Un an après le 29 mai 2005, où en sommes-nous ? ( résolution du CN de PRS juillet 2006)

samedi 22 juillet 2006.
 

Conseil national de PRS - 1er et 2 juillet 2006

Un an après

Un an après le 29 mai 2005, où en sommes-nous ?

Il y a un an, les citoyens d’un des pays fondateurs de l’Union européenne se sont prononcés massivement et majoritairement contre un projet de Constitution antidémocratique et libéral malgré les appels au « oui » de la quasi-totalité des médias et des principaux partis politiques.

Cette secousse a ébranlé l’Europe entière. Elle résonne encore dans la vie politique française. Partout, elle a étalé au grand jour le fossé béant creusé entre les attentes des citoyens et les politiques qui sont menées en leur nom.

Continuer comme avant serait laisser enfler chaque jour davantage ce véritable état d’urgence politique. Ce serait laisser pourrir la crise multiforme qui secoue nos sociétés.

C’est pourtant ce qui s’est produit depuis un an.

Le blocage européen Au lendemain de la victoire du « non » en France et aux Pays-Bas, les chefs d’Etat européens ont décidé de s’accorder une « période de réflexion ». De sommet européen en sommet européen, force est de constater que celle-ci n’a débouché sur aucune proposition nouvelle de leur part.

On a vu d’abord vu plusieurs dirigeants européens affirmer leur volonté de faire adopter la Constitution européenne contre l’avis des Français et des Néerlandais. Le processus de ratification a donc été poursuivi pour isoler ces deux « non » dans une marée de « oui », espérant créer par ce biais une telle pression sur les peuples récalcitrants que ceux-ci finiraient par accepter le projet de Constitution européenne.

Or cet entêtement à ratifier conduit désormais à la démonstration inverse. En effet, alors que l’on nous rebat les oreilles du fait que 15 Etats européens sur 25 ont ratifié la Constitution européenne, un examen plus détaillé de la réalité montre que ce texte est incapable de recueillir l’assentiment d’une majorité de citoyens européens. Dans 13 cas sur 15, la ratification a été obtenue par voie parlementaire, et dans seulement 2 cas par référendum. Parmi les 15 pays qui ont ratifié le projet de Constitution, on compte les 7 plus petits Etats de l’Union (Malte, Chypre, Luxembourg, Slovénie et trois pays baltes) alors qu’à l’inverse la quasi-totalité des 8 Etats qui ne se sont pas encore prononcés sont des Etats très peuplés. Là où des ratifications parlementaires étaient prévues, elles se sont déroulées sans tenir aucun compte du « non » français et néerlandais. Mais partout où des consultations référendaires étaient prévues, à l’exception du Luxembourg, elles ont été annulées ou suspendues pour éviter de nouvelles victoires du « non ». Cela concerne 6 des 8 pays qui ne se sont pas encore prononcés : Royaume-Uni, Pologne, Portugal, Irlande, Danemark, et République tchèque. Les partisans de la Constitution arrivent donc au bout des ratifications faciles obtenues dans les Assemblées parlementaires. Ils atteignent désormais l’os dur des ratifications populaires, et craignent du coup que la poursuite du processus débouche sur de nouveaux votes négatifs.

Lors du dernier sommet européen à Vienne, les dirigeants européens ont donc reconnu pour la première fois qu’ils devraient sans doute renoncer au texte actuel. Pour autant, ils se sont montrés incapables de proposer une alternative. Le délai de réflexion a été encore étendu jusqu’à 2009. Aucun plan de sortie de crise n’a été mis en place.

La seule idée des dirigeants européens est qu’il faut désormais avancer concrètement, dans le cadre d’une « Europe des projets », qui renonce à la refonte institutionnelle pour mieux s’attacher aux politiques concrètes. Mais leur contenu ne change pas. Il s’agit toujours de mettre en œuvre une politique libérale qui ne tient aucun compte de la volonté populaire. Une nouvelle version de la directive Bolkestein a ainsi été adoptée ; elle s’inscrit toujours dans la philosophie de l’harmonisation par la concurrence et le marché plutôt que par la solidarité et par la loi. Un projet de marché commun avec les Etats-Unis d’Amérique, préparé avec obstination par la Commission, a été soumis au Parlement européen qui l’a voté, signant ainsi l’abandon officiel de toute velléité d’une Europe autonome. Ce n’est sûrement pas ainsi que la construction européenne retrouvera l’adhésion des citoyens. Et ce n’est pas en restant sourd à leurs exigences qu’elle dépassera sa crise actuelle.

