Arche de Zoé : Saurons-nous un jour la vérité ? (26 octobre 2007)

vendredi 27 octobre 2023.
 

Ce 12 février 2013, le tribunal correctionnel de Paris a jugé l’affaire dite de L’Arche de Zoé, concernant l’exfiltration en France pour adoption payante (1400 à 2200 euros par enfant) d’orphelins du Darfour « en danger de mort » qui n’étaient d’ailleurs ni orphelins ni Soudanais du Darfour, ni en danger de mort. Maître Jean-Claude Guidicelli a caractérisé ce procès comme "un bal des faux-culs et des amnésiques"

Les audiences ont confirmé le caractère abracadabrantesque de cette opération :

- pour récupérer des enfants tchadiens, les "humanitaires" proposent leurs services aux chefs de villages sous prétexte de les soigner ou de leur offrir une éducation religieuse

- pour faire sortir les enfants du Tchad en avion, les humanitaires recouvrent les enfants de bandages et de fausses perfusions pour faire croire à une évacuation sanitaire.

Ce 12 février 2013, Eric Breteau, 42 ans, et Emilie Lelouch, 36 ans, ont été condamnés à trois ans de prison, dont un avec sursis et 50.000 euros d’amende par le tribunal correctionnel de Paris. Celui-ci les a déclarés coupables d’escroquerie au préjudice de 358 familles d’accueil, d’exercice illicite de l’activité d’intermédiaire pour l’adoption et d’aide à l’entrée ou au séjour de mineurs en situation irrégulière. Quatre autres bénévoles qui avaient participé à l’opération ont quant à eux été condamnés à six mois de prison avec sursis et un an de prison avec sursis.

Ces peines ne répondent pas à une question centrale : comment une expédition largement financée (700000 euros) par des institutions publiques françaises (Hopitaux de Paris, Air France...) a-t-elle engagé un tel vol d’enfants ? "Tout le monde savait" que cette opération était en cours, notamment l’armée française qui avait fourni un avion Transall pour acheminer les équipes et le matériel sur place, ce qui pouvait accréditer l’idée chez son client qu’elle était "légale et légitime" (Me Guidicelli). L’armée et autres institutions auraient-ils engagés de tels moyens au service d’un pompier volontaire en mal d’escroquerie sans des protections importantes ? Bien sûr que non.

Souhaitons que toutes les données de cette affaire soient un jour connues. Il est en effet surprenant et pénible de constater le grand nombre "d’approximations" émanant d’organismes et personnalités voulant aujourd’hui tout faire retomber sur quelques "mégalomanes exaltés" de l’Arche de Zoé.

En voici un exemple. L’association Arche de Zoé internationale ( Zoe’s Arc Ark Foundation Inc, 154, A’Becket Street, Melbourne 3000, Victoria, Australie) a publié un communiqué affirmant qu’elle n’a eu et n’a aucun lien avec l’association française du même nom. Or, elle compte parmi ses membres tous les responsables français de l’Arche de Zoé. Paris Biotech Santé ( sur lequel nous reviendrons) figure sur sa liste fiscale. En 2005, le directeur de Paris Biotech Santé écrit à Eric Breteau, coordonnateur de l’Arche de Zoé, à l’adresse internationale en Indonésie (Zoe’s Ark Coordination Center, Jalan Sudirman N°7, Banda Aceh, Sumatra, Indonesia). Bizarre !

1) QUELS SONT LES VRAIS COMMANDITAIRES DE L’OPERATION ENGAGEE AU TCHAD ?

L’équipe de l’Arche de Noé se composait, pour l’essentiel, de personnes qui s’y étaient fourvoyées pour des raisons humanitaires.

Eric Breteau, lui-même, président légal de l’association, apparaît comme un homme actif, bon organisateur, beau parleur, « exalté de l’humanitaire » (Libération), « sincère » (Mahor Chiche de l’association Sauvons le Darfour), considérant justifié d’outrepasser la légalité si l’intérêt d’enfants le nécessite mais ne gérant ni les fichiers, ni les comptes, n’ayant pas les relations personnelles permettant de monter une opération aussi importante.

Qui, par exemple, a préparé le financement de l’expédition ?

