Ministres Barnier : Vautrin, Genetet, Pannier-Runacher, Migaud

lundi 14 octobre 2024.
 

Le 11 juillet 2024, des dizaines d’agents du Ministère du Travail envahissent les locaux de leur direction. L’objectif ? Contester les choix budgétaires pris par le ministère et réduisant à peau de chagrin les unités de contrôles alors que le pays compte 1 inspecteur du travail pour 13 200 citoyens. En juillet, Catherine Vautrin était alors à la tête du ministère. Son dernier acte ? Avoir complètement ignoré les revendications de ses propres agents. Rien de rassurant pour les fonctionnaires de son nouveau portefeuille, le « Partenariat avec les territoires »

Les 60 milliards d’euros de saignées dans les services publics ordonné par l’usurpateur Michel Barnier inquiètent au plus haut point les agents, et pas seulement ceux du ministère du travail mais bien de tous. Dans un article précédent, nous avons vu quelques-uns des spécimens les plus douteux et les plus inquiétants que Macron a mis aux commandes de la République. Pour cette troisième série d’articles consacrés au Gouvernement Barnier, l’Insoumission vous livre un tour d’horizon de quatre nouveaux ministres. Notre article.

Catherine Vautrin, ministre de tout contre tous

Quel est le bilan de l’ancienne ministre du Travail, Catherine Vautrin ? Quelles actions ont été entreprises de janvier 2024, date de son arrivée, à septembre, date de son départ ? Rien. Aucune action, aucun plan notable, rien qui puisse être attribuée à la ministre, simplement la continuité de la politique de démantèlement des corps de contrôles. Ainsi le 11 juillet 2024 des dizaines d’agents du Ministère du Travail ont envahi les locaux de leur direction pour dire leur désespoir face aux unités de contrôles réduites à peau de chagrin, face à la précarité de contractuels rêvant d’occuper des postes stables et face au manque de considération de leur hiérarchie.

C’est que les 60 milliards d’euros d’économie dans les dépenses publiques décidées par ordre présidentiel, Catherine Vautrin n’hésitera pas à en faire supporter une bonne part aux agents de son ministère. Elle ignorera cependant complètement les contestataires, se satisfaisant visiblement qu’il y ait 1 inspecteur du travail pour 13 200 salariés dans notre pays.

Puis la préfecture de police, préposée traditionnelle aux basses besognes, interdira les rassemblements ultérieurs, notamment celui du 18 juillet. Finalement, là comme ailleurs, une source du Monde avait raison de dire que les ministres « sont devenus, avec Macron, des attachés de presse de décisions prises à l’Élysée ». Dans le cas de Vautrin toutefois, l’attachée de presse était dévouée, appliquée à ne surtout rien entendre.

Au Ministère de la Santé, au moins, aura-t-elle pu s’occuper de la loi fin de vie, qui revêt, c’est vrai, un caractère transpartisan et répond à des enjeux allant au-delà des clivages politiques. On aimerait donc croire qu’elle a quelques bonnes dispositions humaines quand on ne parle pas de travail ou de lutte sociale. Mais on ferait, hélas, complètement erreur. Violemment opposée à l’ouverture du mariage aux couples de même sexe, Catherine Vautrin fut une participante assidue de La Manif pour tous et demeure partisane de l’interdiction d’adopter pour les homosexuels.

Pire, en 2017 elle a signé un recours au Conseil constitutionnel dirigé contre la loi relative à l’extension du délit d’entrave à l’interruption volontaire de grossesse. Est-ce tout ? Non, point encore, car il y a aussi le racisme. Pendant les révoltes urbaines consécutives au meurtre du jeune Nahel, elle a analysé la situation des quartiers ainsi « les gens ne viennent pas parce qu’ils en ont marre que leur voiture soit cassée, que leur boîte aux lettres soit arrachée et de ne pas pouvoir acheter une tranche de jambon ».