L’alignement social-démocrate Le refus d’entendre les « non » français et néerlandais ainsi que l’accélération des politiques néolibérales en Europe se produisent à un moment où les sociaux-démocrates sont désormais au pouvoir dans une majorité de pays de l’Union (14 sur 25). Hélas, dans la majeure partie des cas, la sociale-démocratie européenne agit en défenseur zélé du système, détruisant les conquêtes sociales qu’elle a elle-même arrachées par le passé. Cette convergence avec les néolibéraux se cristallise dans l’accord de gouvernement passé en Allemagne entre les sociaux-démocrates et la droite. Cette alliance a été nouée dans le pays le plus riche et le plus nombreux de l’Union. Elle implique le principal parti de la sociale-démocratie européenne. Celui-ci détient la présidence du groupe PSE au Parlement européen, tandis que son partenaire CDU préside le PPE, principal groupe de droite. L’alliance SPD-CDU produit du coup ses effets dans l’Europe entière. C’est une députée SPD qui a présenté la directive Bolkestein, soutenue par la droite. C’est une députée SPD qui a défendu au Parlement européen le marché commun transatlantique, soutenu par la droite. C’est un député SPD qui a récemment présenté une résolution dans laquelle les députés européens demandent que le projet de Constitution européenne soit appliqué contre l’avis des Français et des Néerlandais, avec le soutien là encore de la droite. L’accord de grande coalition en Allemagne a son pendant dans le Parlement européen. C’est un verrou qui empêche tout changement des politiques actuellement à l’œuvre en Europe.

L’évolution de la situation politique en Grande-Bretagne va dans le même sens. Les mesures libérales s’y succèdent sans répit. Dernière en date, l’allongement de l’âge de la retraite à 68 ans, pour faire face, notons-le, au déficit criant du système de retraite par capitalisation. Pour la première fois depuis son arrivée au pouvoir en 1997, le gouvernement de Tony Blair s’est appuyé sur les voix de la droite pour faire passer une loi de privatisation des écoles publiques. Alors que les travaillistes ont connu lors des élections locales du 4 mai dernier l’un des plus mauvais résultats électoraux de leur histoire, le successeur désigné de Tony Blair, Gordon Brown promet sans relâche qu’il ne déviera pas de cette ligne désastreuse. Le cours social-libéral du New Labour paraît donc solidement ancré et rien ne semble pouvoir le remettre en cause.

Cet alignement profond et durable de la social-démocratie européenne sur les thèses néolibérales aggrave dramatiquement l’état d’urgence politique que connaît le Vieux Continent. Alors que le rejet des règles du jeu actuelles enfle partout, le débouché politique se rétrécit sans cesse au risque de quasiment disparaître du fait du ralliement au système des partis dominants à gauche.

La crise française En France aussi, les derniers mois ont été marqués par une aggravation de l’état d’urgence politique. Parce qu’il a refusé de partir ou de changer de gouvernement au lendemain du mouvement contre CPE, Jacques Chirac a encore renforcé la crise institutionnelle et politique d’un système à l’agonie. A peine le CPE retiré, l’affaire Clearstream éclatait en confirmant la fragilité accrue du pouvoir. Depuis lors, la crise ouverte à droite se déroule sans pause ni répit : affrontement public et judiciaire entre des ministres du gouvernement, indiscipline répétée de la majorité parlementaire, vote de la censure par une partie des députés UDF...

Pour autant, il faut noter que ni cette crise ni l’approche des élections présidentielles n’entraîne de pause dans les réformes libérales. On assiste au contraire à une surenchère néolibérale entre les chefs rivaux de la droite. Villepin veut ainsi faire adopter à la rentrée la privatisation de Gaz de France. Il a fait voter la suppression de 15000 postes de fonctionnaires dès l’année prochaine. C’est une saignée sans précédent dans les moyens du service public.

