Ce 9 juin 2024, je prends mon bulletin de vote pour accomplir mon devoir. À 20 heures je suis devant ma télévision, comme des millions de français.es, pour voir le résultat des élections. L’extrême droite est devant, largement. Pas de surprise. Un seul constat d’échec, une crainte pour les prochaines : jusqu’où monteront-iels ? Nous avons trois ans pour renverser la vapeur et préparer les prochaines élections.

21 heures, le Président va parler. Il constate un échec collectif des partis non extrême droite, sans reconnaître qu’il l’a engendré. Un blabla que je n’écoute que d’une oreille, occupée à parler des résultats avec des ami.es. Puis son changement de ton m’interpelle. "C’est pourquoi, après avoir procédé aux consultations prévues à l’article 12 de notre Constitution, j’ai décidé de vous redonner le choix de notre avenir parlementaire par le vote : je dissous donc l’Assemblée nationale."

Un cri de joie à ma droite, mon monde s’effondre. Je lâche "putain, il l’a fait. On va avoir Marine Le Pen en Première ministre". Premier choc.

Puis je pense à notre gouvernement, et surtout à Darmanin, le ministre de l’Intérieur, notre patron. L’extrême droite va le remplacer, par l’un d’entre eux. L’angoisse me prend la gorge. Deuxième choc.

Une amie me répond pour me rassurer "mais t’en fais pas, le RN est pro-police". Justement. J’ai peur de ce qu’ils vont autoriser. J’ai peur de ce qu’il vont nous ordonner de faire.

La dernière fois que l’extrême droite a été au pouvoir en France, les forces de l’ordre ont commis une véritable chasse aux juif.ves et résistant.es. La rafle du Vel d’hiv, c’est nous.

Aujourd’hui, notre métier c’est d’échanger avec les habitants. C’est d’intervenir pour aider la population : accidents, vols, violences intra-familiales. C’est de monter des dossiers pour que les procès aient lieu. Aujourd’hui, notre métier c’est de protéger les institutions : Conseil constitutionnel, Parlement, Matignon. Ce même Conseil constitutionnel qui veille au respect de nos droits fondamentaux, et que les partis d’extrême-droite disqualifient.

Aujourd’hui, quand je mets mon uniforme et que je vais travailler, je sais que c’est pour être utile, protéger et servir. Et j’ai peur que ça change avec Bardella en Premier ministre.

Un Bardella qui, dans un entretien au Parisien, parlait de refouler aux frontières, donc de repousser les bateaux en Méditerranée. Ainsi, condamner les passagers (hommes, femmes, enfants) à la noyade. Et qui va devoir faire ça ? Pas Bardella et ses petites mains ! Non, non ! C’est nous, forces de l’ordre !

Il veut que l’on se lève le matin, que l’on enfile notre uniforme, notre arme au ceinturon, et que l’on aille repousser les embarcations dans une mer mortelle. Outre l’inhumanité de cette pratique, elle est contraire au droit international : il s’agit d’une pratique qualifiable de crime contre l’humanité.

On est à deux doigts d’élire à la tête du gouvernement un homme qui dit sur un journal national qu’il souhaite que ses forces de l’ordre commettent un crime contre l’humanité.

S’il vous plaît, ne nous mettons pas dans cette position.

Ne permettons pas à l’extrême droite de commander police et gendarmerie. C’est trop dangereux.

La France est déjà épinglée par l’ONU pour discriminations raciales et violences policières. Il y a déjà de trop nombreux blessés et décès lors des manifestations. Que peut-on espérer d’un mouvement ouvertement xénophobe ? Qu’il calme les choses ? Ou qu’il durcisse encore la répression ?

Nous n’avons pas besoin de l’extrême droite au pouvoir. C’est déjà suffisamment difficile comme ça.