Elle est désormais ministre du « Partenariat avec les territoires ». Ceux-ci n’ont qu’à bien se tenir ! On ne peut qu’espérer qu’ils n’aient surtout pas besoin de moyen financier, et que des agents publics homosexuels ou musulmans n’aient pas l’idée saugrenue de parler de discriminations à la ministre…

Pour aller plus loin : Le gouvernement Barnier, une bourgeoisie affairiste et ultra-réactionnaire s’empare des ministères

Anne Genetet ou l’éducation par la souffrance

Mais tout n’est cependant pas si noir. Les couples homoparentaux placés sous l’autorité de madame Vautrin pourront, tant qu’ils ont encore le droit d’avoir des enfants, les faire garder et demander pour cela conseil à une experte en la matière, l’entrepreneuse Anne Genetet. Il s’agit là d’un personnage comme seule la Macronie est capable d’en produire.

Anne Genetet est désormais ministre de l’éducation, et n’a, de toute sa carrière, eu ni de près ni de loin le moindre lien avec ce domaine. Jamais enseignante ou élue en charge de ces questions, elle méconnaît tant le sujet qu’elle affirmait, dès après sa nomination, qu’il faisait partie du « domaine réservé » du Président de la République, affirmation parfaitement farfelue. Mais, surtout, on est en droit de penser que Michel Barnier s’est trompé et qu’il voulait la nommer ministre du dressage plutôt que ministre de l’Éducation.

Parce que là madame Genetet s’y connaît ! Particulièrement pour ce qui concerne les domestiques étrangers et pauvres. Riche expatriée à Singapour, elle y avait fondé une entreprise appelée « Help Agency », qui se définissait comme « société de conseil en recrutement et gestion d’employés de maison ». Entreprise dont le site a été supprimé en urgence tandis que le ministère changeait de main. Et pour cause…

Sans commentaires, voici les conseils qu’elle donnait dans ses conférences aux clients de Help Agency. Donner des congés, d’abord, au personnel domestique ? « Ni obligatoire, ni recommandé ». Le profil des domestiques à sélectionner ? Surtout, ne pas embaucher « une domestique qui a déjà travaillé pour des occidentaux, elle risquerait de se montrer plus exigeante ».

Il faut au contraire préférer les ex-servantes de familles chinoises, « plus flexibles ». Tout de même, attention aux domestiques philippins : « « l’employée (..) peut être difficile à gérer, refusant parfois de se soumettre à vos exigences ». Bon, bon. Quant à l’expression souhaitable des domestiques ? « le Yes M’am n’est rien de plus qu’un refrain qui exprime la soumission et le respect ». Et pour finir, ce conseil plus général : « évitez émotion et compassion ».

Alors éviter toute émotion s’agissant des maîtres vis-à-vis de leurs domestiques oui, mais madame Genetet, dans l’une de ses rarissimes expressions concernant l’éducation nationale, a trouvé, tout de même que certaines sont positives. Notamment la souffrance. Oui, oui. A propos du SNU, ainsi, la voilà qui affirme devant la Commission de la défense de l’Assemblée nationale, le 14 mai, « qu’il s’agit de mettre en œuvre la souffrance, la discipline et les rites ; cela pourrait inspirer notre jeunesse ». Faut-il vraiment rajouter quelque chose sur madame Genetet quand elle-même en dit autant ?

Agnès Pannier-Runacher et les intérêts pétroliers, une histoire de famille

Pour d’autres, le problème tient moins à ce qui est dit qu’à ce qui est caché, comme c’est le cas d’Agnès Pannier-Runacher, nouvelle ministre de l’écologie, quoiqu’il s’agisse d’un ministère construit sans grandes ambitions. Pour comprendre, faisons un bref virage technique pour parler périmètres ministériaux. L’un des signes de l’orientation que l’on entend donner à un gouvernement, c’est la taille et le poids des ministères, et notamment combien de ministres délégués un ministre a sous son autorité.

Eh bien le ministère de la planification écologique s’est à peu près vu dépouiller de tout ce qui permet de planifier la bifurcation écologique. Les transports la mer, la pêche ? Ministères délégués sous l’autorité de Catherine Vautrin, au partenariat avec les territoires. Les forêts ? Au ministère de l’agriculture. La biodiversité ? Disparue.