Une telle politique ne peut qu’aggraver l’urgence sociale que connaît notre pays. Le partage des richesses y est sans cesse plus injuste. En 2005, le pouvoir d’achat des ménages a ainsi progressé en moyenne de 1,1% tandis que les bénéfices des entreprises du CAC 40 augmentaient de 30%. La pauvreté de masse explose. Il y a désormais 7 millions de pauvres en France, dont 2 millions occupent un ou plusieurs emplois. En 2005, pour la première fois, les statistiques officielles de l’INSEE, qui sous-estiment très largement la pauvreté en raison de modes de calcul plus que contestables, reconnaissent que celle-ci est en progression dans notre pays.

Urgence sociale aggravée, destruction de l’Etat républicain qui se poursuit, crise institutionnelle et politique majeure, voilà le contexte dans lequel se trouve la France à un an de la prochaine élection présidentielle. Voilà ce à quoi la gauche doit répondre.

Un an avant

En 2007, le cycle électoral ouvert le 21 avril 2002 touchera à son terme. Une nouvelle phase politique s’ouvrira pour le pays. La préparation de l’élection présidentielle occupe dès à présent toutes les énergies. C’est un événement majeur qui nous interpelle.

La tendance à l’émiettement de la gauche Partout à gauche, règne la tendance à l’émiettement, à la dispersion, à l’affrontement. C’est vrai par exemple au PS, qui n’avait jamais eu autant de candidats à la candidature en son sein, même en d’autres périodes de gueule de bois électorale et de leadership défaillant (comme lorsqu’Henri Emmanuelli était premier secrétaire). C’est vrai également dans la mouvance du « non » de gauche, chez les Verts, à Attac... On peut y voir une des manifestations de la décomposition d’un système politique dans lequel les frontières entre organisations correspondent souvent à des réalités historiques ou sociologiques dépassées.

Cet éparpillement se nourrit et s’accompagne d’une envolée des sectarismes. Les exclusives se multiplient de toutes parts. Un tel climat est lourd de menaces pour la gauche, car aucune victoire électorale n’est possible en 2007 pour la gauche si elle ne parvient pas à se rassembler.

La stratégie libérale-sécuritaire Les candidats à l’élection présidentielle peuvent difficilement ignorer l’état d’urgence politique que connaît le pays. En témoigne le fait que presque tous cherchent à se présenter à mesure que se rapproche l’élection comme des candidats « anti-système » : aussi bien Royal que Sarkozy, Besancenot que Le Pen, De Villiers que Bayrou... La stratégie convergente développée par Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy apparaît également comme une tentative de réponse à cette crise. Elle prend la suite d’un nouveau paradigme libéral sécuritaire, expérimenté aussi bien à gauche (Blair) qu’à droite (Bush, Berlusconi), qui a fait hélas à plusieurs reprises chez nos voisins la démonstration de sa capacité d’entraînement électoral.

Les propositions de Ségolène Royal illustrent bien cette idéologie libérale-sécuritaire. La question sociale (invalidée car elle reflèterait un « point de vue de sociologue ») s’y trouve de fait évacuée. Ainsi, la proposition de mise sous tutelle des allocations familiales « à la première incivilité » témoigne tout à la fois d’un ciblage social sur les familles les plus pauvres, mais en même temps d’une culpabilisation des parents qui ne tient aucun compte des difficultés sociales qu’ils peuvent rencontrer. Ces mesures arbitraires (à la différence d’un délit, l’incivilité n’est ni définie par la loi, ni punie par la justice) entraîneraient une nouvelle criminalisation de la pauvreté qui rappelle par bien des aspects le capitalisme du 19ème siècle aux prises avec l’essor des « classes dangereuses ».

Ces propositions (il faudrait y ajouter l’encadrement militaire des jeunes « au premier acte de délinquance » ou l’expulsion des délinquants étrangers) rompent avec la pensée socialiste qui refuse de séparer la question de l’ordre social de la question sociale elle-même et qui pense l’émancipation des personnes comme un processus global et non comme un dressage. Elle est en revanche dans la droite ligne du blairisme qui ayant renoncé à changer la société, s’emploie à mater ceux qui perturbent sa « bonne marche ».

