Cette société empoisonnée que nous promet le Rassemblement national

mercredi 17 juillet 2024.
 

Dans cette campagne éclair, les urgences écologiques ont disparu des radars. La dégradation des écosystèmes comme de notre santé et l’alignement sur les intérêts de l’agro-industrie sont pourtant au cœur du projet de l’extrême droite. Au détriment des plus précaires.

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La déclaration était on ne peut plus claire. Le jour même de la décision de réautoriser, pour dix ans, le glyphosate au niveau européen, le monsieur « agriculture » du Rassemblement national (RN), Grégoire de Fournas, écrivait sur le réseau social X : « Sans le #glyphosate, une grande partie de notre agriculture serait par terre. Satisfaction de voir son autorisation reconduite. Je demande au Gouvernement de ne pas restreindre son utilisation ce qui aggraverait les distorsions de concurrence. »

C’était le 16 novembre 2023, et cette défense de l’herbicide de Bayer (ex-Monsanto) par le député de Gironde n’était pas une première. Bien avant la campagne législative du moment, le viticulteur écrivait déjà, en 2021 : « Ce n’est pas le Glyphosate qui nous empoisonne mais le Glyphosocialisme ! » « La réduction drastique du glyphosate est encore une mesure idéologique !, lit-on dans un autre de ses posts. Alors que la viticulture est en pleine crise, comment va-t-elle faire pour assumer l’explosion du coût de production ? »

La viticulture conventionnelle est l’une des cultures les plus consommatrices de produits chimiques. N’en déplaise à M. de Fournas, producteurs et productrices sont cependant de plus en plus nombreux à se passer de pesticides et de fertilisants chimiques – 21 % des vignes sont aujourd’hui cultivées en bio. Moins dépendants de l’achat de produits fabriqués par les firmes de l’agrochimie, créateurs de valeur ajoutée sur leurs propres produits, ces viticulteurs et viticultrices font moins de dégâts autour d’eux.

Marine Le Pen devant un champs de canne à sucre en feu au Sénégal en janvier 2023. © Photo Sébastien Leban / Divergence

L’an dernier, une étude de l’Inserm montrait précisément que le risque de développer une leucémie aiguë pour un enfant s’accroissait à mesure que la distance entre son domicile et les vignes se réduisait. Une étude sociologique en cours à l’université de Bordeaux semble en outre indiquer que les personnes qui ont passé leur vignoble en bio sont par ailleurs plus épanouies et retrouvent du sens à leur travail.

Une population plus heureuse et en meilleure santé : voilà précisément ce dont ne veut pas le RN, alors que la disparition des urgences écologiques des radars médiatiques pendant cette campagne éclair permet de mettre en sourdine ses positions. Or ses élu·es ont systématiquement voté, à l’Assemblée nationale comme au Parlement européen, pour la poursuite d’une agriculture shootée aux pesticides, contre la préservation des espaces naturels, contre la diminution de la pollution de l’air, contre la réduction des déchets plastiques et substances polluantes.

Les avancées toxiques du RN Ce parti qui se présente comme le porte-parole de la ruralité et prétend défendre le monde agricole n’a jamais eu un mot pour les victimes de pesticides du secteur : les agricultrices et agriculteurs eux-mêmes, mais aussi tous les précaires de l’agriculture, dans l’Hexagone comme en Guadeloupe et en Martinique, où la chlordécone a fait des ravages. Pour les saisonnières et saisonniers, la reconnaissance de la maladie professionnelle est souvent plus difficile à obtenir et la responsabilité de l’employeur rarement établie.

Pire, le RN a tenté de revenir en arrière sur les maigres avancées en ce domaine. L’an dernier, il déposait une proposition de loi pour réautoriser les néonicotinoïdes, ces insecticides tueurs d’abeilles, quatre mois à peine après la décision de la Cour de justice européenne qui venait confirmer l’interdiction de ces produits toxiques à la lourde responsabilité dans la chute de la biodiversité.

En avril, les 22 députés RN présents dans l’hémicycle s’abstenaient sur la proposition de loi des Écologistes qui visait à protéger la population des risques liés aux « polluants éternels » (PFAS) et faisait pourtant l’unanimité de gauche à droite. L’année dernière, le groupe RN votait pour l’assouplissement de la loi zéro artificialisation, (ZAN) destinée à protéger les espaces naturels et les terres agricoles de toute construction.

