ceci : quoique nous disions, aussi bien les communistes que nous, sur notre refus de la présence du Modem, les socialistes agissent comme s’ils avaient la certitude que tout le monde finira bien par s’en accommoder. C’est cela qu’il faut bloquer. Cette sorte d’évidence a propos du Modem que le PS a réussi à fabriquer.

Le débat que lance ma proposition est une autre manière de ne pas se résigner. Une autre manière de dire où est le centre de la gauche : à gauche.


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