Projet du PS : des avancées sans véritable clarification

jeudi 22 juin 2006.
 

A Gauche décryptait la semaine dernière l’avant projet du PS qui devait être discuté au Bureau national de ce parti. Nous jugions sévèrement son contenu. On y trouvait en effet un alignement sur la mondialisation libérale et toute une série de propositions qui auraient empêché tout rassemblement de la gauche. L’expression de ces critiques au sein même du Bureau national du PS ont conduit à de profonds changements du texte initial. Le document finalement soumis au vote des militants a été lourdement expurgé. Reste une clarification très largement insuffisante sur l’enjeu de l’alternative globale à construire face au libéralisme. Ceci a conduit nos camarades Jean-Luc Mélenchon, François Delapierre et Marianne Louis à s’abstenir sur ce texte final, tout comme Arnaud Montebourg, tandis que tous les autres membres du bureau national votaient oui.

Un texte rendu compatible avec la gauche

La première avancée pour enlever du texte ce qui aurait interdit le nécessaire rassemblement de la gauche a consisté en une réécriture quasi-totale de l’introduction du projet qui analyse le monde dans lequel nous vivons et décrit la stratégie politique des socialistes. L’orientation complaisante et angélique du texte initial sur la mondialisation a fait place à une critique plus explicite du caractère destructeur du capitalisme de notre époque. A également été retirée l’aberrante euphorie autour de l’état des sociétés contemporaines soi disant non disciplinaires et émancipées. Signe de l’avancée de la discussion, les mots peuple et « classes populaires » sont aussi réapparus, ce qui a au moins le mérite de ne pas priver d’emblée le projet de toute référence à une base sociale. L’opposition factice entre la « rupture libérale » et la « modernisation sociale » du « modèle » existant a disparu. Le texte ouvre enfin les yeux sur la menace que constitue « l’extrême droite » et propose « un nouveau modèle de développement solidaire » face au libéralisme. Et ce projet se définit désormais comme « une contribution au rassemblement de la gauche », qui est proclamée « seule stratégie » des socialistes, ce qui a le mérite d’être écrit là où le texte initial comportait un vide inquiétant sur cette question !

Ces inflexions significatives traduisent sans doute la prise en compte par le PS du rapport de force politique et social existant dans le pays après la victoire du Non le 29 mai et le mouvement populaire contre le CPE. Le projet appelle ainsi à « répondre à l’urgence sociale », « après la crise des banlieues à l’automne 2005 et celle du CPE, à l’hiver 2006 », alors que cette inscription dans la continuité des luttes de notre peuple manquait totalement au départ. La ligne blairiste évidente dans l’avant projet est sans doute jugée incapable de s’imposer dans l’état actuel de la société française.

Cette inflexion de l’analyse globale se ressent aussi dans le détail des propositions. Sur la question décisive des retraites, l’idée désastreuse d’une retraite à la carte, revendication de la CFDT et du MEDEF, a été écartée et le principe de la retraite à 60 ans réaffirmé au terme de la discussion. Le rôle de la puissance publique dans la relance salariale sort lui aussi renforcé, en posant notamment l’enjeu du rééquilibrage du partage de la valeur ajoutée entre capital et travail (absent du texte d’origine) ou encore en proposant l’alignement de tous les minima conventionnels sur le SMIC. De nombreux silences du texte initial sur des enjeux sensibles à gauche sont aussi comblés : refus des essais en plein champ des OGM, ouverture sur l’idée de rendre opposable le droit au logement, abrogation des lois Sarkozy sur l’immigration ou nécessité de réformer le FMI et la Banque mondiale.

Une clarification globale repoussée

On ne peut ignorer ces avancées sur toute une série de points que nous avions jugés très problématiques à la lecture de la première version du texte. Restent que les nombreuses corrections permises sur ces points par la discussion ne suffisent pas à dessiner un projet socialiste qui porte une alternative globale à la domination économique et culturelle du capitalisme. Le projet sous estime toujours largement l’état d’urgence politique dans lequel est placé le pays tout comme l’ampleur du bouleversement qu’implique la mondialisation libérale pour la stratégie sociale démocrate classique. La crise de la stratégie sociale-démocrate sur toute la planète n’est pas affrontée et les impasses de Blair ou de Schröder restent des sujets tabous. La ligne blairiste n’est plus revendiquée mais elle n’est pas non plus écartée. La question de l’alternative elle-même n’est toujours pas posée en tant que telle dans le texte qui fait comme si l’alternance suffisait à la gauche.

Parmi les propositions, de nombreux points restent ainsi à clarifier en l’absence d’une véritable stratégie globale de rupture avec le libéralisme dans tous les domaines. Sur le terrain économique et social, rien n’est proposé qui pourrait amoindrir le pouvoir des actionnaires. Sur la fiscalité sur laquelle le projet n’est pas loin du statu quo, en refusant de s’attaquer à l’injustice de la TVA et à la taxation des superprofits. Le rôle de la propriété publique est un autre trou noir du texte. Les fondements économiques du nouvel âge du capitalisme, marchandisation, retrait de la puissance publique, dictature des actionnaires, ne sont pas affrontés alors qu’ils constituent des obstacles concrets à toute politique de gauche. Sur le plan institutionnel, même si elle opte plus clairement pour un régime parlementaire, la réforme proposée reste au stade de catalogue sans poser clairement l’enjeu d’une refondation républicaine du pays. Le texte passe ainsi à côté de l’enjeu d’une large implication populaire dans un processus constituant où le pays redéfinirait ses principes fondateurs et ses règles de gouvernement. Du coup, la question d’une méthode de gouvernement permettant la participation de citoyens motivés n’est pas posée.

Si le PS a renoncé à ce stade à afficher un alignement blairiste, des questions politiques majeures restent devant lui. La clarification entre stratégie d’accompagnement et stratégie de rupture sur l’ensemble des questions que soulèvera la campagne présidentielle est reportée à court terme à l’étape de désignation du candidat socialiste. De quoi en faire un véritable enjeu politique là où certains préfèreraient un simple affrontement de personnes sous les auspices des médias et des sondages.


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