Retour à la guerre froide (article du Monde)

mardi 19 août 2008.
 

Malgré un accord de cessez-le-feu et alors que le président Medvedev a promis dimanche de retirer, à partir de lundi, les troupes russes de Géorgie, la Russie aurait, selon le New York Times, déployé plusieurs rampes de lancement de missiles tactiques SS-21 en Ossétie du Sud, mettant la capitale géorgienne Tbilissi à portée de tirs.

En citant, dimanche 17 août, des responsables américains spécialistes des services de renseignement, ayant requis l’anonymat, le quotidien américain précise que les sites de lancement ont été localisés au nord de Tskhinvali, la capitale de l’Ossétie du Sud. Le quotidien ajoute par ailleurs que des troupes d’élite russes se déploieraient dans la région, ou se prépareraient à le faire.

Pour le New York Times, ces mouvements sont vus par le Pentagone comme une démonstration de force destinée à faire douter certains membres de l’OTAN de l’opportunité d’accepter la Géorgie au sein de l’alliance, et non comme un signe selon lequel la Russie envisagerait d’attaquer Tbilissi.

Des informations qui ne devraient pas apaiser la diplomatie occidentale, qui a haussé le ton ce week-end, accusant Moscou de traîner des pieds. La chancelière Allemande Angela Merkel est allée à Tbilissi apporter son soutien à la Géorgie, promettant qu’elle avait vocation à intégrer l’OTAN. Mme Merkel a une fois de plus appelé au retrait des troupes russes, tout comme, à Washington, la secrétaire d’Etat américaine Condoleezza Rice qui estime de son côté que la réputation de la Russie "est en lambeaux". Et d’exprimer l’espoir que le Kremlin allait "cette fois-ci tenir sa promesse" et retirer ses troupes lundi 18 août.

Un peu plus tôt, le président Medvedev, qui avait signé samedi l’accord de cessez-le-feu prévoyant le retrait des forces russes, avait promis à son homologue français Nicolas Sarkozy de commencer lundi "le retrait du contingent militaire envoyé en renfort aux forces de maintien de la paix russes à la suite de l’agression géorgienne contre l’Ossétie du Sud". M. Sarkozy, qui avait négocié à Moscou et Tbilissi l’accord de cessez-le-feu, a lui aussi mis en garde son interlocuteur contre des "conséquences graves sur les relations de la Russie avec l’Union européenne" si cet accord n’était pas respecté.

Le président français qui a appelé à un retrait "sans délai" des forces russes de Géorgie dans une tribune publiée lundi dans Le Figaro affirme que "ce point n’est pas négociable". "Si cette clause de l’accord de cessez-le-feu n’était pas appliquée rapidement et totalement, je serais amené à convoquer un Conseil européen extraordinaire pour décider des conséquences à en tirer", prévient le président français.

Les ministres des Affaires étrangères des 26 pays de l’Alliance atlantique devaient tenir mardi 19 août une réunion extraordinaire pour discuter du conflit russo-géorgien et de l’attitude à adopter envers la Russie. Les pays de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) devaient eux se retrouver lundi à Vienne pour décider de l’envoi de 100 observateurs supplémentaires en Géorgie, dans le cadre du plan de cessez-le-feu. A l’ONU, les consultations prévues au Conseil de Sécurité sur un projet révisé de résolution sur le statut de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie ne devaient pas avoir lieu dimanche, d’autres négociations étant encore en cours, selon un porte-parole.

De son côté, le président géorgien a profité de la tribune offerte par la présence de Mme Merkel pour rejeter toute présence de forces russes de maintien de la paix. "On ne peut plus parler en Géorgie de forces de la paix russes. Il ne peut y avoir de forces de paix russes", a martelé M. Saakachvili, alors que depuis le début des années 1990 de telles troupes sont stationnées dans les territoires séparatistes d’Ossétie du Sud et d’Abkhazie. Le plan français prévoit que ces "forces de paix" russes restent en Ossétie du Sud.

Dimanche, la police géorgienne était toujours interdite d’entrée à Gori, proche de l’épicentre du conflit, et les forces russes y étaient toujours positionnées, a constaté un journaliste de l’AFP. Le secrétaire du Conseil de sécurité de Géorgie, Alexandre Lomaïa, a même assuré que l’armée russe continuait dimanche de "fortifier" ses positions. Les soldats russes ont en effet établi des postes de contrôle avec des blindés en quatre points sur la route reliant Gori au village d’Igoïeti, une localité distante de 30 km de Tbilissi, ont constaté des journalistes de l’AFP.

Dimanche soir, le président de la république séparatiste géorgienne pro-russe d’Ossétie du Sud, Edouard Kokoïty, a limogé son gouvernement et a proclamé l’état d’urgence dans cette région rebelle. Il a notamment reproché à son gouvernement une distribution lente de l’aide humanitaire parmi les habitants.

En Géorgie, l’aide humanitaire arrivait toujours au compte-gouttes dans la région de Gori. "Nous n’arrivons pas à la livrer. On a besoin d’une indication claire que nos responsables de l’aide pourront se déplacer sans entrave, et les Russes ne nous en donnent pas", a déclaré à l’AFP le coordinateur de l’ONU en Géorgie, Robert Watkins. Selon le Haut commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR), quelque 158 600 personnes ont été déplacées en raison du conflit en Géorgie.


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