Une telle rupture des digues à gauche contribue dramatiquement à installer la politique sécuritaire comme la question politique centrale, conformément à la stratégie de Nicolas Sarkozy. On notera en effet que jamais un ministre de l’Intérieur n’avait ainsi multiplié des lois successives sur des questions identiques (le séjour des étrangers, la délinquance des mineurs), à quelques mois seulement d’intervalle (à peine sa deuxième loi sur l’immigration adoptée, Sarkozy prépare pour la rentrée une énième loi sur la délinquance).

Ayant réussi à amener la gauche sur le terrain de la lutte contre l’insécurité, Nicolas Sarkozy tente désormais de lui contester le terrain social. Le président de l’UMP s’adresse à « la France qui souffre, la France qui va mal, qui vit la précarité au quotidien ». Il appelle à « rompre avec le système économique, politique et social qui a produit le chômage de masse depuis 30 ans » car « les Français ne veulent pas une nouvelle alternance classique mais une rupture ». Il invoque Blum et Jaurès dans ses discours, et même Saint-Just. On retrouve là la stratégie de Jacques Chirac lors de l’élection présidentielle de 1995. Rappelons qu’elle s’était avérée efficace.

Le référendum du 29 mai dernier a été marqué par une repolitisation et une participation record de l’électorat populaire. Le discours libéral-autoritaire apparaît comme un moyen de s’adresser à cet électorat victime du libéralisme sans pour autant remettre en cause les positions des classes dominantes. Il n’est pas sans évoquer une vieille tactique qui consiste à tourner la colère des petits contre les plus petits qu’eux, afin qu’elle ne prenne pas pour cible les privilèges des dominants. C’est la configuration typique des colonies de peuplement, dans lesquelles les « petits blancs », exploités mais dressés à détester les indigènes, se sont montrés encore plus enragés à défendre le système colonial que les gros colons qui en étaient les bénéficiaires essentiels.

En France, la surenchère sécuritaire et l’esprit « petit blanc » trouvent malheureusement une traduction politique dans le vote d’extrême-droite. La ligne libérale-sécuritaire risque donc d’alimenter directement le fonds de commerce du Front national. Engager la course de vitesse avec le FN sur son propre terrain, c’est prendre le risque dramatique de lui rendre la main qu’il avait perdue lors du débat référendaire.

L’offensive blairiste sur le PS Parce qu’il concentre les contradictions qui traversent la gauche française, le PS est entré dans une phase de turbulences majeures où se jouent une bonne part de son identité et de son avenir.

La campagne de Ségolène Royal s’apparente de fait à un « coup d’état » contre le Parti socialiste : rupture idéologique assumée, contournement systématique de ses structures, nouveaux adhérents qui modifient profondément la mémoire et la sociologie militantes du parti (les nouvelles adhésions sont proportionnellement les plus nombreuses dans les départements riches et ceux qui ont voté « oui » le 29 mai 2005), tentation affirmée du changement de stratégie et d’alliance.

