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Que peut-on tirer de l’analyse de l’histoire du site Web de Ségolène Royal, que je me suis astreint à fréquenter assidument pendant un an ? Les caractéristiques de ce blog découlent de celles de la sélection très particulière de ses contributeurs :
1) une forte majorité de gens totalement novices en politique, grisés par le mythe d’« être enfin écoutés »
2) du fait de la forte composante affective que Royal a choisi de donner à sa campagne, une forte proportion d’adhésions exclusivement liées à sa personne, prêtes à la suivre inconditionnellement dans toutes ses lignes politiques
3) surtout, l’élimination par des censeurs impitoyables de tout message comportant la moindre critique et susceptible de porter atteinte au culte de la personnalité que ce blog a pour but d’entretenir, ce qui a eu pour effet de le vider progressivement de presque tous les contributeurs aux discours un peu structurés jugés susceptibles de démoraliser des troupes que l’on souhaite bien-pensantes ou non pensantes.
Dans un premier temps, jusqu’à ce que Royal ait dévoilé son « pacte » électoral, le blog a fonctionné par thèmes, puis chacun d’entre eux a été conclu par un « Ce que j’en retiens » de la candidate, sans aucun rapport avec les contributions des internautes, mais entretenant l’illusion, chez les plus naïfs d’entre eux, qu’ils avaient personnellement participé à l’élaboration de son programme.
Dans cette première période, on a vu émerger quelques thèmes qui différencient ce blog politique : une hallucinante idolâtrie, avec poèmes, messages d’amour, états de transe après chacune de ses interventions médiatiques ; la conviction que « Ségolène allait être élue dès le premier tour » ; le thème récurrent que « tous les sondages sont truqués par le MEDEF, puisque Parisot est présidente de l’IFOP » ; une incohérence politique totale de nombreux contributeurs expliquant, tant que Bayrou talonnait Royal dans les sondages, que rien ne le différenciait de la droite dure UMP, puis, entre les deux tours, que rien ne le différenciait vraiment de Royal.
Dans une deuxième phase, ce blog s’est réduit à un tchat, au nombre de contributeurs de plus en plus réduit, sans la moindre organisation susceptible de donner lieu à un débat suivi, et dont la majorité des thèmes peuvent être regroupés en quelques grandes catégories : des conseils stratégiques directement adressés à Ségolène Royal (créer ou non son propre parti, etc.) par des contributeurs persuadés qu’elle lisait leurs messages ; une diabolisation infantile de Sarkozy, présenté comme « incapable », « sans cohérence politique » (mais néanmoins « aux ordres du CAC 40 »), et même « émule de Hitler » ; un manichéisme binaire finalement assez inquiétant par ce qu’il révèle d’intolérance fanatique : tous les politiques qui semblent soutenir Royal sont portés aux nues, mais précipités aux enfers lorsqu’ils émettent le moindre jugement positif sur la personnalité de Sarkozy ou sur un aspect ponctuel de sa politique : c’est le sort qui a été successivement réservé à Julien Dray, Manuel Valls et Elisabeth Guigou ; face à tous les problèmes qui se posent à la gauche, des propositions réduites à des incantations ou à des slogans : « Ségolène résoudra le problème de la mondialisation », « la solution, c’est le gagnant-gagnant », « la solution, c’est une table ronde », etc. Le tout restant sous le contrôle de plus en plus vigilant des censeurs, qui suppriment toute réflexion politique au profit d’une infantilisation dont les effets sont pourtant ravageurs pour l’image de Royal auprès de ceux qui souhaitent se faire une idée de ce qu’est la « démocratie participative ».
Ce forum a ensuite connu une dérive anarchisante, appelant à des grèves et des manifestations pour obtenir la démission d’un président et d’une Assemblée démocratiquement élus. Aujourd’hui, les participants attendent de savoir ce que pense Royal du rapport At-tali pour décider ce qu’ils doivent eux-mêmes en penser...
En conclusion : cette fragilité de soutiens purement affectifs à Ségolène Royal, susceptibles de s’envoler au moindre événement politique, amène à s’interroger sur sa responsabilité dans cet échec, soulignant que sa démarche de « démocratie participative » n’était qu’une opération de marketing politique ; elle illustre les limites politiques, voire les dangers, d’une candidature exclusivement fondée sur l’adhésion affective, le populisme sentimental et le culte de la personnalité.
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