Mayotte a soif. Depuis ce lundi 4 septembre, la quasi-totalité des communes de l’archipel est privée d’eau deux jours sur trois. Vous avez bien lu. En France, en 2023, alors que le camp présidentiel use des polémiques les plus abjectes pour faire oublier les véritables problèmes de la rentrée, les populations du département ne peuvent boire et se doucher qu’une journée sur trois.
En cause, une sécheresse inédite depuis 1997, mais surtout l’indigence des infrastructures hydriques sur place, résultat de décennies d’abandon par l’État du département le plus pauvre de France. La moitié des Mahorais vit avec moins de 160 euros…par mois !
Entre risques sanitaires, mépris des outre-mers et inaction climatique, le gouvernement français a laissé prospérer toutes les conditions favorables pour faire planer sur Mayotte, 101ème département français, l’ombre d’une crise humanitaire sans précédent. Notre article.
Août 2023. Si les Mahorais vivent déjà au rythme des coupures d’eau depuis le mois de mai, la situation hydrique du mois d’août est épouvantable. Alors que les deux retenues collinaires (ouvrages de stockage de l’eau qui sont remplies par les eaux de ruissellement et déconnectés du réseau hydrographique, ndlr) de Mayotte (Combani et Dzoumogné), qui assurent près de 80% de l’approvisionnement en eau de l’archipel, affichaient des taux de remplissage respectifs de 106% et 82% fin août 2022, elles ne sont plus remplies qu’à 25% et 14% fin août 2023. La saison des pluies a connu un déficit pluviométrique de 24%, allant jusqu’à 35% dans certaines zones.
Dans ce contexte, le département n’est plus capable de produire que 20 000m3 d’eau par jour, soit moins de la moitié des besoins quotidiens des habitants.
En conséquence, par un communiqué du 24 août, la préfecture de Mayotte annonce qu’à compter du 4 septembre, l’eau sera coupée 48 heures toutes les 24 heures dans l’ensemble du département. Objectif : tenir jusqu’à la prochaine saison des pluies, attendue pour le mois de novembre. La France rationne ses habitants.
En 2023, la 7ème puissance économique mondiale n’est donc plus capable d’assurer le droit d’accès à l’eau potable à ses citoyens. Et malheureusement, à Mayotte, cela fait bien longtemps. Mais le camp présidentiel, le RN et les éditorialistes agités sont trop occupés à parler abaya pour s’attarder sur ce désastre.
Si l’ampleur de la crise actuelle est notamment le fait d’une sécheresse historique, la plus forte depuis 1997 – par ailleurs conséquence directe des politiques néolibérales climaticides menées depuis des décennies, et que Macron et ses alliés s’appliquent à poursuivre en parfaite connaissance de cause – le niveau d’alerte s’explique aussi par la vétusté des infrastructures hydriques du département. L’abandon de l’Etat est total.
Car en dépit de la communication du gouvernement qui tente de faire passer la situation pour exceptionnelle, Mayotte n’a pas attendu la sécheresse de cet été pour vivre au rythme des coupures d’eau. Depuis 1997 au moins, les habitants voient les crises et les coupures se succéder. Chaque année, comme le souligne une mère de quatre enfants auprès de FranceInfo, « il y a des affrontements entre petits et grands qui se battent pour avoir de l’eau ». Chaque année, « […] à chaque coupure, les enfants pleurent ».
En cause notamment la déficience et l’insuffisance des infrastructures hydriques mahoraises. « On en est là parce qu’on est à 30 ans du manque d’investissement en infrastructures. On n’a pas assez de retenues collinaires pour stocker l’eau de pluie. » souligne Estelle Youssoupha, députée Libertés, Indépendant, Outre-mer et territoires (LIOT) de Mayotte. Même son de cloche chez les experts et militants sur place. Idem pour la Mission d’autorité environnementale de Mayotte qui dénonce, par un rapport du mois d’aout, l’insuffisance systématique des réponses des pouvoirs publics aux crises de l’eau.
Entre un syndicat de gestion de l’eau sous le coup d’une enquête préliminaire du Parquet national financier pour corruption, le serpent de mer d’une troisième retenue collinaire qui ne vient jamais, et les retards des travaux d’extension des usines de dessalement de l’eau, « Cela fait 20 ans que le gouvernement promet des investissements et ne tient pas ses promesses », fustige encore Estelle Youssoupha. Marie-Christine Vergiat, vice-présidente de la Ligue des droits de l’Homme, alarme : « Les investissements de l’État ne sont pas à la hauteur et surviennent systématiquement au moment d’une crise alors que c’est un problème récurrent et gravissime pour Mayotte ».
En somme, la crise de l’eau à Mayotte, qui atteint des sommets cet été, est le résultat direct de l’abandon d’un pan entier du territoire national et de ses habitants par les pouvoirs publics. Et les conséquences pourraient bien être dramatiques.
À Mayotte, l’Agence régionale de santé (ARS) et son directeur Olivier Brahic sont clairs : « Il ne faut pas que cette crise de l’eau se transforme en crise sanitaire ».
Car de fait, lors des coupures, des bactéries peuvent s’infiltrer dans les canalisations. Ainsi, sur Twitter (X), via le hashtag #MayotteASoif, les vidéos d’une eau noirâtre s’écoulant des robinets à la suite des coupures se multiplient. De son côté, l’ARS recommande même de faire bouillir l’eau les heures suivant son retour, redoutant une épidémie de choléra et de typhoïde. Des vaccinations préventives contre cette dernière ont même déjà eu lieu.