Mais revenons à la ministre elle-même. Chez elle on aimera le sens des affaires, qu’elle partage avec son collègue Ferracci, et qu’a mis en lumière une enquête de Disclose. En effet, le père de notre nouvelle ministre, Jean-Michel Runacher, qui se trouve être l’un des dirigeants historiques du groupe Perenco, l’un des premiers producteurs mondiaux de pétrole brut. Il se trouve que ledit papa a fondé la société civile Arjunem en 2016 qui se trouve au cœur d’un micmac des plus obscurs… Son capital venait en effet de trois fonds spéculatifs où Perenco avait des actifs considérables, tous situés dans des paradis fiscaux.

D’une manière qu’on voudra bien qualifier de truculente, la nouvelle ministre a pu ne rien déclarer de tout cela à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). Comment ? C’est que ce sont ses enfants qui possèdent des parts de la société, et pas elle ! Précisons tout de même que c’est elle qui a signé pour eux les documents avalisant leur entrée dans l’actionnariat de l’entreprise. Et pour cause, lesdits enfants avaient respectivement ,13, 10 et 5 ans en 2016.

Or, les biens des enfants mineurs n’ont pas à être communiqués à l’HATVP ! Devant tant d’ingéniosité on regrettera qu’elle ne soit pas ministre chargée de la lutte contre l’évasion des capitaux, puisqu’elle semble experte quand il s’agit de les dissimuler. Mais on se consolera en se disant qu’il n’y a vraiment absolument aucun risque que le chevauchements des intérêts financiers des pétroliers et ceux de la famille Runacher puisse influencer son action au ministère de l’écologie… N’est-ce pas ?

Didier Migaud, la caution dite « de gauche »

On pourrait poser la question à Didier Migaud, l’homme qui connaît bien le système de l’HATVP. Le 29 mai 2024 il déplorait le manque de moyens alloués à haute autorité. Mais il allait plus loin, et fustigeait « une certaine passivité du gouvernement » sur les questions de transparence et de lutte contre les atteintes à la probité. « On le voit à travers le retard dans l’adoption du plan national de lutte contre la corruption ou le refus manifeste du gouvernement d’inscrire à l’ordre du jour du Parlement certaines propositions de loi pour réguler les interventions des représentants d’intérêts, accroître la traçabilité des actions de lobbying et empêcher les contournements du dispositif », disait-il.

Didier Migaud, qui est désormais ministre de la justice ! Qu’en penser ? Qu’il se pense capable de bouleverser les pratiques gouvernementales sur la lutte contre la corruption ? Que la passivité qu’il montrait du doigt avec justesse ne le dérangeait pas tant que ça en réalité ? Que l’attrait du poste était supérieur aux problématiques d’intégrité ? Une chose est certaine, cet expert en fiscalité ayant présidé la Cour des comptes n’a, a priori, aucune compétence particulière pour être notre nouveau Garde des Sceaux. Sinon celle d’être une caution dite « de gauche » comme le présente les médias.

Caution d’autant moins solide que rien dans son parcours ne l’a jamais convaincu de défendre la justice sociale, de prendre la rue pour le féminisme ou l’écologie. Plus, c’est un homme qui a toujours fait partie fait partie de l’aile droite du PS, la même qu’Hollande, la même qui a aidé à faire naître Macron. Et qu’il suffise de ne pas tenir des propos violemment racistes, homophobes, de ne pas avoir quinze conflits d’intérêts dans la besace et de simplement avoir été un haut fonctionnaire encarté au PS pour être présenté comme une grande conscience de la gauche par les médias, voilà qui en dit long sur l’époque…

Mais la place manque, encore, pour sonder les cœurs et écrire sur les ministres qui, parait-il, sont équipés de tels organes, et encore plus pour digresser sur l’histoire politique. Une observation tout de même, pour conclure cette deuxième partie : nos concitoyens atteints de handicap sont les mieux lotis de ce mercato ministériel. Eux peuvent s’épargner des questions délicates et compliquées sur la qualité de nos gouvernants, puisqu’on a tout simplement supprimé leur ministère.

Les Jeux Paralympiques n’ayant pas du tout permis de rendre visible la question du handicap, le grand chantier de l’accessibilité s’étant résolu aussi silencieusement que mystérieusement, le président et Michel Barnier ont dû juger que 12 millions de personnes n’avaient plus besoin de représentation au gouvernement… Pris sous le feu des critiques, le gouvernement Barnier s’est finalement élargi avec un ministère délégué au Handicap.

Par Nathan Bothereau


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