Le Parti de gauche a un an et vire écologiste (article de Marianne)

lundi 14 décembre 2009.
 

Il entre dans ce que Jean-Luc Mélenchon appelle « l’acte II ». Mais cet « acte II » débute de façon déroutante : le « patron » du PG tente de prendre en tenaille le PS en proposant un accord aux Verts et bouscule ses alliés communistes en réclamant tout haut la tête de liste en Île-de-France...

Comme un symbole. Au fond du gymnase de Crosne dans l’Essonne où se tenait hier la Convention nationale du Parti de gauche : un mur d’escalade. La formation emmenée par Jean-Luc Mélenchon souffle sa toute première bougie, mais veut grimper haut, très haut. Très vite aussi. Quitte à dérouter. À la tribune, Eric Coquerel le « Bartolone du PG » le reconnaît. Et en joue : « Nous sommes déroutants. Mais c’est parce que nous voulons mettre en déroute le capitalisme financiarisé. Nous voulons mettre en déroute Sarkozy et la droite. Nous sommes déroutants parce que nous n’empruntons plus la novlangue social-libérale, la pensée unique et le bipartisme ».

Mais si le Parti de gauche déroute, c’est surtout parce que, ces derniers temps, son chef de file a décidé de mettre les pieds dans le plat. À la tribune, Mélenchon l’affirme haut et fort : il veut la tête de liste pour les régionales « en Ile-de-France et dans aucune autre région ». Une phrase lâchée, sans retenue aucune, alors que les communistes veulent la confier à leur numéro deux, Pierre Laurent, présent hier dans la salle ! Un souhait émis sans réserve alors que le PCF a décidé de participer au Front de gauche dans 17 régions.

Déroutant, Mélenchon l’est aussi quand il tend la main aux Verts et tente de prendre… à revers un Parti socialiste soupçonné de vouloir se tourner vers le MoDem. Il sait que cette initiative surprend : « On me dit que c’est une idée saugrenue. Je suis un poète en politique : je crée ! », plaisante-t-il devant les siens. Hier, le président du PG a en effet réédité son offre lancée aux « Verts » mercredi soir sur France Inter, face à Cohn-Bendit, d’« accord préalable » pour le deuxième tour des régionales. Ne lui dites surtout pas que cette main tendue ne vise qu’à débaucher des militants, il vous jetterait un regard noir. Le PG en compte officiellement 6 000 et semble se satisfaire de ce chiffre.

Non, pour le « patron » du Parti de gauche, l’objectif est ailleurs : « Eviter un scénario à l’italienne » où toutes les composantes de la gauche se retrouvent irrémédiablement attirées vers le centre, précise Danielle Simonnet, membre du Bureau national du PG. Car le PS n’est pas le seul à regarder du côté du MoDem. « Le parti des Verts, explique Jean-Luc Mélenchon à la tribune, doit avoir un débat sur les alliances en janvier. Nous voulons y participer, même si nous n’en faisons pas partie ! » Il sait que la tentation centriste de Daniel Cohn-Bendit et d’Europe écologie commence à créer des remous chez les Verts et il compte bien en profiter.

« Derrière le casting d’Europe écologie, il y a une vraie orientation politique » Une tentation dénoncée par Martine Billard, députée de Paris, ancienne membre du parti de Cécile Duflot et toute nouvelle porte-parole du PG. Morceaux choisis : « Si tant d’écologistes nous rejoignent et nous rejoindrons, c’est qu’ils refusent de voir brader l’écologie sur l’autel du capitalisme vert », « L’évolution des Verts sous l’égide d’Europe écologie est une régression », « Derrière le casting d’Europe écologie, il y a une vraie orientation politique », « Il y a des compromis qui sont des compromis pourris ».

À l’en croire, le PG, lui, a réussi son aggiornamento écolo. Après plusieurs mois de « vérification », elle semble convainvue que « le Parti de gauche est bien écologiste » et a décidé de rejoindre ses rangs avec, dit-on, près de 300 personnes. Paul Ariès, théoricien de la décroissance et rédacteur en chef du journal Le Sarkophage, avec qui Martine Billard avait tenté ce rapprochement avec le PG, lui, n’a pas franchi le pas.

Pour prouver aux sceptiques son écolo-compatibilité, le Parti de gauche n’a pourtant pas lésiné sur les moyens. Il y a son manifeste baptisé « Lignes d’horizon » qui fait la part belle à l’écologie. Il y a aussi son nouveau logo « greenwashé » comme on dit chez les marketeux (voir ci-dessus). Le rectangle rouge du Parti gauche est passé dans la lessiveuse écologiste et en est ressorti bardé d’un bandeau vert et d’un nouveau sous-titre : « Ecologie – Socialisme – République ».

Ce nouveau logo et le discours qui va avec ne suffiront peut-être pas à convaincre les Verts qui doivent rencontrer le Parti de gauche demain. Difficile en effet de les imaginer accepter la main tendue du PG, eux qui ont renoué avec le succès via Europe écologie. Mais Jean-Luc Mélenchon — ne lui en déplaise — n’est pas qu’un « poète en politique ». Un œil sur les sondages, il sait aussi faire vibrer la corde électoraliste de ses interlocuteurs : « Si Cécile Duflot veut être élue, confie-t-il, elle sait ce qui lui reste à faire… »

de Gérald Andrieu


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