Colombie, fief ultralibéral profondément antidémocratique

mercredi 5 août 2020.
 

Les Etats Unis et les réactionnaires de tout poil exultent : un pays d’Amérique du Sud vient de voter à droite et stoppe ainsi la déferlante de la gauche dans ce sous-continent. Les médias reprennent en choeur l’ information.

La Colombie compte 46 millions d’habitants pour une superficie correspondant environ à 36 fois la Suisse. Son sol regorge de matières premières, d’or et d’émeraudes. Si la pauvreté a régressé dans le Vénézuéla voisin, elle s’est amplifiée en Colombie. 1,5% des propriétaires détiennent 80% des terres. 57% de la population vit dans la pauvreté dont 35% dans ue misère totale.

Les médias présentent surtout la Colombie comme le pays des FARC (Forces Armées Révolutionnaires de Colombie) qui ont enlevé Ingrid Bétancourt. Pour comprendre ce contexte violent, il faut rappeler quelques points d’histoire.

Dans les années 1933-1934, les actions revendicatives paysannes menées sous le drapeau de la gauche nationale modérée (l’UNIR) subissent la répression, les assassinats des "gardes départementales" armées par les grands propriétaires terriens.

En 1947, porté par un fort mouvement populaire l’UNIR remporte les élections législatives et municipales sous la direction de Jorge Eliezer Gaitan dit El Indio. Les conservateurs, l’oligarchie foncière et l’Eglise ne peuvent accepter de perdre un brin de leur pouvoir. Le 9 avril 1948, Jorge Eliezer Gaitan est assassiné en pein centre de la capitale. Les milieux populaires de Bogota se mobilisent ; l’armée et la police marchent contre eux ; la répression est terrible ; les premières guerrillas populaires se forment ; la guerre civile commence (elle fera 300000 morts).

9 avril 1948 L’assassinat de Gaitan déstabilise la Colombie pour plus de 60 ans

Pour casser le mouvement populaire dans ce pays où grandit Bolivar ( symbole de l’indépendance de l’Amérique du Sud), le pouvoir colombien soutenu par les Etats Unis érige la répression militaire en politique systématique. Toute opposition forte ( mouvement paysan, syndicat, étudiants, association de droits de l’homme...) est menacée, cassée, risquant sans cesse l’assassinat des dirigeants.

Dans les années 1960, deux mouvements d’autodéfense paysans apparaissent : les FARC et l’ELN (armée de Libération Nationale). Dès 1965, sur le conseil éclairé des Américains, le gouvernement colombien développe les groupes paramilitaires qui n’ont de comptes à rendre à personne dans leur sale guerre pour éliminer les guerrillas et les progressistes.

Aujourd’hui, l’Etat colombien maîtrise environ 60% du territoire ; les paramilitaires et les guerrillas se disputent le reste. Depuis 10 ans, le pays a connu 350000 assassinats, environ 4000 enlèvements par an, 2 millions de personnes déplacées (dont 1,1 million d’enfants). La situation sociale colombienne est catastrophique avec par exemple dans la jeunesse : 2 millions d’enfants maltraités, 2,5 millions d’enfants travaillant dans des conditions dégradantes, 30000 enfants des rues, 25000 mineurs prostitués...

Le président élu en 2002 et 2006, Uribe Velez, représente et illustre parfaitement la mentalité des grands propriétaires terriens colombiens dont le seul but est de garder leur pouvoir et leur richesse, quel qu’en soit le prix. Son pouvoir repose sur deux forces, d’une part les groupes paramilitaires, d’autre part les Etats Unis. Pour les USA, la Colombie représente le bastion à ne pas perdre ; aussi ce pays fait partie des 3 Etats du monde bénéficiant de la plus forte aide militaire américaine (avec Israel et l’Egypte).

Dans le cadre d’un accord de libre-échange avec les Etats Unis, la Colombie se pose en élève modèle du libéralisme sauvage : privatisations, asphyxie financière de secteurs comme l’éducation et la santé, destruction des services pulics, précarisation galopante des salariés...

L’utilisation de plus en plus fréquente des groupes paramilitaires d’extrême droite colombiens par les Etats Unis ( en 2004, une colonne a été arrêtée à seulement 20 kilomètres de la capitale vénézuélienne) menace l’équilibre de toute la région et montre jusqu’où la CIA est prête à aller pour stopper la progression de la gauche en Amérique latine.

Notre solidarité va au peuple qui souffre.

Ces "élections présidentielles du 28 mai 2006" avec 55% d’abstention ont peu de valeur. Notons seulement l’effondrement du candidat du parti libéral dont le score tombe de 32% des voix en 2002 à 12% aujourd’hui. Dans un contexte de guerre civile où les guerrillas ont perdu beaucoup de leur crédibilité en milieu urbain, la gauche colombienne n’avait jamais obtenu plus de 8% des voix. Arrivée en deuxième position en 2006, avec 22%, elle se positionne pour la première fois comme une alternative politique, même si beaucoup de chemin reste à faire. Ce succès représente d’abord un succès de son unité puisque toute la gauche s’était rassemblée dans le Pôle Démocratique Alternatif. Quant au fasciste en herbe, élu à la présidence, ses premiers mots ont été pour féliciter policiers et militaires, pour annoncer la poursuite d’une guerre sans merci contre les guerrilleros, pourtant en attente d’une ouverture.

Une devinette pour finir : quel est le parti adhérent de l’Internationale Socialiste ? Le Parti Libéral totalement lié aux intérêts des Etats Unis ou le Pôle Démocratique Alternatif ? C’est le Parti Libéral, alors que le pôle démocratique n’a qu’une place d’observateur.

Jacques Serieys le 30 mai 2006


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