Japon : La droite conservatrice perd sa majorité au Parlement

vendredi 8 novembre 2024.
 

Ils perdent une majorité absolue vieille de quinze ans. Les conservateurs du Parti libéral-démocrate (PLD, droite) viennent de subir une sévère défaite lors des élections législatives anticipées qui se déroulaient ce dimanche 27 octobre. Le parti du nouveau premier ministre Shigeru Ishiba obtient 191 sièges à la Chambre des représentants, la chambre basse de la Diète japonaise. C’est beaucoup moins que les 258 sièges de 2021, et surtout moins que les 233 nécessaires à la majorité absolue, dans un hémicycle de 465 sièges. « Nous avons reçu un jugement sévère », a-t-il avoué à la télévision japonaise, la mine déconfite.

Principal parti d’opposition, le Parti démocrate constitutionnel (PDC, centre) est le grand gagnant du scrutin, glanant quelque 150 représentants, contre 99 en 2021. Le Komeito, allié principal du PLD, en obtient 24, et le Parti communiste japonais (PCJ) n’obtient que 8 élus, après en avoir eu 10 en 2021.

Désaveu pour Shigeru Ishiba

Les Japonais ont donc mis fin au règne quasiment sans partage des faucons conservateurs depuis 1945. C’est un sérieux désaveu pour Shigeru Ishiba, élu lors d’un vote interne au PLD en septembre dernier. Il avait dissous dans la foulée la Chambre des représentants et convoqué ces législatives anticipées pour tenter de surfer sur la vague.

Pari perdu pour les conservateurs, privés de leur domination pour la première fois depuis 2009, et qui ne tiendront désormais leur majorité absolue qu’avec l’alliance des droites et du centre. « Le Parti libéral-démocrate a changé de président, mais rien ne change au sein du PLD », prévenait la présidente du Parti communiste, Tomoro Tamuka, durant la campagne. De nombreuses circonscriptions, dont certaines étaient considérées comme des fiefs de la droite, ont ainsi sanctionné la formation au pouvoir.

Plusieurs facteurs expliquent que le PLD n’ait pu retrouver la confiance des Japonais. Cette dernière a d’abord été perdue après les scandales des dons de campagne perçus illégalement par le parti. Cette fraude électorale avait poussé de nombreux ministres à la démission, et le chef du gouvernement d’alors, Fumio Kishida, à renoncer à se représenter. Le parti conservateur est également déchiré par la lutte entre ses « factions », les différents courants qui l’animent.

Les Japonais ouvrent les yeux

Lors de l’élection interne de septembre, le libéral Shigeru Ishiba ne l’a emporté que d’une courte tête devant Sanae Takaichi, partisane d’une ligne réactionnaire, nationaliste et révisionniste quant aux crimes de guerre de l’empire japonais. Et pour séduire sa frange extrême, Ishiba n’a pas hésité, le 17 octobre dernier, à faire des offrandes au sanctuaire de Yasukuni, où reposent criminels de guerre, officiers de la Kenpeitai – la « Gestapo japonaise » – et autres auteurs d’expériences et de sévices sur des êtres humains.

À l’échelle du pays, la mauvaise santé économique et l’inflation provoquées par un libéralisme toujours plus poussé des dirigeants ont ouvert les yeux du peuple japonais. La jeunesse de l’archipel, notamment, manque cruellement de perspectives, et commence à remettre en cause une société basée essentiellement sur le travail.

Le capitalisme effréné du Japon a amené à la plus la plus grande menace à laquelle il doit faire face, et qui est identifiée depuis les années 1990 : la baisse de la natalité. Le pays a l’un des taux les plus bas au monde, avec 1,2 enfant par femme, et moins d’un dans la capitale, Tokyo. Chaque année, l’archipel bat son record du plus bas nombre de naissances, et est depuis quelques années en phase de dépopulation.

Une militarisation à outrance

Enfin, la militarisation effrénée du Japon, au mépris de sa Constitution pacifique héritée de la Seconde guerre mondiale, effraie la population, qui craint d’être entraînée dans un conflit régional entre les puissances impérialistes états-unienne et chinoise. Shigeru Ishiba a en outre laissé entendre que le Japon pourrait se lancer dans la construction de l’arme nucléaire. « Il est inacceptable que le premier ministre du seul pays ayant reçu la bombe atomique prône l’armement nucléaire », s’est interloquée Tomoko Tamura.

C’est d’ailleurs sur l’opposition à cette militarisation qu’une alliance entre le PDC et le PCJ aurait pu voir le jour. Un temps avancé par les deux partis, elle a finalement battu de l’aile, une dizaine de circonscriptions mises à part, à la suite de nombreuses invectives entre des candidats centristes et communistes que presque tout oppose. Désormais, les négociations pour former un gouvernement de coalition vont avoir lieu entre la coalition PLD-Komeito et le PDC, car ce dernier « n’élimine aucune possibilité », de l’aveu de son secrétaire général Junya Ogawa.


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message