Sur 700000 euros collectés en quelques mois par l’Arche de Zoé, seulement 60000 proviennent des 11000 adhérents, le reste émane de la Fondation des Hôpitaux de Paris, d’Air France (100000 euros)... Ce ne sont pas des pieds nickelés de l’humanitaire qui auraient obtenu seuls, de telles subventions.

D’ailleurs, l’Arche de Zoé dispose au Tchad d’un avion privé pour relier Adré et Abéché, mène grand train, loue des 4X4, se paie les services d’un boeing (avec un pilote belge et un équipage de sept Espagnols) pour le rapatriement en Europe...

Le journal belge Sept sur Sept avait bien posé le problème à l’automne 2007 :

« L’Arche de Zoé n’est pas une histoire d’amateurs. Ils sont très professionnellement organisés, et ne manquent pas de fonds et de soutiens en tout genre. La soi-disant « petite » association semble avoir préparé cette opération au Tchad avec beaucoup de relations d’influence, de moyens techniques et financiers ». Pour expliquer ces moyens techniques et ces relations, le même périodique avançait les pistes de Paris Biotech Santé et de François Sarkozy (frère du président). De nombreuses enquêtes, parues depuis, ont également avancé ces noms.

2) QUI TENAIT LA BOURSE DE L’ARCHE DE ZOE ? QUI CENTRALISAIT LE RESEAU DES FAMILLES D’ACCUEIL ?

La secrétaire générale, contact légal de l’Arche de Zoé se nomme Stéphanie Dhainaut-Lefebvre.

Dans le procès-verbal de son audition par la Brigade des mineurs de Paris, Eric Breteau est très clair :

Les divers documents liés à l’activité de l’Arche de Zoé se trouvent au domicile de Stéphanie.

Le listing des familles prêtes à accueillir les enfants se trouve dans l’ordinateur de Stéphanie

C’est Stéphanie qui tient les comptes de l’association.

C’est Stéphanie qui a choisi les commissaires aux comptes de l’association.

C’est Stéphanie qui prend en charge la bonne marche administrative de l’Arche de Zoé.

Stéphanie Dhainaut dirige donc pendant que « Moi, je suis celui qui va sur le terrain... depuis décembre 2006, je n’ai pas de revenu, par contre mon activité de sapeur pompier volontaire me procure environ 500 euros par mois ».

Quant à Stéphanie Lebefvre, voici son opinion sur Breteau : « Son moteur c’est l’enfance, la défense des enfants ». Sur la base des informations données par la presse, il semblerait donc que Stéphanie Dhainaut-Lefebvre assumait un rôle décisif au sein de l’Arche de Zoé.

Quoi qu’il en soit, la direction de l’Arche de Zoé ou des personnes travaillant en lien avec elle disposait de relations de haut niveau. Pour discuter du projet tchadien, l’Arche de Zoé est reçue le 31 juillet par la directrice de cabinet du secrétariat d’Etat aux Droits de l’Homme.

3) QUEL A ETE LE ROLE DE PARIS BIOTECH SANTE ?

Paris Biotech Santé est un organisme semi-public du médicament, gérant en particulier 2500 mètres carrés de laboratoires à l’hôpital Cochin.

L’Arche de Zoé est déclarée au Journal Officiel comme ayant son siège social dans les locaux de Paris Biotech Santé à l’Hôpital Cochin.

Dans cette même déclaration, le courriel de l’Arche de Zoé est domicilié par Paris Biotech au nom de Stéphanie Lefebvre : lefebvre.s@parisbiotech.org.

Les commissaires aux comptes de l’Arche de Zoé sont, d’après les articles repris en complément ci-dessous, les mêmes que pour Paris Biotech Santé.

Stéphanie Dhainaut-Lefebvre est à la fois dirigeante à titre bénévole de l’Arche de Zoé et directrice adjointe à titre professionnel de Paris Biotech Santé.

Dans une lettre du 14 avril 2005 adressée à Eric Breteau "coordonnateur de l’Arche de Zoé" , le professeur Olivier Amédée Maresme, directeur de Paris Biotech Santé, écrit :

" Comme vous le savez, les activités de notre association sont prioritairement tournées vers la création de micro-entreprises dans le domaine de la santé humaine.

" Satisfait de la collaboration entre notre association et votre équipe depuis le début de cette année et soutenant le programme envisagé par les bénévoles de l’Arche de Zoé, je tenais à vous confirmer notre souhait de poursuivre notre collaboration en termes de moyens logistiques et de mise à disposition de réseaux dont vous pourriez avoir besoin dans le cadre de ce programme".

