Guantanamo, un camp de concentration ? Récit de Brandon Neely, policier américain

dimanche 22 février 2009.
 

Fait rare, un ex-garde de la prison de Guantánamo lève le voile sur les conditions de détention du camp.

Le soldat Brandon Neely, 28 ans, a été transféré à Guantanamo à l’ouverture du centre de détention, en 2002. Les mauvais traitements ont commencé dès l’arrivée des premiers prisonniers. "Les choses que j’ai faites, et les choses que j’ai vues, c’est tout simplement inacceptable", dit-il.

Les militaires battaient les détenus dès leur arrivée... Lui, et les dizaines d’autres soldats réquisitionnés pour travailler à la prison de Guantánamo, à Cuba. Un endroit si embarrassant pour Washington que le président Barack Obama a annoncé vouloir le fermer dès son premier jour complet passé à la Maison-Blanche, le mois dernier.

« Les choses que j’ai faites, et les choses que j’ai vues, c’est tout simplement inacceptable », a confié M. Neely à des chercheurs du Centre pour l’étude des droits de l’homme en Amérique (CSHRA), situé à Davis, en Californie. C’est lui qui a contacté en décembre dernier le centre, de son plein gré, afin que les sévices soient connus. L’entretien a été rendu public cette semaine.

« J’essaie de passer à autre chose et de continuer ma vie, a dit M. Neely. C’est difficile. »

Le soldat, originaire d’Huntsville, Texas, a été transféré à Guantánamo à l’ouverture du centre de détention, en 2002. Les mauvais traitements ont commencé dès l’arrivée des premiers prisonniers.

Le premier jour, les militaires et les détenus étaient nerveux, se souvient-il. « Un des prisonniers tremblait comme une feuille. Il avait sans doute 55 ou 60 ans. Il ne voulait pas s’agenouiller. Je l’ai plaqué au sol, et son visage s’est écorché sur le ciment. Après ça, il avait des cicatrices. Mes collèges m’ont félicité. »

M. Neely a appris que le détenu était terrifié à l’idée de s’agenouiller car plusieurs membres de sa famille avaient été exécutés alors qu’ils étaient à genoux.

Les nouveaux prisonniers, dit-il, étaient fouillés par le personnel médical. M. Neely dit avoir vu des médecins de l’armée faire des fouilles rectales sans justification.

« Ils mettaient des gants de latex et plantaient leur doigt dans l’anus. Les détenus criaient et pleuraient. Les militaires riaient et faisaient des blagues. C’était courant. »

Les militaires, dit-il, affirmaient leur supériorité en utilisant une force excessive pour maîtriser les prisonniers. Lorsqu’un détenu refusait de manger, par exemple, un soldat muni d’un bouclier entrait dans la cellule et l’attaquait. D’autres soldats frappaient le détenu tour à tour.

« Je suis allé dans une cellule après un tel traitement. Il y avait du sang par terre sur le ciment, beaucoup de sang. C’était effroyable », raconte M. Neely.

Après avoir été battus par le personnel, les détenus se faisaient attacher les mains et les pieds « comme du bétail » et étaient laissés par terre, au soleil, durant des heures.

Ces comportements cessaient dès que des observateurs internationaux dépêchés par la Croix-Rouge visitaient la prison. « Tout le monde devenait sérieux. Les sévices cessaient », a déclaré M. Neely, 28 ans, aujourd’hui policier au Texas.

Plus de 775 détenus sont passés par Guantánamo depuis 2002. Environ 420 ont été relâchés sans accusations. Il reste aujourd’hui environ 270 prisonniers dans le centre de détention.

Le soldat Neely a dit avoir été surpris de constater que les détenus étaient, pour la vaste majorité, des gens d’âge moyen, faibles et blessés. « On nous avait dit que nous aurions affaire aux terroristes les plus dangereux du monde. Je crois qu’il y avait certainement des gens dangereux, mais la plupart étaient des gens malades et faibles. »

Conventions de Genève

Selon M. Neely, les mauvais traitements à Guantánamo avaient été rendus possibles à cause d’une information transmise aux soldats par leurs supérieurs : la prison n’allait pas être soumise aux conventions de Genève, qui garantissent un traitement humain des prisonniers.

Ce n’est qu’après plus d’une année d’opération, a-t-il dit, que les directives pour le traitement des prisonniers sont arrivées. « Avant cela, c’était le chaos. Personne ne savait quoi faire. Les soldats prenaient leur revanche à cause des attentats du 11 septembre. »

L’armée américaine nie que des sévices se sont produits à Guantánamo. L’administration Obama a promis que « faire la lumière » sur ces allégations, mais s’est jusqu’ici montrée vague quant à ses intentions concrètes.

de Nicolas Bérubé


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message