Et avant cela, il avait fait une proposition de loi – finalement rejetée – pour supprimer les zones à faibles émissions (ZFE) où doivent être mises en place des mesures pour réduire la pollution de l’air. Santé publique France chiffre à 40 000 le nombre de décès par an liés à l’exposition chronique aux particules fines…

La liste est longue des avancées toxiques du RN. Elles se font aussi loin du grand public, à Strasbourg, là où tant de règlementations européennes se préparent pour précisément mieux protéger notre santé et nos écosystèmes.

Ainsi, en novembre dernier, à l’unisson avec les extrêmes droites européennes, la délégation RN a voté contre l’interdiction des emballages plastiques pour les fruits et légumes frais. Elle a également tout fait, à l’unisson avec ce que préconisaient les lobbies de l’agro-industrie, pour tuer dans l’œuf une réglementation destinée à réduire de moitié l’usage des pesticides sur le continent d’ici à 2030, et votait unanimement contre.

Coup réussi : le texte est tombé. Mais non content d’avoir obtenu que le secteur agricole puisse continuer à arroser les champs de produits chimiques sans être inquiété, le parti de Marine Le Pen n’a cessé ensuite de fustiger le Pacte vert, cette promesse de réformes environnementales qui a guidé la Commission européenne tout au long de son dernier mandat – et dont aucune mesure, in fine, ne s’attaque au mode de production agricole.

Les vannes étaient lâchées : l’écolo-bashing, le déni de réalité, le doute jeté sur la science ont ajouté de l’eau au moulin de la colère agricole… et le système médiatique et les réseaux sociaux aux mains des intérêts les plus rétrogrades n’ont fait qu’amplifier ces voix rétives au changement en faveur d’une planète plus habitable.

Cette autoroute vers le désastre est celle de l’extrême droite.

Supprimer le Pacte vert comme le veut le RN ne fera qu’affaiblir encore davantage l’agriculture paysanne, plus saine et plus respectueuse des écosystèmes. C’est précisément l’objectif de l’extrême droite. Dans un débat organisé par la FNSEA dix jours avant les européennes, le candidat RN Gilles Pennelle – il a été élu depuis – l’a dit très clairement : il faut « évidemment » arrêter les subventions européennes aux pratiques agro-environnementales et défendre celles qui sont fléchées vers « l’agrandissement des exploitations et les technologies ».

Celles et ceux qui sont dans le bio apprécieront. Mais ce serait une erreur de croire qu’un tel agenda ne concerne que le secteur agricole. C’est l’ensemble de la population qui fera les frais d’une telle politique écocidaire, de la part d’un parti qui désormais ne veut même pas débattre de ces sujets – comme l’a montré le refus, cette semaine, de Jordan Bardella de participer à un débat aux côtés de la secrétaire nationale des Écologistes Marine Tondelier.

Perturbateurs endocriniens, cancer de la prostate, leucémie, maladie de Parkinson, maladies respiratoires… : les médecins alertent depuis longtemps sur les facteurs environnementaux dans la dégradation de notre santé. Voulons-nous d’une société empoisonnée ou rendre notre monde plus désirable ?

« Deux routes s’offrent à nous, mais elles ne sont pas également belles […], écrivait déjà, il y a plus de soixante ans, la grande biologiste états-unienne Rachel Carson dans Printemps silencieux. Celle qui prolonge la voie que nous avons déjà trop longtemps suivie est facile, trompeusement aisée ; c’est une autoroute, où toutes les vitesses sont permises, mais qui mène droit au désastre. L’autre, “le chemin moins battu”, nous offre notre dernière, notre unique chance d’atteindre une destination qui garantit la préservation de notre terre. »

Cette autoroute vers le désastre est celle de l’extrême droite. À l’opposé d’un monde où l’on pourrait être moins sujet aux maladies, avoir davantage accès à des espaces ressourçants, et transformer les zones polluées auxquelles sont d’abord exposées les populations les plus défavorisées.

Le RN n’est pas seulement un parti raciste, il est un parti toxique pour notre santé et tout ce qui vit avec nous, autour de nous.

Amélie Poinssot


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