L’un des soutiens les plus actifs de Ségolène Royal, directeur de la rédaction du Nouvel Observateur, Jacques Julliard a résumé l’offensive de Royal comme un « Bad Godesberg à la française ». Son analyse mérite d’être longuement citée car elle décrit bien les enjeux du débat au sein du PS. « En deux coups de cuillère à pot, Ségolène Royal vient de s’emparer d’un vaste territoire jusque là déserté par les autres candidats à l’investiture socialiste : le flanc droit du parti. Le premier remonte au 2 février, quand dans une interview au Financial Times, elle déclara négligemment, comme une chose allant de soi, que tout n’était pas négatif dans l’action de Tony Blair (...) D’un coup, le blairisme qui ne représentait qu’environ 1% dans la militance socialiste française (Jean-Marie Bockel) rejoignait virtuellement les scores qui sont les siens ailleurs. Le deuxième coup a été frappé le 31 mai à Bondy quand la même Ségolène, mettant en cause l’impuissance et les échecs de Nicolas Sarkozy, prit position fermement et même brutalement pour une politique sécuritaire de la part de la gauche. (...) Ségolène Royal vient de rejoindre les rangs de la social démocratie occidentale qui de Clinton à Blair et à Schröder, du Danemark et de la Suède aux Pays-Bas, estime que si des mesures libérales peuvent faire reculer le chômage, pourquoi ne pas les adopter ; que si une poignée de sauvageons pourrit la vie des écoles, des cités et des banlieues, pourquoi ne pas les punir et les rééduquer ? C’est à une sorte de Bad Godesberg rampant, à la française, que nous sommes en train d’assister.(...) Ségolène vient en somme de suggérer que peu importe que le chat soit noir ou blanc, pourvu qu’il attrape les souris ; que si la gauche et la droite sont fondamentalement différentes, il n’y a rien de scandaleux à ce qu’elles partagent des objectifs communs, et même sur certains points des solutions communes ; et qu’enfin, chasser sur les terres du Front national, comme on l’en accuse, est non seulement loisible, mais nécessaire si l’on veut l’en déloger. Elle considère les Français mûrs pour un changement d’attitude envers la politique. Mieux que cela : mûrs pour le courage politique. Qu’est-ce donc qui pourrait lui faire croire cela ? Un sondage IFOP paru le 19 mai dans Ouest France, et passé trop inaperçu, indique que désormais 61 % des Français (64% à droite, 56% à gauche) estiment qu’il n’y a plus de différence entre les deux camps. (...) A 67%, les Français sont favorables à un gouvernement de grande coalition gauche-droite, à l’allemande. (...) Ce que les Français n’admettent plus, c’est que l’opposition manichéenne gauche/droite continue de paralyser la solution de problèmes où leur collaboration serait nécessaire. Toutes les études d’opinion révèlent qu’il existe une majorité de Français favorables au retour de la gauche aux affaires, mais pas à n’importe quel prix. On doute en particulier que le programme du PS en préparation, mélange, à ce que l’on en peut savoir, de remise à zéro de tout ce qui l’a précédé et de clientélisme dépensier, pourra séduire l’électorat de gauche. Ce n’est pas d’un grand livre de la compassion nationale dont nous avons besoin, mais d’un bouleversement des pratiques politiques. »

Un tel alignement du PS français sur la ligne blairiste constituerait un basculement d’ampleur. Pour se réaliser, il a besoin d’un bouleversement d’ensemble des rapports politiques au sein de la gauche.

Les chemins escarpés de l’Union des gauches L’émiettement de la gauche des ruptures en une multitude de candidatures à l’élection présidentielle est une perspective très inquiétante. Elle conduirait en effet à la négation électorale d’un courant politique qui a démontré à la fois sa capacité de résistance face à la droite et sa capacité d’entraînement populaire et majoritaire lors du dernier référendum. Elle ouvrirait la voie aux partisans, au sein du PS, d’un changement d’alliance et d’un rapprochement avec le centre. Si la dynamique de l’union des gauches était brisée, ce serait un désastre à la fois électoral, social et politique qui laisserait notre peuple largement démuni dans la confrontation avec les néolibéraux.

C’est pourquoi nous apprécions très positivement l’appel à un rassemblement antilibéral de la gauche et à des candidatures communes à l’élection présidentielle et aux élections législatives paru il y a quelques semaines, et signé par plusieurs responsables de PRS. Cette initiative, qui s’inscrit dans le cadre d’une Union dans l’Union, appelant sans ambiguïté au rassemblement de la gauche sans exclusive au deuxième tour de la présidentielle, et se donnant l’ambition d’un rassemblement majoritaire visant à gouverner sur un contenu antilibéral, rejoint notre analyse. Elle est d’autant plus importante qu’elle est soutenue par le Parti Communiste, qui a signé cet appel en tant que tel.

La dynamique de rassemblement impulsée par cet appel s’est malheureusement heurtée à l’attitude adoptée jusqu’ici par la direction de la LCR. Celle-ci, après l’avoir publiquement combattu, a décidé de présenter son propre candidat à l’élection présidentielle au nom du fait que lui seul s’engage à agir « en toute indépendance » vis-à-vis du PS et refuse tout accord de majorité « gouvernementale ou parlementaire » avec ce parti.

Quelle serait la conséquence d’une telle ligne ? Nous connaissons les rapports de force électoraux dans notre pays. Ceux qui disent qu’ils ne veulent pas gouverner avec le PS disent en fait qu’ils ne veulent pas gouverner tout court. Aucune majorité à gauche n’est en effet possible en dehors d’un accord avec le Parti socialiste. Refuser la discussion sur le contenu du programme avec ce parti, c’est refuser d’agir pour que le centre de gravité de la gauche se déplace vers l’antilibéralisme. C’est faciliter du coup le travail des partisans de la ligne blairiste qui comptent sur le seul « vote utile » pour obliger toute la gauche à rallier une orientation qui ne la rassemble pas. C’est prendre le risque de faire gagner la droite alors que la chance est offerte de la priver du pouvoir après avoir résisté pied à pied sur le terrain social et politique depuis 2002. C’est stériliser tout un pan de la gauche des ruptures dans une attitude de contestation impuissante, qui lui laisserait pour seul horizon la délimitation d’un espace électoral sans lendemains.

