RN. 48 heures à peine après le cinglant revers que lui a infligé le Nouveau Front populaire, le Rassemblement national vacille déjà. Gilles Pennelle, directeur général du RN, proche de Bardella et responsable de son « Plan Matignon », a remis sa démission. En parallèle, plusieurs cadres nationaux du parti d’extrême droite ont attaqué l’ex-futur Premier ministre, dont l’autorité vacille. Notre article.

Rude gueule de bois pour Bardella

Le 7 juillet dernier, à 20 heures, les milliers de militants et citoyens massés sur la Place Stalingrad à Paris explosent de joie et de soulagement à l’annonce des résultats du second tour des élections législatives anticipées. Loin de tout ce que prédisaient les instituts de sondage, le Nouveau Front populaire remporte une majorité de sièges. Le RN est largement battu.

Dans le QG cossu du parti d’extrême droite, les sympathisants en costard sont effondrés. Bardella vient prononcer un discours devant une salle silencieuse. « On commet toujours des erreurs, j’en ai commises. (…) J’assume ma part de responsabilité tant dans la victoire aux élections européennes que dans la défaite d’hier » déclare-t-il.

Dès le lendemain matin, celui qui s’imaginait déjà Premier ministre se réveille avec une sévère gueule de bois et quelques couteaux plantés dans le dos. Louis Aliot, son ancien rival pour la présidence du parti, attaque déjà son bilan calamiteux dans la matinale de RTL : « On peut gagner, je l’ai fait à Perpignan, mais cela demande des efforts de notre part. On ne fera pas l’économie d’un examen de conscience. »

Dans la foulée, un autre de ses ennemis interne, le député du Pas-de-Calais Bruno Bilde, contacté par Le Monde, renchérit « On ne peut plus continuer comme ça. On a besoin de rassurer. Or, nous avons eu des profils extrêmement clivants, parfois même inquiétants. Il va falloir que la direction se penche tout de suite sur ce problème qui a parasité l’intégralité de la campagne, et surtout l’entre-deux-tours. »

Marine Le Pen elle-même achève de pourrir la matinée de l’ex-futur-Premier ministre par un tweet assassin, dans lequel elle l’invite à « faire aussi le bilan de ce qui peut être, incontestablement, amélioré dans l’avenir ».

RN : Brebis galeuses ou troupeau nazi ?

La défaite du RN n’est pas le fruit du hasard. Elle est due d’abord et avant tout à la superbe campagne du Nouveau Front populaire, dont le programme de rupture a suscité un grand espoir dans le pays, et à la mobilisation exceptionnelle de la France insoumise sur le terrain, qui a permis d’arracher des circonscriptions considérées comme ingagnables. De plus, la pression mise dès le soir du premier tour par Jean-Luc Mélenchon sur les macronsites pour qu’ils se désistent lorsque des candidats RN sont en passe de l’emporter, a permis de contrer l’avancée de l’extrême droite.

Mais le RN s’est aussi sabordé lui-même. La campagne a été marquée par une succession d’épisodes montrant le vrai visage du RN. De nombreux médias, comme StreetPress ou Mediapart, ont révélé qu’une quarantaine de leurs candidats étaient ouvertement racistes, antisémites, homophobes ou proches de néonazis. Certains ont été démasqué par leurs rivaux, comme cette candidate épinglée par l’euro-députée Emma Fourreau pour avoir posé avec une casquette de la Wehrmacht sur une photo posée sur son propre réseau.

Comme en 2022, une bonne partie de leurs candidats se sont ridiculisés lors des débats organisés par les médias régionaux, en ne sachant pas répondre à des questions pourtant simples. Dès qu’ils sont interrogés sur autre chose que l’immigration, les racistes bégayent. Plusieurs de leurs députés sortants se sont également illustré par des déclarations profondément racistes, comme Roger Chudeau qui a accusé Najat Vallaud-Belkacem d’avoir « détruit le collège public et surtout voulu instituer au CP des cours d’arabe » car « franco-marocaine ».

Un échec personnel pour Jordan Bardella

Or, en succédant à Marine Le Pen comme Président du RN en 2022, Jordan Bardella avait fait 4 promesses : ouvrir le mouvement à un nouvel électorat, la droite et les zemmouristes ; « occuper le terrain des idées » ; former « une élite nouvelle », ses militants, et renouveler les cadres ; et mieux préparer les élections à venir, notamment d’éventuelles législatives anticipées.

En dehors du premier, réussi grâce à la lente dérive de la droite traditionnelle vers l’extrême droite, ces objectifs ne sont pas atteints. « L’école des cadres » mise en place par le RN, le Campus Héméra, s’est révélée fantomatique. Un seul séminaire de formation idéologique a été organisé et les formations en ligne proposaient des interventions creuses et ridicules, comme des vidéos de Tatiana Ventôse. La production idéologique du Rassemblement national s’est révélée totalement inexistante.

Enfin, la préparation des élections a, elle aussi, été un échec magistral. Outre son incapacité à masquer le racisme et l’antisémitisme profondément ancré dans son parti, Jordan Bardella s’est illustré par ses multiples retournements de veste, renonçant notamment à sortir du marché européen de l’électricité, à la sortie de l’OTAN, à la baisse de la TVA sur les produits de nécessité, et surtout, en avouant devant des millions de Français en direct que sa réforme des retraites ferait en réalité travailler les gens jusqu’à 66 ans.

Gilles Pennelle, directeur général du Rassemblement national, responsable des élections, et surtout du fameux « Plan Matignon », prêt à être déclenché à tout moment en cas de dissolution, a présenté sa démission. Un échec total pour ce proche de Bardella. Le Monde révèle également que le bureau exécutif du RN a entériné la décision de sanctionner les « fautifs » de leur échec aux législatives. De cela, vous n’en entendrez jamais parler sur CNews.

Comme Reconquête, le parti d’Eric Zemmour, qui sombre pitoyablement, le RN finira par s’effondrer sous les coups de la gauche de rupture. Comme l’expliquait le nouveau député Pierre-Yves Cadalen à l’Assemblée nationale ce matin, « C’est en répondant aux besoins des gens qu’on fera reculer l’extrême droite. »