Paris Biotech Santé affirme aujourd’hui n’avoir aucun lien avec L’Arche de Zoé. Pourtant, cet organisme a, pour le moins, fait preuve d’un grand manque de prudence dans cette affaire. Vu la tournure prise par le projet tchadien, il aurait été facile de rompre par écrit son partenariat. Or, cela n’a pas du tout été fait.

4) SI ERIC BRETEAU ET SES PROCHES ONT AGI SANS COMMANDITAIRE, N’ONT-ILS PAS ETE CONFORTES PAR UNE ATTITUDE PEU FERME DE PERSONNALITES ET ORGANISMES DIVERS ?

Eric Breteau s’est, paraît-il, souvent prévalu d’une oreille attentive de l’Elysée. Probablement sans raison. Mais alors, pourquoi ne pas avoir vérifié ses dires avant qu’il ne parte au Tchad ?

Le ministère des Affaires étrangères fait valoir qu’il a diffusé un communiqué mettant en garde les familles le 25 mai 2007.

Mais alors, pourquoi, par lettre du 13 juillet, Eric Breteau remercie-t-il Laurent Contini, conseiller Afrique au ministère des Affaires étrangères pour l’excellent accueil qu’il a reçu au Quai d’Orsay le 4 juillet. Il ajoute même : « c’est dans cet esprit que nous collaborerons discrètement avec vos services afin que vous disposiez d’un maximum d’informations vous permettant, au besoin, d’intervenir dans les meilleures conditions. »"

Mais alors, pourquoi la principale réunion des parents a-t-elle été convoquée et s’est-elle tenue les 17 et 18 juillet, non clandestinement, mais dans un amphi de l’hôpital Cochin.

Breteau n’est convoqué pour audition que le 10 août 2007.

Parmi les bizarreries de cette affaire Arche de Zoé, il est logique de se demander :

• Pourquoi Eric Breteau comme Stéphanie Lefebvre, convoqués mi-août par la police, refusent-ils de donner des informations sur le financement de leur opération ?

• Pourquoi vont-ils mettre en oeuvre celle-ci sans avoir eu à donner de précisions sur la question ?

• Pourquoi l’opération d’enlèvement des enfants est-elle arrêtée par les autorités tchadiennes et non par la France qui intervient dans le secteur concerné comme dans une sorte de protectorat ?

5) QUEL LIEN MEME MINIME ENTRE L’EXPEDITION DE L’ARCHE DE ZOE ET DES PERSONNALITES INFLUENTES COMME JEAN-FRANCOIS DHAINAUT ?

Dans son procés-verbal d’audition, Eric Breteau affirme que le siège de L’Arche de Zoé se trouve au domicile du père de la secrétaire générale Stéphanie Dhainaut-Lefebre.

Qui est ce père ? Jean-François Dhainaut :

* président de l’université Paris V Descartes (Droit, sciences humaines, médecine, odontologie, pharmacie, sciences. STAPS, IUT).

* chef de pôle de Paris Biotech Santé dont il est un des quatre membres fondateurs.

* membre du conseil scientifique de la Commission Recherche de l’UMP

La dernière réunion d’information des familles d’accueil s’est déroulée « dans un amphi à la faculté de l’Hôpital Cochin . les 17 et 18 juillet « (audition d’Eric Breteau).

La moitié des membres de l’expédition tchadienne de l’Arche de Zoé étant actuellement mise en examen pour "escroquerie", "aide au séjour irrégulier de mineurs étrangers en France" ou "exercice illicite d’intermédiaire en vue de vue de l’adoption ou d’un placement d’un enfant », Jean-François Dhainaut a, pour le moins, manqué de prudence.

6) QUEL LIEN, MEME MINIME, ENTRE L’ARCHE DE ZOE ET DES SOCIETES INTERVENANT DANS LA BRANCHE DU MEDICAMENT ?

Voici ce qu’a affirmé l’émission suisse La Planète bleue :

« L’association l’Arche de Zoé est une initiative d’un organisme français Paris Biotech Santé. Elle est financée par une société de développement de produits pharmaceutiques BioAlliance Pharma, dont le propre frère du président, François Sarkozy, est vice-président du conseil de surveillance... Quelles sont les réelles activités de BioAlliance Pharma, dont fait partie le frère du président Sarkozy ?