Et maintenant ?

On peut résumer l’enjeu de la période qui va de mai 2005 à mai 2007 de la manière suivante : la France va-t-elle confirmer son statut d’exception européenne, renforcé par le « non » du 29 mai, qui fait de notre pays une véritable épine dans le pied des néolibéraux en raison de sa capacité de résistance à l’ordre dominant, ou va-t-elle s’engager sur la voie d’une normalisation qui l’amènerait à rejoindre le cours dominant chez ses voisins européens ? La France va-t-elle conserver sa singularité (un rapport de forces social moins dégradé, une gauche des ruptures plus influente, un Parti socialiste bien plus à gauche, la prévalence de la stratégie d’union de la gauche, la résistance institutionnelle et culturelle du fait républicain) ou va-t-elle s’aligner sur le modèle dominant de l’Union (une gauche divisée et majoritairement blairisée, des capacités de résistance sociale amoindries, une marchandisation généralisée de la société) ? Cette grande bataille se joue sur plusieurs fronts. Ceux-ci constituent autant de terrains d’action pour PRS.

Plus que jamais, le combat pour l’union des gauches Des résistances vont sans nul doute s’exprimer au sein du Parti socialiste face au coup d’état blairiste qui le menace. Nous n’en connaissons ni l’ampleur, ni la forme, ni l’issue. Or cette question intéresse au plus haut point la gauche toute entière. La stratégie du pire n’est en effet pas la nôtre. Nous ne croyons pas que la victoire des blairistes au sein du PS français serait une bonne nouvelle apte à « ouvrir enfin les yeux des masses ». Elle entraînerait à l’inverse une dégradation profonde du rapport de forces qui laisserait désarmés des secteurs considérables de notre peuple. Elle serait un obstacle durable au rassemblement de la gauche qui nous ramènerait aux années 60, avec une droite installée durablement au pouvoir. C’est pourquoi les débats des prochains mois au sein du PS posent, derrière la confusion politique et la personnalisation des enjeux, des questions décisives pour l’avenir de la gauche.

De même, tout doit être fait pour éviter que la gauche du « non » ne se replie sur une ligne sectaire qui la condamnerait à l’impuissance. Nous disions au débat de la campagne référendaire : « le « non » unit la gauche, le « oui » ne peut le faire ». C’est en prenant en charge l’intérêt général de la gauche et du pays, en affrontant Chirac et Raffarin, signataires du traité constitutionnel, que le « non » est devenu majoritaire dans l’électorat de gauche, électorat socialiste inclus, et a pris la tête du combat de notre peuple contre les politiques néolibérales. Si les tenants du « non » de gauche apparaissaient demain à l’inverse comme des ferments de division à gauche, plus intéressés par des règlements de compte avec le PS que par le combat contre la droite, plus soucieux de l’intérêt de leurs boutiques que de celui de notre peuple, il perdrait rapidement sa confiance et ruinerait l’immense espoir qu’il a suscité en son sein.

La place singulière qu’occupe PRS dans la gauche française, véritable trait d’union entre toutes ses sensibilités, nous confère une responsabilité particulière dans le combat pour une union des gauches sans exclusive.

Une Constituante pour sortir de la crise européenne Un an après, il ne peut être question de rejouer le 29 mai à l’identique. Le désaccord n’est plus entre ceux qui ont voté « oui » et ceux qui ont voté « non ». A gauche, il oppose deux attitudes. Il y a ceux qui pensent qu’il faut au plus vite refermer la parenthèse pour que la France « retrouve sa place » dans le courant dominant de la construction européenne. Il y a ceux qui veulent partir du « non » de la France pour remettre à plat les fondements de la construction européenne. Pour les uns, le « non » est une difficulté à dépasser. Pour les autres, c’est un point d’appui. Ce débat qui traverse la gauche française s’exprime aussi au niveau européen. Il commence par la reconnaissance du « non » français mais pose aussi la question d’une stratégie alternative pour sortir de la crise européenne et donner un prolongement européen et une issue progressiste à l’insurrection civique victorieuse qu’a menée notre peuple.

