Les faits parlent d’eux-mêmes. Chez Total, 14 milliards d’euros de bénéfices et 555 suppressions de postes en France. Chez Caterpillar, 3,5 milliards de dollars de profits après impôts et 733 licenciements en France (22 000 dans le monde), alors que le groupe vient de réaliser des profits records pour la sixième année consécutive et que ses actionnaires ont reçu au total 1, 57 milliard d’euros de dividendes en 2007 et 2,52 milliards en 2008. Chez Renault, qui a bénéficié de 6 milliards d’euros de subventions de l’État et qui impose des coupes sombres chez ses intérimaires. Sans parler de la Fnac, de Continental, de Goodyear et d’autres. Au total, 700 000 travailleurs ont été privés d’emploi dans l’Union Européenne au cours du second semestre 2008.
On l’a déjà amplement souligné, la bourgeoisie fait payer la crise du capitalisme aux travailleurs. Les licenciements sont pour elle un moyen pour tenter de sortir de la crise. Les classes dirigeantes n’ont pas de projet de rechange au modèle néolibéral et néoconservateur. Pour maintenir ses taux de profits, elles baissent toujours davantage le « coût » du travail. Il faut soutenir et renforcer les luttes qui se développent contre les licenciements qui pleuvent. Mais également dessiner des pistes alternatives. Face à une politique de classe aussi brutale, qui annonce la manière dont les classes dominantes entendent essayer de s’extirper de la crise, il revient au monde du travail d’avancer des mesures globales.
Interdiction des licenciements dans les entreprises qui font des profits
L’interdiction des licenciements dans les entreprises qui font du profit, qu’elles soient petites ou grandes, multinationales ou sous-traitantes, est une mesure d’urgence sociale de premier ordre. Diverses propositions, que nous soutenons, vont dans ce sens, comme la proposition de loi déposée par le PCF.
Mais il faut aller plus loin. La crise sociale implique de prendre en compte tous les cas, y compris les licenciements économiques, collectifs ou individuels, qui ne provoquent pas moins de misère sociale que les licenciements boursiers. La peur de perdre son emploi, de se retrouver sans revenu, de risquer de se retrouver à la rue, sans pouvoir subvenir aux besoins de sa famille est une situation inhumaine qui ne peut avoir aucune justification « économique ». Ce n’est pas aux salariés de pâtir de choix ni de payer les conséquences d’une situation économique dont ils ne sont nullement responsables. Et l’évolution nécessaire de certains métiers (voire la disparition pour certains) ne doit pas se faire non plus au détriment des salariés. La question centrale est bien celle du droit à l’emploi qui ne peut être traitée au niveau de l’entreprise. Seule une réponse globale est efficace. C’est aux classes dirigeantes de supporter collectivement les coûts d’une application réelle du droit à l’emploi. Cela passe par la mise en œuvre de plusieurs principes.
Un véritable droit à l’emploi : la continuité du contrat de travail
Rendre effectif le droit à l’emploi passe par la refondation du statut du salarié, qui serait déconnecté de son affectation du moment. Le patronat doit être collectivement débiteur du droit à l’emploi. Pour parler clair, les périodes entre deux emplois doivent être rémunérées intégralement, avec la possibilité pour le salarié de choisir une formation qui serait, elle aussi, rémunérée intégralement. Que le salarié bénéficie d’un emploi, qu’il soit en formation ou en recherche d’emploi, il doit percevoir le même salaire. Les périodes de recherche d’emploi et de formation sont des périodes productives à part entière. C’est donc un statut professionnel permanent qu’il faut faire reconnaître.
Obligation de résultat du reclassement
Bien souvent, les « reclassements » annoncés lors d’un plan social ou de licenciements individuels sont en fait de véritables déclassements, accompagnés d’une précarisation du statut du salarié. C’est d’abord à l’entreprise de proposer un reclassement effectif, sans amputer le travailleur de droits ou d’une partie de sa rémunération ; à défaut, cette obligation revient au groupe, puis à la branche, puis au patronat en tant qu’entité collective.
Ces principes doivent enfin être financés par la mise en place d’un système de financement mutualisé, qui soit collectivement à la charge des entreprises, au-delà des aléas que telle ou telle connaît.
Droit de veto des représentants du personnel
Cependant, tous ces principes ne sauraient nullement être un prétexte pour libéraliser les licenciements de quelque manière que ce soit. C’est la raison pour laquelle toute procédure de licenciement doit être soumise au préalable au droit de veto des représentants du personnel. Cela implique des pouvoirs étendus pour les organisations syndicales dans le cadre des comités d’entreprises, y compris le droit de regard sur les comptabilités d’entreprises.
Abolition des contrats précaires
Il convient enfin d’intervenir de manière spécifique contre les contrats précaires (CDD, divers contrats d’interim…). Ce sont des armes redoutables dans les mains des classes dirigeantes. Il ne s’agit pas de nier le fait que certaines activités connaissent des pics saisonniers. Cependant, le principe de continuité de contrat de travail doit être étendu aux travailleurs précaires. Cela passe par deux mesures : tout intérimaire devient un salarié en CDI de l’entreprise d’intérim ; le régime du CDD est aboli.
Ce sont là des mesures claires qui permettraient de lutter vraiment contre les licenciements, en rendant vraiment effectif le droit au travail. Elles ne peuvent être conquises par le salariat que par le renforcement du front social qui s’est manifesté nationalement les 29 janvier et 19 mars et du début de front politique qu’est le Front de Gauche. Seule l’émergence d’une alternative anticapitaliste de transformation sociale, qui puisse disputer au social-libéralisme son hégémonie sur la gauche et qui ne recule pas devant la question du pouvoir, sera apte à porter efficacement de telles pistes alternatives.
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