La compagnie développe des médicaments pour traiter des maladies décrites comme mille fois plus virulentes en Asie du Sud-Est et dans l’Afrique subsaharienne que chez nous. Pour développer ces traitements la société pratique des expérimentations sur des patients, comme par exemple pour le Loramic, cinq cent quarante patients répartis sur quarante sites différents à travers le monde. Stéphanie Lefèvre, la secrétaire générale de l’Arche de Zoé, est directrice adjointe de Paris Biotech Santé. Et François Sarkozy, le frère du président, figure avec elle parmi les membres du comité d’évaluation de cet organisme spécialisé dans la recherche bio-médicale. D’où les questions qui enflent sur le web...

Au printemps dernier, le Nigéria a attaqué devant la justice internationale le géant Pfeizer, qui aurait, je cite : « effectué en 1996, de façon illégale, l’essai clinique d’un médicament, le Trovan, sur deux cents enfants » fin de citation. L’inventeur du Viagra aurait secrètement utilisé des enfants comme cobayes, pour tester de nouvelles molécules, sous couvert d’aides humanitaires. Onze enfants sont morts lors de ces tests. D’autres ont subi de graves séquelles : surdités, paralysies, lésions cérébrales, cécités. Le Nigéria réclame dix milliards de dollars à Pfeizer. C’est le Washington Post qui a révélé le scandale. »

Le site Voltaire.net affirme lui « Il résulte de ce montage que la finalité ultime de l’Arche de Zoé est de tester des programmes sanitaires sur des enfants en difficulté dans le tiers-monde en vue de leur développement commercial ».

De telles accusations, reprises ici et là sur internet sont exagérées mais trop graves pour ne pas nécessiter un démenti clair, précis et documenté de la part de l’association comme de l’industrie pharmaceutique.

7) QUEL LIEN, MEME MINIME, ENTRE FRANCOIS SARKOZY ET L’ARCHE DE ZOE ?

Dans les articles consacrés à l’Arche de Zoé, le nom de François Sarkozy revient assez souvent. La principale question posée est la suivante : A-t-il été informé, comme vice-président du Comité de surveillance de Bio Alliance Pharma et membre du Comité d’évaluation des initiatives et financements de Paris Biotech Santé, de l’expédition organisée au Tchad ?

François Sarkozy préside la société pharmaceutique AEC Partners dont les deux principaux clients sont :

• Le LEEM ( industrie pharmaceutique française) qui emploie Stéphanie Lefebvre de Paris Biotech Santé et de l’Arche de Zoé

• Le géant américain Pfeizer, leader mondial de l’industrie pharmaceutique, cité ci-dessus.

8) LE PROJET DE L’ARCHE DE ZOE PRESENTE UN ASPECT INTERNATIONAL GIGANTESQUE. Pour quels objectifs ? Avec quels partenariats ?

Quiconque jette un coup d’œil sur les articles de presse concernant L’Arche de Zoé va de surprise en surprise.

Dans un communiqué du 28 avril 2007, les dirigeants de l’Arche de Zoé et de l’association Sauvons le Darfour (mondialement connue), précisent leur projet : le transfert d’orphelins « 10000 vers l’Europe et les Etats-Unis dont 1000 en France ». D’après L’Express, « 10000 orphelins en France, en Belgique et en Amérique du Nord ».

Dans son audition à la Brigade des mineurs de Paris, Eric Breteau affirme que l’Arche de Zoé est en lien avec d’autres ONG pour l’expédition au Tchad, en particulier Save Childrens : « Nous allons nous appuyer sur des ONG déjà en place. Comme par exemple Save Childrens ; c’est une organisation internationale américaine mondialement connue ». Qu’en est-il ?

Dans l’introduction de cet article, nous avons signalé les liens entre l’Arche de Zoé française et l’Arche de Zoé internationale dont le siège est en Australie.

Le Haut Commissariat pour les réfugiés de l’ONU a fourni les tentes nécessaires à l’équipe de l’Arche de Zoé.