C’est pourquoi nous défendons la perspective d’une Constituante européenne. C’est à nos yeux la seule manière de dépasser l’hypothèse d’une renégociation intergouvernementale qui se heurterait à nouveau aux causes qui ont conduit au précédent projet de Constitution : un rapport de forces dégradé, aggravé par le ralliement majoritaire au libéralisme de la sociale-démocratie européenne, une opacité qui interdit l’implication populaire et l’intervention citoyenne. Le référendum français a montré que les citoyens, en particulier ceux issus des classes populaires, pouvaient se réapproprier les questions européennes dès lors qu’il pouvait saisir l’instrument du bulletin de vote faire. Nous voulons impulser une même dynamique civique à l’échelle européenne. Enfin, la perspective de la Constituante s’inscrit dans un calendrier concret : l’élection de 2007 et la chance qui nous est offerte d’élire un président issu du « non » de gauche, la présidence française de l’Union en 2008 qui nous permettrait de mettre sur la table une telle proposition, l’élection européenne de 2009 qui pourrait donner lieu à un mandat constituant.

Nous venons de faire un pas décisif dans la constitution d’un premier regroupement européen en faveur de la Constituante, puisque notre camarade Oskar Lafontaine, à l’issue d’une rencontre récente avec une délégation de PRS à Berlin, s’est déclaré publiquement favorable à une telle initiative. C’est un fait nouveau et essentiel. D’abord parce que nous trouvons là, à travers Oskar Lafontaine, l’indispensable partenaire allemand sans lequel aucune relance européenne ne serait crédible. Ensuite parce que ce partenaire n’est pas prisonnier de la grande coalition qui impuissante les sociaux-démocrates de ce pays. Enfin parce que sa personnalité donne à notre engagement pour la Constituante un fort retentissement dans toute l’Europe et permet d’amorcer un travail à bien plus grande échelle, une campagne d’opinion dans plusieurs pays de l’Union,

Le réarmement populaire contre la droite Le combat électoral qui s’annonce ne se déroule pas en vase clos. Le moteur de la victoire et du changement à gauche, c’est la mobilisation motivée et éclairée de notre peuple. Or celle-ci s’enracine dans la lutte concrète et quotidienne contre la politique de la droite au pouvoir. C’est pourquoi nous ne devons pas séparer la bataille électorale du nécessaire réarmement populaire de notre peuple dans la lutte fondatrice contre la droite.

L’ordre du jour de la rentrée parlementaire est d’ores et déjà chargé. On annonce notamment la scandaleuse privatisation de GDF, une énième loi sécuritaire sur la délinquance et une loi sur l’épargne salariale qui constitue un nouvel encouragement à la domination sans partage de la finance. Ces trois projets de loi soulèvent des questions fondamentales pour les partisans de la République sociale : le contrôle public des ressources naturelles, la défense du service public, la protection des libertés républicaines, l’émancipation sociale des travailleurs. La résistance à ces projets sera donc fondatrice quant au contenu de l’alternative à construire.

PRS s’engagera sur ces questions en mettant les méthodes de l’éducation populaire au service du réarmement politique, culturel et moral de notre peuple. Des ateliers de lecture seront organisés dans tout le pays pour informer et éclairer nos concitoyens sur le contenu de ces lois.

L’actualité politique amènera aussi bien d’autres questions : la mobilisation contre la loi CESEDA et les expulsions d’enfants sans papiers, la rentrée scolaire et les effets des 15000 suppressions de postes dans la fonction publique, le débat budgétaire et ses implications fiscales... Sur toutes ces questions, nous agirons avec un triple souci : éclairer et impliquer notre peuple, œuvrer pour le rassemblement des gauches sans exclusive, travailler à la construction d’une politique alternative pour 2007. La méthode de l’éducation populaire, la stratégie de l’union des gauches sans exclusive, le projet de la République sociale forment le triptyque que nous défendrons, en intensifiant notre campagne « la droite doit partir, la gauche doit s’unir ».


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