Des différents fédéralismes européens au programme partagé de la NUPES sur l’Europe.

mercredi 12 juin 2024.
 

Les élections européennes de 2024 remettent à l’ordre du jour différentes problématiques sur l’Europe.

Nous abordons ici un sujet quelque peu marginalisé dans les débats : celui du fédéralisme européen.

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Cette étude fait suite à notre article : la souveraineté nationale prise en tenaille entre le fédéralisme et le régionalisme européens. https://www.gauchemip.org/spip.php?...

Du paragraphe 1 au paragraphe 3 nous traitons du fédéralisme européen. Au paragraphe 4 nous renvoyons au programme partagé de la NUPES sur l’Europe.

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L’idée d’une Europe comme État fédéral ne date pas seulement du XXe siècle. Par exemple, en1849 , Victor Hugo, lors de son discours au Congrès international de la Paix à Paris, soutient la création des États-Unis d’Europe pour mettre définitivement fin à la guerre. Il fera un discours similaire en 1871.

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1 – Premier bilan Différentes conceptions du fédéralisme européen

Nous utilisons ici deux logiciels d’intelligence artificielle pour répertorier, c’est-à-dire faire un bilan, des différentes sortes de fédéralismes européens.

Le projet d’une Europe fédérale suscite des débats depuis des décennies, et différentes conceptions existent quant à sa forme et à son fonctionnement. Voici quelques-unes des principales :

1. Fédéralisme classique :

Ce modèle s’inspire des États-Unis d’Amérique et implique une répartition claire des compétences entre le niveau fédéral européen et les États membres. Le pouvoir serait réparti entre un gouvernement fédéral doté d’un parlement et d’un exécutif puissants, et les États membres qui conserveraient une autonomie importante dans certains domaines. Les partisans de ce modèle mettent l’accent sur l’efficacité et la nécessité d’une action commune forte pour relever les défis transfrontaliers tels que la mondialisation, la crise économique et les questions de sécurité.

2. Fédéralisme coopératif :

Ce modèle met l’accent sur la coopération entre les États membres plutôt que sur une hiérarchie stricte. Les décisions seraient prises conjointement par les gouvernements nationaux et le niveau européen, en fonction du principe de subsidiarité. Ce modèle vise à préserver l’identité et l’autonomie des États membres tout en permettant une coordination efficace des politiques communes.

3. Fédéralisme fonctionnel :

Ce modèle se concentre sur la création d’institutions européennes puissantes dans des domaines spécifiques, tels que la politique économique ou monétaire, tout en laissant une grande latitude aux États membres dans d’autres domaines. Ce modèle pragmatique a été largement adopté dans l’Union européenne, avec la création de la Banque centrale européenne et d’un marché unique.

4. Fédéralisme démocratique :

Ce modèle met l’accent sur la nécessité d’une participation démocratique accrue des citoyens européens au processus décisionnel européen. Cela pourrait impliquer la création d’un Sénat européen représentant directement les citoyens, ou l’extension des pouvoirs du Parlement européen.

5. Fédéralisme confédératif :

Ce modèle minimaliste implique une coopération plus souple entre les États membres, sans créer un véritable gouvernement fédéral. Les États membres conserveraient leur souveraineté et leur contrôle sur la plupart des politiques, et la coopération se concentrerait sur des domaines d’intérêt commun spécifiques.

Il est important de noter que ces modèles ne sont pas mutuellement exclusifs et qu’une Europe fédérale future pourrait combiner des éléments de plusieurs d’entre eux. Le débat sur le fédéralisme européen est complexe et en constante évolution, et il n’y a pas de consensus clair sur la meilleure façon de structurer une Europe unie.

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2) Deuxième bilan (qui recoupe en partie le premier)

Le fédéralisme européen est une idée qui a été discutée et débattue sous diverses formes depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Il existe plusieurs conceptions différentes du fédéralisme européen, chacune proposant une vision distincte de l’organisation et de la gouvernance de l’Europe. Voici quelques-unes des principales conceptions :

1. Fédéralisme classique

Caractéristiques principales :

Une union politique forte avec un gouvernement central disposant de pouvoirs significatifs.

