« Valeurs républicaines » SFR rêve de museler 
les syndicats

mardi 8 décembre 2009.
 

La direction de l’opérateur conteste la représentativité du syndicat SUD au prétexte que, partisan du socialisme autogestionnaire, il ne respecterait pas les « valeurs républicaines ».

La revendication du socialisme autogestionnaire et les objectifs de transformation sociale sont-ils incompatibles avec les valeurs républicaines  ? À l’heure du « grand débat sur l’identité nationale », promu sur toutes les antennes par le gouvernement, la direction de SFR a manifestement décidé de jeter son petit pavé dans le marécage. Par la bande, l’air de ne pas y toucher. En contestant la représentativité du syndicat SUD, le groupe de télécommunications utilise un argument de principe pour le moins inédit jusqu’ici  : le « non-respect des valeurs républicaines », par rapport auxquelles le socialisme autogestionnaire, revendiqué dans les statuts de la fédération SUD PTT, serait, selon lui, en totale contradiction.

Une attaque « jamais vue » contre les syndicats

Or, depuis l’entrée en vigueur des nouvelles règles de représentativité syndicale, issues de la position commune approuvée par la CGT, la CFDT et le patronat, et transposées dans la loi du 20 août 2008 (lire aussi ci-dessous), le premier des critères cumulatifs pour obtenir la représentativité est le « respect des valeurs républicaines » qui se substitue à celui de « l’attitude patriotique pendant l’Occupation », considéré comme obsolète…

Au siège de SFR, le service de presse, contacté par l’Humanité, tente de minimiser  : « Nous avons une procédure tout à fait classique pour contester la représentativité du syndicat SUD, qui n’a pas atteint le seuil nécessaire aux élections de juin 2009. » Voir. Car, pour tous les autres acteurs du dossier, cette banalisation n’est pas de mise. Me Antoine Vivant, avocat de la direction de SFR, revendique crânement son angle d’attaque  : selon lui, le socialisme autogestionnaire est un « courant politique dont les principes sont en tous points contraires aux valeurs républicaines ». « C’est la négation de l’employeur et de la liberté d’entreprendre », affirme-t-il encore. « C’est du jamais-vu, raille de son côté Me Thierry Domas, avocat de SUD SFR. À ma connaissance, depuis la promulgation de cette nouvelle loi, aucun employeur n’a osé prétendre qu’un syndicat ne serait pas représentatif au motif qu’il ne satisferait pas dans ses statuts à ce critère sur les valeurs républicaines. À ce compte-là, autant demander tout de suite l’interdiction du syndicalisme qui, à les entendre, anéantit le droit de propriété et la liberté d’entreprendre  ! »

Pour Colin Rick, délégué syndical SUD sur le site SFR service clients (450 salariés) à Massy-Palaiseau (Essonne), où son syndicat a recueilli près de 22 % des voix lors des dernières élections au comité d’entreprise rassemblant plusieurs établissements, l’argumentaire de la direction a vraiment de quoi interloquer  : « Dans la pratique, on est à des milliards d’années-lumière des écrits ouvriers du siècle dernier sur lesquels se fonde la direction de SFR, confesse-t-il. Qui parle de valeurs républicaines dans cette affaire  ? C’est nous qui passons notre temps à essayer de faire respecter les lois de la République, et notamment celles qui figurent dans le Code du travail  ! Cette contestation de notre représentativité, c’est une manœuvre purement politique. » L’affaire doit être examinée, lundi 30 novembre, au tribunal d’instance de Longjumeau (Essonne). Et à voir les statuts de la plupart des syndicats français (lire notre encadré), on se dit que son issue dépasse le cadre de SFR.

Thomas Lemahieu

Autre article sur ce sujet :

La République et le syndicalisme (par Pierre Khalfa, SUD)


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