Séparation des pouvoirs, surpopulation carcérale, usage de la force lors des manifestations, discriminations par la police, libertés bafouées, concentration des médias, lutte contre les violences faites aux femmes… Un rapport de « suivi du respect par la France des obligations découlant de l’adhésion au Conseil de l’Europe », était présenté mardi 10 octobre 2023 en session plénière de l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe.
Ce document démontre de façon implacable que la France ne respecte pas les conventions qu’elle a pourtant signées. Et en premier lieu la Convention Européenne des Droits de l’Homme. Le rapport étrille la France pour atteintes récurrentes aux libertés, aux droits humains, à la démocratie et à l’État de droit. C’est dans le cadre de ce rapport que la Commission de Venise (organe du Conseil de l’Europe) avait été consultée et a émis un avis très critique sur le fameux article 49.3 de notre Constitution, au mois de juin.
Emmanuel Fernandes, député insoumis du Bas-Rhin, siège à l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe. Mardi 10 octobre, lors de la présentation de ce rapport accablant pour Macron, le député insoumis a pris la parole pour porter la voix de l’opposition française à cette dérive autoritaire menée à plein régime par le locataire de l’Élysée. Nous relayons son discours.
D’après nos sources, Bertrand Bouyx, député Renaissance s’est dit « très inquiet de la publicité négative pour le gouvernement » que ce texte pourrait faire. Alors surtout, si vous ne voulez pas embêter Emmanuel Macron, ne partagez pas cet article.
Monsieur le Président, le pays des droits de l’Homme, c’est ainsi que la France aime se présenter. Cette expression rassurante nous fournit une sorte de tapis sous lequel on peut commodément dissimuler toute la poussière dans une sorte d’auto-absolution. Le rapport d’une grande acuité qui nous est présenté nous permet de soulever ce tapis et nous invite à la lucidité et mon groupe félicite les rapporteures, exemptes de tout soupçon de partialité, pour leur excellent travail.
Oui, en France, la liberté de manifester est réprimée. Aujourd’hui même, une manifestation pacifiste a été interdite devant le bâtiment où nous nous trouvons et d’autres un petit peu partout dans le pays. Ces dernières années, ce sont des milliers de manifestants blessés, dont un grand nombre de blessures entraînant des séquelles graves dues à l’usage d’armes de guerre par la police.
Les rapporteures font état de violences illégitimes de la part d’agents de police qui restent impunis, et pour cause, les corps d’inspection de la police, et le rapport le cite bien, les corps d’inspection de la police et de la gendarmerie sont dépendants du ministère de l’Intérieur et très majoritairement constitués de policiers et de gendarmes qui sont de fait juges et parties.
Pourtant, depuis 2017, en France, 33 personnes ont été tuées par un policier ou un gendarme suite à un refus d’obtempérer. Dans ces six dernières années, ce sont deux fois plus de victimes qu’en quinze ans, entre 2002 et 2017. Est-ce cela le pays des droits de l’Homme ? Le rapport fait aussi état de comportements abusifs de la part de policiers et gendarmes qui affectent de manière disproportionnée les personnes perçues comme issues de l’immigration ou appartenant à des groupes minoritaires.
Oui, en France, les jeunes hommes perçus comme noirs ou arabes ont 20 fois plus de chance, 20 fois plus de chances de faire l’objet d’un contrôle d’identité que la moyenne de la population. Est-ce cela le pays des droits de l’Homme ? Nous soutenons la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance, qui appelle les autorités françaises à introduire sans délai un dispositif efficace de traçabilité des contrôles d’identité par la force publique.
49.3 – L’ingérence problématique du gouvernement dans le travail des députés Concernant l’État de droit, la Commission de Venise signale une ingérence significative et problématique de l’exécutif dans les pouvoirs du législateur avec l’article 49.3 de la Constitution. Ainsi, le gouvernement a pu faire passer de force une réforme des retraites refusée par l’ensemble des syndicats, par l’immense majorité de la population et par l’Assemblée nationale. Est-ce cela le pays des droits de l’Homme ?
D’autre part, des modifications de la Constitution sont recommandées pour libérer le pouvoir judiciaire des interférences du pouvoir exécutif. Mais le tableau se noircit encore, la Cour européenne des droits de l’Homme enjoint la France de mettre fin à une situation de surpopulation carcérale systémique, conditions indignes de détention contraires à l’Article 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme.
Oui, en France, les détenus sont soumis à des peines et des traitements inhumains et dégradants. Est-ce cela le pays des droits de l’Homme ? Concentration des médias dans les mains de quelques milliardaires, manque criant de moyens alloués à la lutte contre la corruption et contre les violences faites aux femmes. Oui, il est gangréné le pays des droits de l’Homme.
Je vous le dis ici au Conseil de l’Europe, gardien de l’état de droit, de la démocratie et des droits humains, que ce portrait accablant de la France correspond bien malheureusement à la réalité. Puisse ce rapport essentiel dissiper les dénis, éveiller les consciences et encourager les défenseurs de la liberté, de l’égalité et de la fraternité.
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