Les États membres déléguent une partie substantielle de leur souveraineté à des institutions fédérales européennes.

Le modèle est similaire à celui des États-Unis ou de l’Allemagne, où le gouvernement fédéral a des compétences étendues, notamment en matière de politique étrangère, de défense, de politique économique et de droit commun.

Objectif :

Créer une Europe unie et forte sur la scène internationale, capable de parler d’une seule voix et d’agir de manière cohérente.

2. Fédéralisme fonctionnel

Caractéristiques principales : Approche pragmatique et incrémentale.

La coopération entre États se fait de manière progressive et sectorielle, en commençant par des domaines techniques ou économiques.

Moins axé sur la création immédiate d’un super-État européen, il vise plutôt à renforcer la coopération et l’interdépendance par des actions spécifiques.

Objectif : Faciliter l’intégration européenne en se concentrant sur des projets concrets et des besoins communs, tels que le marché commun, l’union monétaire, la politique environnementale, etc.

3. Fédéralisme intergouvernemental

Caractéristiques principales : Les États membres conservent une large part de leur souveraineté et de leur autonomie.

Les décisions sont prises par consensus entre les gouvernements nationaux, souvent par le biais du Conseil européen.

Moins de transfert de pouvoirs aux institutions supranationales comme la Commission européenne ou le Parlement européen.

Objectif : Renforcer la coopération entre les États sans créer un État fédéral classique, en maintenant un équilibre entre les intérêts nationaux et l’intégration européenne.

4. Fédéralisme asymétrique

Caractéristiques principales : Reconnaissance de la diversité des États membres et de leurs niveaux d’intégration différents.

Permet à certains pays de s’intégrer plus étroitement dans certains domaines tout en laissant d’autres pays opter pour une coopération plus lâche.

Objectif : Accommoder les différences politiques, économiques et culturelles entre les États membres, tout en permettant une intégration plus profonde pour ceux qui le souhaitent.

5. Fédéralisme régional

Caractéristiques principales :

Accent mis sur les régions et les collectivités locales comme les principaux acteurs de l’intégration européenne.

Les régions auraient un rôle plus important et plus direct dans les décisions et les politiques européennes.

Objectif : Décentraliser l’intégration européenne en rapprochant les processus décisionnels des citoyens et en reconnaissant la diversité régionale.

6. Fédéralisme constitutionnel

Caractéristiques principales : Élaboration d’une constitution européenne qui définirait clairement les compétences et les responsabilités des différentes entités au sein de l’Union. Mettre en place un cadre juridique stable et transparent pour l’Union européenne.

Objectif : Établir une structure juridique et politique claire pour l’Union, renforçant la légitimité démocratique et la responsabilité des institutions européennes.

7. Fédéralisme de l’Europe à plusieurs vitesses

Caractéristiques principales : Permet de aux États membres de progresser à des rythmes différents selon leurs propres volontés et capacités.

Les pays qui le souhaitent peuvent avancer plus rapidement dans l’intégration, tandis que d’autres peuvent choisir de rester à un niveau d’intégration moindre.

Objectif : Permettre une flexibilité dans l’intégration européenne, tout en maintenant l’unité et la cohésion globale de l’Union.

Chaque conception du fédéralisme européen a ses propres partisans et détracteurs, et le débat sur la meilleure voie à suivre pour l’Europe reste ouvert. Les évolutions politiques, économiques et sociales continuent d’influencer ces conceptions et de façonner l’avenir de l’intégration européenne.

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La consultation de l’article de Wikipédia sur l’histoire du fédéralisme européen confirme cette variété de conceptions qui ont pu amener d’ailleurs des à la division, à la fragmentation de mouvements fédéralistes.

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3) Hayek et l’Europe fédérale

Friedrich Hayek, économiste et philosophe politique autrichien, a abordé la question de l’Europe fédérale à plusieurs reprises dans ses écrits. Rappelons qu’il est en quelque sorte « le pape de l’ultralibéralisme » comme étant l’un des fondateurs contemporains du néolibéralisme sur le plan économique et de la philosophie politique.