Et le tout sur un territoire où les points d’eau collectifs sont nombreux, où seulement 18% des ménages sont raccordés au réseau d’assainissement, et où les risques liés au stationnement et à la conservation d’une eau rationnée aggravent les risques.
Mais les conséquences sanitaires sont déjà là. Sur l’archipel, les témoignages alarmants de professionnels de santé se multiplient. Les cas de déshydratation infantiles avancées, dus au manque d’eau ou aux gastroentérites causées par sa piètre qualité, se multiplient. Même chose pour les problèmes cutanés et les plaies surinfectées.
Et pour ne rien arranger, dans le département le plus pauvre du pays où 77% de la population vit sous le seuil de pauvreté, le prix du pack d’eau oscille entre 4,50€ et 7€, approchant même parfois les 10€.
À Mayotte, la situation est infernale. Le réchauffement climatique galopant laisse craindre l’imminence d’une crise humanitaire dans un département français. Le gouvernement n’en fait pas sa priorité. La raison ? L’archipel n’est pas le 16ème arrondissement de Paris, où la situation serait réglée depuis bien longtemps. Mayotte est en revanche à plus de 8 000 kilomètres de la capitale, et le gouvernement a érigé le mépris des Outre-mer en sport national.
20 juillet 2023. Moins de 12 heures après avoir été nommé ministre délégué chargé des Outre-mer, le député MoDem Philippe Vigier sombre déjà dans le ridicule. En exprimant sur Twitter sa fierté d’intégrer le gouvernement, il publie une carte erronée des Outre-mer français, en oubliant certains, en positionnant mal d’autres. Quelques heures plus tard, 18 des 27 députés ultramarins déplorent la nomination d’un ministre qui « n’a jamais pris position pour défendre les intérêts ultramarins ».
Malheureusement, cette nomination n’est que la stricte continuité du mépris et de la violence que l’exécutif a toujours réservé aux Outre-mer. La politique ultramarine de Macron c’est pêle-mêle la nomination de 3 ministres en à peine plus de 3 ans ; l’envoi du RAID et le GIGN lorsque les Guadeloupéens demandaient plus de justice sociale ; le refus d’indemnisation des victimes du chlordécone en Martinique ; ces records en termes d’inégalités, de pauvreté, de taux de chômage… Et la liste est encore longue.
C’est aussi, en 2022, comme pour punir les Outre-mer d’avoir largement sanctionné la minorité présidentielle dans les urnes, le passage d’un ministère de plein exercice à un ministère délégué auprès du ministère de l’Intérieur. En faisant passer le ministère des Outre-mer dans le giron de Gérald Darmanin, Emmanuel Macron a adressé un message clair aux territoires ultramarins : celui de leur considération par le seul prisme sécuritaire, celui d’une régression historique. La sécurité d’abord, le reste, on verra plus tard.
Face à l’ampleur de la crise et à la dureté de la dernière salve de restrictions – qui pousse déjà des établissements scolaires entiers à fermer leur portes – le ministre des Outre-mer a annoncé le 2 septembre le lancement d’un « Plan Marshall » pour soulager les Mahorais. Et devinez-quoi ? Les annonces du gouvernement sont soit des promesses déjà-faites, soit des mesures exclusivement destinées à pallier l’urgence.
Rien d’étonnant de la part d’un gouvernement qui s’est opposé à la proposition de loi insoumise visant à garantir la gratuité de 50 litres d’eau par jour et par personne (le minimum vital recommandé par l’Organisation mondiale de la Santé), et qui rit au nez de Jean-Luc Mélenchon lorsqu’il s’inquiète des fuites du réseau d’eau français. À ce titre, c’est le préfet chargé de la mission eau à Mayotte lui-même qui reconnaît qu’un tiers (un tiers !) de la production d’eau mahoraise se perd dans les fuites.
Car La France insoumise (LFI) ne cesse d’alerter sur la gravité de la crise de l’eau, en France en général, à Mayotte en particulier. En 2017 déjà, Jean-Luc Mélenchon dénonçait la gravité de la situation mahoraise.
Depuis, les insoumis ne cessent de faire des propositions. Pour pallier l’urgence à Mayotte, le groupe parlementaire LFI-NUPES demande depuis juillet la discussion d’un plan urgence eau sur le fondement de l’article 50-1 de la Constitution. Il a aussi défendu à de nombreuses reprises le blocage des prix et la constitutionnalisation du droit à l’eau, afin de doter la France d’un outil juridique permettant de protéger le droit inaliénable de ses citoyens à ne pas mourir de soif.
Pour traiter le problème à la racine et alors que d’ici 50 ans le niveau de certaines napes phréatiques françaises pourrait diminuer de moitié, LFI défend un plan global de protection l’eau, bien commun de l’humanité.
Il y a urgence à agir : 3 jours sans eau et nous, êtres humains, sommes morts. Pourtant, le gouvernement laisse les mahorais s’assoiffer, laisse les grandes entreprises faire main basse sur « l’or bleu » et en altérer la qualité et fait la milice zélée des méga-bassines. Face à l’irresponsabilité dangereuse du camp présidentiel, la protection de l’eau doit être une priorité.
Par Eliot
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