Vu tout cela (plus le financement et l’aide de l’armée française), il est surprenant de voir des journaux présenter l’Arche de Zoé comme une petite association « animée par un groupe de pompiers volontaires et d’amateurs de 4X4 du Val d’Oise » (par exemple Le Monde du 30 octobre 2007)

9) Pourquoi, parmi les responsables de l’Arche de Zoé, seuls les baroudeurs du Tchad sont-ils poursuivis par la justice ?

Fin octobre, le parquet de Paris a ouvert une information judiciaire pour "exercice illicite d’intermédiaire en vue de l’adoption ou d’un placement d’enfant »

Alain Péligat, logisticien du groupe, a été mis en examen le 9 janvier pour "aide au séjour irrégulier de mineurs étrangers en France". Depuis le 10 janvier, Emilie Lelouch et Philippe van Winkelberg, sont mis en examen pour "aide au séjour irrégulier de mineurs étrangers en France", "exercice illicite d’intermédiaire en vue de l’adoption ou d’un placement d’un enfant" et "escroquerie" Eric Breteau s’est vu notifier sa mise en examen pour "escroquerie", "aide au séjour irrégulier de mineurs étrangers en France" et "exercice illicite d’intermédiaire en vue de vue de l’adoption ou d’un placement d’un enfant »

La liste de ses membres déposée au Tchad par Children Rescue début août avec Eric Breteau comme président (afin de disposer d’autorisation de circuler) comptait une vingtaine de membres. Leur audition ne paraît même pas présenter d’intérêt.

10) Les familles d’accueil, de surprises en confusion

Voici un témoignage intéressant publié par Le Monde du mardi 6 novembre :

" En septembre, Eric Breteau rentre d’un voyage au Darfour. Il organise une réunion à Valence (Drôme) et annonce aux familles que l’opération entre dans sa phase concrète... Les Rieutord sont ravis " Nous étions près de 600 dans la salle. Nous étions assis à côté d’universitaires, d’un fonctionnaire travaillant au Sénat, des gens sérieux... Sur le ton de la rigolade, (Eric Breteau) a dit qu’une personne ayant ses entrées à l’Elysée se trouvait dans la salle". Certains parents se mettent à échafauder une théorie rassurante : le gouvernement français soutiendrait le projet en sous-main, mais ne pourrait pas faire de déclarations officielles pour des raisons diplomatiques.

" Avec le recul, Jean s’étonne de sa propre naïveté "On imaginait que Sarkozy... avait envie de montrer son grand coeur à l’occasion d’une opération exceptionnelle". Cette croyance est renforcée par la passivité des pouvoirs publics. En bonne fonctionnaire, Claire est persuadée que, si l’Etat était opposé à l’opération, il contacterait les familles pour les mettre en garde. "Or, il n’y a rien eu. J’ai écrit à mon Inspecteur d’Académie pour demander un congé exceptionnel, en expliquant clairement l’opération. J’ai reçu une réponse favorable". Jean va plus loin "Si j’avais reçu... un courrier d’avertissement, j’aurais arrêté immédiatement". Les Rieutord versent d’abord 1400 euros puis... une rallonge de 800 euros.

11 Le gouvernement français a décliné toute responsabilité dans l’expédition Arche de Zoé en faisant valoir qu’elle agissait clandestinement. Bizarre !

Pendant six mois, l’Arche de Zoé a diffusé des communiqués, tenu des réunions, y compris à l’hôpital Cochin, répété sans cesse sur internet comme à la radio qu’elle voulait « transférer 10000 enfants du Darfour vers l’Europe et les Etats-Unis dont 1000 en France ». Le président de l’association a signé une lettre appelant par exemple les députés à l’aider.

On ne peut donc reprocher à l’Arche de Zoé d’avoir caché son jeu. Quelles initiatives concrètes ont pris les autorités françaises pour bloquer son projet ?

Le 2 novembre 2007, Arguments pour le socialisme constatait à juste titre « D’abord, on a cette étrange ONG qui "agit clandestinement" selon Yama Rade, au point de solliciter (et d’obtenir !) des entrevues dans les ministères. Au point aussi de recevoir des mises en garde ministérielles, toujours selon Yama Rade ».

Autre justification du gouvernement :

« il ressort des explications des autorités françaises qu’en utilisant un nom d’emprunt (Children Rescue) et en prétendant apporter une aide psycho-sociale à des enfants victimes de la guerre, l’Arche de Zoé a réussi à berner tout le monde au Tchad pendant des semaines : les autorités locales, l’armée française et le Haut Commissariat aux réfugiés de l’ONU ».