Ouvrages clés : The Constitution of Liberty" (1960) : Dans cet ouvrage seminal, Hayek expose son plaidoyer en faveur d’une "constitution de liberté" pour l’Europe. Il propose une structure fédérale qui protégerait les libertés individuelles et limiterait le pouvoir des gouvernements.

"Am I a Liberal ?" (1979) : Dans ce recueil d’essais, Hayek réaffirme son soutien à l’Europe fédérale, tout en critiquant les tendances centralisatrices au sein de la Communauté économique européenne (CEE) de l’époque.

"The Road to Serfdom" La route de la servitude (1944) : Bien que cet ouvrage ne traite pas directement de l’Europe fédérale, il expose les principes philosophiques qui sous-tendent la vision de Hayek sur l’ordre politique. Hayek met en garde contre les dangers du totalitarisme et plaide pour une société libre fondée sur des institutions libérales.

Points essentiels de la vision de Hayek :

Fédéralisme : Hayek privilégiait une structure fédérale pour l’Europe, où les pouvoirs seraient répartis entre différents niveaux de gouvernement. Cela permettrait de protéger l’autonomie des États membres et de limiter le pouvoir central.

Libre-échange : Hayek était un fervent défenseur du libre-échange et croyait qu’une Europe fédérale devrait favoriser la circulation libre des biens, des services et des capitaux.

Concurrence : Hayek soutenait que la concurrence entre les États membres d’une Europe fédérale stimulerait l’innovation et la prospérité économique.

Rôle limité de l’État : Hayek était un libéral classique qui croyait que le rôle de l’État devait être limité. Il s’opposait à une intervention étatique excessive dans l’économie et la société.

Selon sa croyance, un ordre spontané peut émerger des interactions marchandes entre individus sur le marché et de la libre concurrence. Le dogme central de l’union européenne fondée sur (la concurrence libre et non faussée » est inspirée de cette idéologie.

Critique de la vision de Hayek :

La vision de Hayek sur l’Europe fédérale a fait l’objet de critiques de la part de différents courants de pensée.

Certains critiques ont argué que son modèle de fédéralisme était trop rigide et ne tenait pas compte de la diversité des cultures et des traditions européennes. D’autres ont critiqué son attachement au libre-échange, arguant qu’il risquait d’exacerber les inégalités économiques et sociales.

Enfin, certains ont critiqué son opposition à une intervention étatique plus forte, arguant qu’elle était nécessaire pour garantir la justice sociale et la protection de l’environnement.

Conclusion : la conception fédéraliste de cet auteur a largement contribué à la constitution de l’union européenne néolibérale que nous connaissons.

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4 – La conception fédéraliste de l’Europe par les socialistes

On peut se reporter entre autres au soutien d’une Europe fédérale au congrès du parti socialiste de Villeurbanne en 2021, en utilisant le lien suivant : https://www.parti-socialiste.fr/sou...

Le pouvoir exécutif européen serait doté de compétences élargies par rapport à l’Union européenne actuelle. Il pourrait notamment :

Élaborer et mettre en œuvre des politiques communes dans des domaines tels que l’économie, la fiscalité, la politique sociale, la défense et la sécurité.

Seraient négociés des accords internationaux s’appliquant à l’ensemble de cet État fédéral européen.

Une armée européenne serait constituée.

L’Europe fédérale serait pourvue d’une assemblée constitué de parlementaires des différents états élus à la proportionnelle.

Ce parlement aurait ensuite pour charge d’élire le pouvoir exécutif.

Ce parlement élaborerait des lois européennes applicables à chaque État qui perd ainsi toute souveraineté économique judiciaire et aussi financière, autrement dit, sa souveraineté politique.

Dans un tel contexte, la France disparaît en tant qu’État-nation et du conseil de sécurité de l’ONU.

On invoque la nécessité d’une harmonisation sociale, fiscale et environnementale pour justifier cette Europe fédérale : on se demande pourquoi elle deviendrait subitement possible alors que cette tentative a été un échec pendant toute existence du marché commun et de l’union européenne.

