Le Parlement japonais refuse de participer à la "guerre globale" américaine et stoppe tout soutien logistique

jeudi 22 novembre 2007.
Source : Respublica
 

Le mois de novembre est riche en nouveauté stratégique pour les relations entre les Etats-Unis et le Japon, respectivement première et deuxième puissance économique de la planète. En effet au début du mois, le premier ministre, Yasuo Fukuda, a été désavoué par le sénat qui a refusé par un vote majoritaire de prolonger la mission de soutien logistique pour le ravitaillement de la marine US dans le cadre de la guerre en Afghanistan et de celle contre « le terrorisme ». Le Japon étant une démocratie parlementaire dotée d’assemblées aux pouvoirs importants, le premier ministre Fukuda a bien été obligé d’ordonner au ravitailleur Tokida et au contre torpilleur Kirisame de rentrer au pays.

Cette opposition à la participation japonaise à la « guerre globale » a été le fait du parti démocrate japonais, vainqueur en juillet dernier des élections sénatoriales. Son leader, Ichiro Ozawa, a proclamé le refus définitif du Japon de « participer aux guerres américaines ». Cette déclaration tonitruante a provoqué un véritable tsunami dans les relations entre les deux pays. Le premier ministre japonais a subi immédiatement un formidable pressing de la part de l’administration Bush. Cette dernière voit dans cette décision, dont la portée est surtout symbolique, une preuve de la perte d’influence de l’Amérique en Asie. L’exécutif nippon a fait voter cette semaine à la chambre basse, où le parti du premier ministre est largement majoritaire, une nouvelle loi de prolongation de l’engagement japonais. Mais le même veto risque d’être prononcé au sénat. La dernière chance pour Fukuda de rester en bons termes avec Bush, qui a dépêché en urgence à Tokyo le secrétaire à la défense Robert Gates, serait de faire passer le projet de loi en seconde lecture à la chambre des députés, avec une majorité qualifiée des deux tiers.

Au delà de l’événement en lui-même, se pose le problème pour l’administration US de la prise de distance du Japon, mais surtout celui d’une alliance stratégique autonome entre le pays du soleil levant, la Chine et l’Inde. Ce triangle a émergé progressivement à partir de la terrible crise asiatique de 1997. Depuis ce cataclysme financier, qui a plongé certains peuples de la zone dans une misère réelle, des mécanismes de régulation indépendants de la sphère financière anglo-saxonne se sont mis en place. De plus, des accords bilatéraux et trilatéraux ont été signés entre ces trois pays. L’introduction de ces nouveaux mécanismes ont conduit à sortir l’Asie d’une soumission politique et diplomatique aux Etats-Unis qui était le cas depuis la fin de la seconde guerre mondiale. La traduction de cette nouvelle situation stratégique est révélée par la résolution, certes provisoire, de la crise coréenne sans intervention- ou perturbation- de l’Oncle Sam. L’accord de dénucléarisation de la Corée du Nord a été obtenu par une collaboration diplomatique sino-japonaise, sans l’aval des USA qui se sont retrouvés devant le fait accompli de la pacification de ce dossier sensible. La guerre déstabilisatrice en Asie n’est donc plus à l’ordre du jour. Le triangle Chine-Inde-Japon a montré sa capacité d’être maître chez lui et de devenir imperméable aux influences perturbatrice extérieures, tant financières que militaires. Aussi, les échanges économiques sont en passe de connaître un développement exponentiel. Par exemple, cet été, l’Inde et le Japon ont signé un mémorandum pour multiplier par quatre les échanges entre les deux pays en cinq ans.

La volonté de lier l’indépendance politique à l’autonomie économique par rapport aux Etats-Unis semble être une recette gagnante pour l’Asie. L’Europe qui a fait le choix exactement inverse devrait méditer sur son modèle atlantiste. Mais ne comptons pas sur notre Omniprésident pour défendre un autre modèle que celui imposé par Bush, son ami intime.

Philippe Hervé


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