Cette excuse apparaît aussi peu convaincante que la précédente : Eric Breteau a fait toutes ses démarches au Tchad sans changer de nom. Si effectivement les ministères avaient donné l’alerte contre le projet Arche de Zoé porté au Tchad par un certain Eric Breteau, celui-ci n’aurait pu bénéficier de toute l’aide qui lui a été apportée sur place.

Quant à l’aide médico-psycho-sociale apportée aux enfants, elle signait depuis le début la spécificité du projet. L’Arche de Zoé ne l’avait pas caché.

12) Fin septembre 2007, le gouvernement et son ministère des Affaires étrangères avaient reçu toutes les informations nécessaires sur le projet réel de l’Arche de Zoé. Pourquoi, dans ces conditions, l’Arche de Zoé a pu, non seulement mettre ce projet en application mais bénéficier d’aides diverses, en particulier de l’Armée française

Le Monde du samedi 3 novembre donne les informations suivantes, émanant du gouvernement :

"Brigitte Collet (directrice de cabinet de Rama Yade) connaissait Eric Breteau pour l’avoir reçu le 31 juillet au Quai d’Orsay... Devant Madame Collet, Eric Breteau ne se démonte pas. Nous savons que les pouvoirs publics ne nous soutiendront pas, donc je ne vous dévoilerai pas ce que nous allons faire. Il ajoute que dans un premier temps, l’Arche de Zoé évacuera les enfants du Darfour vers un camp de transit dans un pays à l’abri du conflit".

Si Eric Breteau a bien tenu ces propos fin juillet, comment se fait-il que le gouvernement ne soit pas intervenu auprès des organismes publics bailleurs de fonds comme la Fondation des Hôpitaux de Paris et Air France ?

Continuons la citation du Monde "Fin septembre, le Quai d’Orsay disposera d’informations montrant que si un transport d’enfants est tenté par l’Arche de Zoé, cela se produira probablement à partir du Tchad. Le 27 septembre, un député français informe le Quai que, dans sa circonscription, des familles parlent d’accueillir des enfants du Darfour. Il mentionne le Tchad. D’autres parlementaires ont déjà fait remonter de telles informations de leur région. Le service social d’un département a informé le Quai que, lors d’une réunion de familles d’accueil, il a été question de 309 enfants".

13) Si l’équipe de l’Arche de Zoé est un ramassis d’escrocs mégalomanes, pourquoi les autorités françaises, informées par cette association puis par d’autres sources de son projet, n’ ont-elles pas bloqué l’expédition ? Pourquoi, au contraire, l’armée française l’a-t-elle largement aidée sur place ?

Puisque l’opération devait se réaliser au Tchad « avant la fin de l’année 2007 », si les autorités françaises avaient tenu à l’interdire, le minimum était d’en informer l’ambassade à N Djamena et l’armée, très présente dans ce pays.

« Or, le 19 septembre, vingt personnes de l’association embarquent à bord d’un Transall militaire avec 1,7 tonne de matériel et de médicaments.L’armée assurera un autre déplacement en avion pour l’association.

A Abéché, l’association se ravitaille à la supérette de la base militaire.

A Abéché, le médecin du camp militaire français leur accorde des consultations médicales.

L’Armée fournit du kérosène pour l’avion privé de l’association, un pipper PA 32 qui achemine les enfants depuis Adré ». (source Nouvel Observateur du 8 novembre 2007).

« L’armée française sur place transporte à trois reprises certains de ses bénévoles » (Le Monde du 30 octobre 2007)

Libération du 2 novembre écrit : "Ce dernier [Idriss Déby] a aussi évoqué une complicité locale en s’étonnant, sur RFI, que le Boeing affrété par l’ONG ait eu la permission d’atterrir à l’aéroport d’Abéché, dont la piste est trop courte." Or qui controle l’aéroport d’Abéché ? Qui a réalisé l’extension de la piste nécessaire à l’atterrissage du Boeing loué par Children Rescue/Arche de Zoé ? »

La Planète bleue demande également :

" Pourquoi et comment l’association l’Arche de Zoé, a-t-elle pu utiliser les avions Transal de l’armée française, pour transporter son matériel de N’Djaména à Abéché ? Pourquoi les services du ministère français de la défense, connaissaient-ils le plan de vol du Boeing affrété par Eric Breteau, le président de l’Arche de Zoé ?