On prétend que cette Europe fédérale pourrait tenir tête, être indépendante par rapport aux États-Unis et la Chine alors que l’union européenne a été incapable de se détacher des États-Unis pour sa politique financière et militaire et a été incapable de mettre en œuvre une politique industrielle lui évitant d’avoir recours à la Chine.

Pour motiver ce fédéralisme, on prétend que l’existence des États-nations favorise la guerre : mais on évite d’analyser quelles sont les forces politiques et économiques qui dirigent précisément ses états nations lorsqu’ils sont en conflit.

La lacune majeure, pour ne pas dire déficit mental, de cette analyse fédéraliste est l’absence d’analyse des rapports de classe capitaliste dans la domination des États et leurs agents politiques. Absence aussi de vision géostratégique ancrée dans des rapports économiques de classe faisant ainsi abstraction des intérêts de la classe capitaliste dominante aux États-Unis et aussi en Allemagne notamment.

Il faut s’interroger sur la base de la construction de l’union européenne dans cette perspective des rapports de classe.

Pour ce faire, voir les explications de l’historienne Annie LacroixRiz sur le site « Café marxiste » en juin 2024. https://www.youtube.com/watch?v=Cf0... remarquons que le Parti Socialiste reste attaché à l’intégration de la France et de son armée à l’OTAN. Pourtant dès les années 1960, Charles De Gaulle avait parfaitement compris que cette organisation constituait un moyen de contrôle total des États-Unis sur l’union européenne et l’avenir lui a donné raison. On comprend mal comment l’on peut prétendre construire une Europe fédérale pour la paix et en même temps rester sous la domination des États-Unis qui ont participé à 392 conflits militaires depuis sa création jusqu’en 2015 .**

4 – Ce que devrait être l’union européenne selon le programme partagé de la NUPES de 2022

pour en avoir connaissance, il faut se reporter au chapitre 8 en utilisant le lien suivant : https://nupes-2022.fr/le-programme/

Il s’agit évidemment d’un texte réaliste qui prend en compte la réalité actuelle de l’Union européenne, d’un certain nombre de divergences entre organisations de gauche mais qui constitue un compromis constructif et offensif permettant de se battre au sein du Parlement européen pour améliorer la situation actuelle.

Seule La France Insoumise, fidèle à ses engagements pris auprès de ses électeurs aux élections législatives de 2022, portera ce programme unitaire à l’occasion des élections européennes du 9 juin 2024.

Pour ne pas se laisser berner par la désinformation véhiculée par les médias chaque citoyen a tout intérêt à lire ce texte.

Remarquons que la remise en cause de certains traités de l’Union européenne faisant obstacle à l’application d’un programme de mesures pour le progrès social et que logique est une manière concrète d’affirmer la souveraineté populaire et la souveraineté nationale. De même pour la remise en cause d’un libre échange aveugle.

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** Annexe

L’émission « avec philosophie » de France Culture a consacré quatre épisodes sur le thème « Comment penser l’Europe ? »

Présentation de la série :

https://www.radiofrance.fr/francecu...

Épisode 1 : les Grecs anciens et la question de l’Europe

.https://www.radiofrance.fr/francecu...

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Épisode 2 : l’idée d’Europe selon ses prédateurs

https://www.radiofrance.fr/francecu...

Épisode 3 : l’Europe par les idées ou par le commerce ?

https://www.radiofrance.fr/francecu...

Épisode 4 : l’Europe sur fond de crise

https://www.radiofrance.fr/francecu...

Fédéralisme européen : Wikipédia https://fr.wikipedia.org/wiki/F%C3%...

Fédération européenne : Wikipédia https://fr.wikipedia.org/wiki/F%C3%....

Le Manifeste pour une Europe fédérale des socialistes européens (1999) : https://pes.eu/wp-content/uploads/2... La contribution du Parti socialiste français au débat sur l’avenir de l’Europe (2005) : https://www.cairn.info/revue-politi...

L’Europe fédérale : une chance pour les socialistes (2019) https://institutdelors.eu/wp-conten... *

Hervé debonrivage


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