« On voudrait reléguer le camp du "non" aux oubliettes »

vendredi 15 mai 2009.
 

Pour Jean-Luc Mélenchon, la constitution d’un « front » autour de Bayrou se solderait « immanquablement par la destruction de la gauche, comme en Italie ».

Le quotidien Libération suggère la formation d’une « grande coalition » antisarkozyste allant de votre Parti de gauche jusqu’aux amis de l’ancien premier ministre Dominique de Villepin. Que vous inspire cette idée ?

Jean-Luc Mélenchon. Je ne me vois pas du tout dans un attelage de cette nature. La violence de la crise commande une réorganisation générale de toutes les forces politiques. Mais la solution n’est pas d’enjamber le clivage gauche-droite. Au contraire. À la droite de réinventer autre chose que le libéralisme, à la gauche de réinventer autre chose que la social-démocratie. C’est la tâche que s’assigne le Front de gauche.

Cette volonté de réorganiser la vie politique autour du centre est en fait le signal d’un échec. La social-démocratie est incapable de se constituer en opposition à Nicolas Sarkozy. C’est cet espace vide que tentent aujourd’hui d’occuper les centristes. Loin de se ressaisir ou de se tourner vers une alternative de gauche, les socialistes sont plus que jamais pris dans cette spirale de l’alliance avec le centre. De ces aventures-là, on connaît l’issue. Elles se soldent immanquablement par la destruction de la gauche, comme en Italie.

Ces scénarios pour 2012 contribuent à étouffer davantage une campagne des européennes déjà bien atone. Cette absence de débat sur les enjeux européens est-elle, selon vous, délibérément entretenue ?

Jean-Luc Mélenchon. Je le crois. Nombreux sont ceux qui n’ont aucune intention de parler de l’Europe. Valérie Pécresse présente sa liste aux élections régionales un mois avant les élections européennes. Les socialistes consacrent plus de temps à leur stratégie d’alliance pour 2012 qu’à discuter de ce qu’ils comptent faire pour changer la donne en Europe. C’est incroyable. Tous ces gens tentent d’enjamber le scrutin européen du 7 juin. Ils refusent cette épreuve de force politique.

La nature même de l’élection présidentielle, qui écrase tout le débat politique, n’est-elle pas en cause ?

Jean-Luc Mélenchon. Je pense surtout que nous sommes face à une stratégie de diversion. Ils ont pris la mesure du risque que représente la mobilisation de l’opinion de gauche sur la question européenne. La mise en scène actuelle est assez frappante : elle donne les premiers rôles à tous les partis qui ont défendu le « oui » au projet de constitution européenne en 2005. On voudrait reléguer le camp du « non » aux oubliettes. Voilà la vraie raison de ces stratégies de diversion. Le débat que soulève la question européenne, est, au fond, celui de la politique nationale. Ces deux dimensions sont intrinsèquement liées. Qui rejette le traité de Lisbonne rejette les politiques qu’il contient. De là découlent des choix d’alliances. C’est là la cohérence du Front de gauche, basé sur le refus de ce traité de Lisbonne et des politiques qu’il programme pour la France. De nombreux électeurs socialistes commencent d’ailleurs à poser un regard nouveau sur le Front de gauche. Ils y voient la possibilité de confirmer leur vote de 2005, mais surtout une assurance tous risques contre une recomposition au centre. Plus le Front de gauche sera fort, plus la route d’une telle alliance sera coupée.

Entretien réalisé par Rosa Moussaoui


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