Extrême droite : les macronistes irresponsables et coupables

mercredi 10 juillet 2024.
 

Alors que le Rassemblement national a mis un pied dans la porte du pouvoir, les dirigeants de la majorité ont été incapables d’appeler clairement à lui faire barrage au second tour. Par calculs politiciens, ils s’apprêtent à lui ouvrir grand les grilles de Matignon.

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C’est la seule chose qui a mis tout le monde d’accord dimanche soir : l’extrême droite est aux portes du pouvoir. En gagnant une quarantaine de circonscriptions dès le premier tour et en se qualifiant dans plus de 350 autres pour le second, le Rassemblement national (RN) pourrait obtenir une majorité absolue dans une semaine. Il ne s’agit plus de spéculations ou de chiffons rouges agités pour se faire peur. Mais d’une réalité chiffrée, palpable, vertigineuse.

Face à cette situation, les partis de gauche, réunis sous la bannière du Nouveau Front populaire (NFP), ont pris clairement leurs responsabilités, en appelant leurs candidat·es à se désister dans les 115 circonscriptions où ils sont arrivés en troisième position. Une démarche qu’ont été incapables d’entreprendre François Bayrou et Édouard Philippe, l’un prônant pour « que l’on regarde au cas par cas », l’autre pour qu’aucune voix ne se porte sur le RN et La France insoumise (LFI).

L’ancien premier ministre, qui avait quitté le parti Les Républicains (LR) en 2017 parce que celui-ci avait « tortillé » face à l’extrême droite, tortille donc honteusement à son tour. Du côté de la majorité présidentielle, expression qui ne lui a jamais aussi mal convenu, le discours le plus clair, ou à tout le moins le plus empreint de gravité, a été prononcé par Gabriel Attal, qui a dénoncé avec force le « projet funeste » du RN et évoqué un « choix de l’honneur ».

Illustration 1Agrandir l’image : Illustration 1 François Bayrou, Gabriel Attal et Édouard Philippe. © Photomontage Mediapart avec AFP Le chef du gouvernement a ainsi demandé aux candidat·es Renaissance arrivés en troisième position de se désister en faveur d’« un autre candidat qui défend comme [eux] les valeurs de la République ». Mais il y aura là encore des exceptions, a rapidement précisé l’équipe de campagne, puisqu’il s’agira de regarder qui, au sein de LFI, est « compatible avec les valeurs républicaines sur le parlementarisme, l’universalisme, l’antisémitisme ».

Une forme de « cas par cas » donc, qui s’éloigne de la proposition d’Édouard Philippe et semble rejoindre celle de François Bayrou. Mais qui prouve surtout que les trois hommes n’ont pas réussi à se mettre d’accord sur ce qui devrait pourtant constituer l’essentiel. Dimanche soir, les prises de parole officielles ont répondu aux réactions des ministres sur les plateaux de télévision, créant une cacophonie insupportable.

La confusion et le néant La situation est telle qu’elle aurait mérité davantage de clarté. Au lieu de quoi, les macronistes ont ajouté de la confusion à la confusion. Sous couvert de défendre les « valeurs républicaines », aucun d’entre eux n’a appelé explicitement au front républicain, lui préférant des calculs politiciens en vue d’une future – et à cette heure improbable – coalition. Car sans désistement général, faut-il le réécrire, l’extrême droite obtiendra une majorité absolue.

Lors de la présidentielle de 2022, Emmanuel Macron avait lui-même décrété la mort du front républicain. « Le front républicain, c’est 2002, un soir d’avril toute la presse dit “c’est affreux jamais ça”, tous les partis politiques du champ républicain disent c’est affreux, jamais ça. 2017 et aujourd’hui, c’est pas du tout le cas », avait lancé dans l’entre-deux-tours celui qui a pourtant profité à deux reprises des voix de la gauche contre Marine Le Pen.

Un tour de passe-passe aussi cynique que pratique, qui a permis au chef de l’État de conduire ses politiques sans jamais se soucier des revendications citoyennes, émanant de celles et ceux qui lui avaient permis d’accéder à l’Élysée. Depuis le premier quinquennat, celui qui avait promis de tout faire pour que plus personne n’ait « aucune raison de voter pour les extrêmes » n’a en réalité rien fait pour nous éviter la catastrophe. Au contraire : il l’a précipitée.

En choisissant de dissoudre l’Assemblée nationale au soir des élections européennes, alors que les extrêmes droites venaient d’enregistrer des scores historiques, le président de la République a entraîné le pays entier dans l’abîme. En renvoyant dos à dos le RN et la gauche unie, il a chauffé à blanc toute une partie de l’électorat qui ne parvient même plus à faire la différence entre le rejet et l’émancipation. En refusant d’appeler clairement au barrage, il finit le travail.

À quelques rares exceptions, il y avait quelque chose de pitoyable dimanche soir à observer certains macronistes parler de Jean-Luc Mélenchon comme du principal problème de la France, à les regarder se pincer le nez à l’évocation de certains candidats NFP qui ont fait de la lutte antifasciste le combat de leur vie, à les voir tenter de sauver le peu qui leur reste en martelant que jamais, jamais, ils n’appelleraient à voter pour LFI.

Dans le moment, on aurait sans doute préféré davantage de hauteur de vue, une prise de conscience, une lumière qui s’allume, quelque chose. Au lieu de quoi, nous n’avons eu le droit qu’à ce qui fait la marque du macronisme : le confusionnisme, la division et le néant. Dans une semaine, ce sera donc aux électeurs et aux électrices d’être plus responsables que les prétendus responsables politiques. À eux et à eux seuls de nous éviter le pire.

Ellen Salvi


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