" Le Boeing atterrit à Abéché, un aérodrome sous contrôle militaire tchadien ... et français, certains gradés français étant présents dans la tour de contrôle. C’est depuis Abéché, que, grimés en blessés, les gamins devaient embarquer dans l’avion garé en bout de piste".

14) Si l’expédition de l’Arche de Zoé s’explique seulement par une mégalomanie humanitaire et une escroquerie de familles adoptives, pourquoi l’Arche de Zoé avait-elle prévu dans son contrat, paru sur internet, un suivi médical à long terme des enfants ?

« Les équipes de L’Arche de Zoé, composées de médecins, d’infirmières, de sapeurs-pompiers et d’autres spécialistes, assureront une prise en charge complète des enfants depuis les zones de guerre jusqu’à leur arrivée dans la famille d’accueil, en veillant tout particulièrement au confort matériel et affectif des enfants. Consciente des traumatismes déjà infligés à ces enfants pendant le conflit (blessures, maladies, villages brûlés, massacres de leur famille, etc...), L’Arche de Zoé assurera un suivi médical et psychologique à long terme afin de minimiser autant que possible l’impact du déracinement et des séquelles de cette guerre ».

Lors de l’arrestation des membres de l’Arche de Zoé au Tchad, le président Idriss Déby a caractérisé leur action comme « un enlèvement pur et simple » et a évoqué l’idée d’ « un trafic d’organes ou de pédophilie ».

Cette accusation relève à coup sûr de l’affabulation, probablement pour faire monter les enchères dans ses négociations actuelles avec l’Etat français. Reste cependant un point qui mériterait d’être élucidé.

Interrogée sur cette accusation par Le Parisien, Rama Yade a précisé : » Enlever les enfants comme ça est de mon point de vue illégal et irresponsable. Nous n’avons pas encore assez d’éléments pour (parler d’un trafic d’enfants-NDLR), mais il y a des risques", dit-elle ».

15) Pourquoi avoir laissé l’Arche de Zoé justifier son action par la situation d’urgence créée par le génocide en cours au Darfour alors que depuis 3 ans la situation s’était nettement améliorée dans le secteur ?

Pour des raisons politiques, les Etats-Unis et diverses associations font comme si la situation au Darfour en 2007 était la même qu’en 2003-2004. Cela permet par exemple une campagne contre la Chine.

Pour justifier préalablement son opération, l’arche de Zoé a utilisé des informations émanant du Comité International de la Croix Rouge, en leur faisant subir une inflation qui les rendait "grossièrement faux", selon une source du CICR. Ce dernier a obtenu que les manipulations au sujet de ses noms, de ses logos et de ses rapports disparaissent du site de l’Arche de Zoé (Le Monde des 4 et 5 novembre). "Des dérapages de cette sorte ont déjà été sanctionnés par la justice. En août, des organisations regroupées autour de Save Darfur avaient lancé dans la presse, une campagne affirmant que le conflit dans l’Ouest du Soudan avait fait 400000 morts. Cette campagne a été condamnée par les tribunaux britanniques pour publicité mensongère (Jean-Philippe Rémy in Le Monde).

Rony Brauman précise début novembre 2007 : « Sommes-nous aujourd’hui dans la situation de 2003-2004 ? La réponse est non. Il continue d’y avoir des violences disséminées, le gouvernement soudanais fait toujours la guerre aux « rebelles », mais le niveau de violence n’a rien à voir avec ce qu’il était il y a quatre ans. Un indicateur : la mortalité a été divisée par cent. Il y avait en moyenne 10000 morts par mois contre une centaine actuellement ».

Les appels pathétiques permanents à « sauver les enfants du Darfour », victimes d’un génocide, n’ont-ils pas influé sur la conviction des membres de l’Arche de Zoé de « faire le bien », de pratiquer une « ingérence humanitaire ».

Dans la réalité de l’Est tchadien, l’équipe d’Eric Breteau a remplacé des « orphelins du Darfour » par de petits tchadiens non orphelins, confiés temporairement à un centre d’hébergement d’urgence, à un « children center pour enfants en grande vulnérabilité »

Jacques Serieys


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