Après la mort de Mohamed Bendriss à Marseille, des policiers du Raid en garde à vue

mardi 15 août 2023.
 

Un mois après le décès de Mohamed Bendriss, touché par un tir de LBD en pleine poitrine qui a provoqué une crise cardiaque, cinq policiers du Raid ont été placés en garde à vue mardi 8 août. Deux d’entre eux ont été libérés au bout de quelques heures.

À Marseille, cinq policiers de l’antenne locale du Raid ont été placés en garde à vue mardi 8 août au matin. Deux d’entre eux ont été remis en liberté au bout de quelques heures, tandis que la garde à vue de trois fonctionnaires se poursuivait mardi soir, a indiqué la procureure de Marseille dans un communiqué.

Ils sont soupçonnés d’avoir participé à l’intervention de police ayant causé la mort de Mohamed Bendriss, 27 ans, dans la nuit du 1er au 2 juillet. D’autres policiers étaient « également convoqués ce jour afin d’être entendus en qualité de témoins », a précisé le parquet. D’après BFMTV, ils seraient une vingtaine.

Le 2 juillet à une heure du matin, alors que Marseille connaît sa deuxième soirée d’émeutes consécutives à la mort du jeune Nahel à Nanterre, Mohamed Bendriss s’effondre cours Lieutaud, juste devant chez sa mère, où il arrive en scooter. Malgré les efforts des pompiers, arrivés sur place à 1 h 07, puis des urgences de la Timone, où il est admis à 1 h 26, il n’a pas pu être réanimé. Son décès est prononcé à 2 h 05.

Sur son thorax et l’intérieur de sa cuisse droite, les médecins notent deux impacts « en cocarde » de 4,5 centimètres de diamètre, évocateurs d’un « flashball » (aujourd’hui remplacé par le LBD). L’autopsie conclut que ce « commotio cordis » (choc sur le cœur) a probablement causé la crise cardiaque qui a emporté ce jeune homme sans antécédents médicaux, livreur Uber Eats de nationalité algérienne.

L’information judiciaire pour « coups mortels » avec arme ouverte le 4 juillet, confiée à l’IGPN et à la PJ, vise à établir les circonstances du tir. Début juillet, une première exploitation des caméras de surveillance situées sur le cours Lieutaud montrait les derniers mètres du parcours de Mohamed Bendriss sur son scooter, sans casque et « recroquevillé sur lui-même », mais ne permettait pas d’établir d’où, à quel endroit du centre-ville, il avait été touché et par qui.

Selon nos informations, les enquêteurs disposent désormais d’images permettant de localiser les faits rue de Rome, un secteur en proie à des pillages. Le Raid était alors déployé dans le centre-ville de Marseille. Cette unité d’élite, plus rodée aux prises d’otages et aux interventions exceptionnelles qu’au maintien de l’ordre, peut être équipée de LBD et de « bean bags », des projectiles remplis de petites billes qui provoquent le même type de blessures.

Le 31 juillet, les proches de Mohamed Bendriss ont été reçus par la juge d’instruction pour leur première audition en tant que parties civiles. Une semaine plus tôt, Mediapart et Libération avaient rencontré Nour, la veuve du défunt, mère de son enfant et enceinte d’un deuxième. « Je veux que le policier qui a tué mon mari soit retrouvé », déclarait alors cette jeune femme de 19 ans, ajoutant : « On ne tue pas des gens comme ça, on ne laisse pas des familles souffrir derrière. Je ne lâcherai pas. » « Mon fils n’était pas avec les émeutes, je sais qu’il n’a rien fait », assurait de son côté Meriem, la mère de Mohamed.

Le cousin de la victime éborgné la veille

La veille du décès de Mohamed Bendriss, son cousin Abdelkarim Y., 22 ans, a été atteint à l’œil gauche par un projectile en passant à proximité de policiers, à l’angle de la rue Saint-Ferréol et de la rue Davso. Il en a perdu l’usage. Le jeune homme explique qu’il s’apprêtait à « tourner dans une ruelle » quand il s’est fait tirer dessus à une dizaine de mètres. Une enquête préliminaire a été ouverte et Abdelkarim Y. a été entendu par l’IGPN le 24 juillet.

D’après le témoignage d’Abdelkarim Y., recueilli par Mediapart et Libération le 22 juillet, et dont il a confirmé la teneur lors de sa déposition, les policiers du Raid pourraient également être en cause. La victime décrit des agents « habillés en noir, avec des casques noirs » qu’il n’avait « jamais vus dans Marseille » et reconnaît des camionnettes du Raid sur des images. Dans ses souvenirs, un policier muni d’une arme longue « sortait du toit » d’un véhicule et un autre était positionné « à côté », tandis que l’essentiel des fonctionnaires se trouvait à l’intérieur.

« L’ordre qui a été donné de faire intervenir des policiers du Raid, qui n’ont pas vocation à intervenir dans des violences urbaines, est une faute politique grave, réagit Arié Alimi, l’avocat d’Abdelkarim Y. et de la famille de Mohamed Bendriss. Elle a causé des morts et des mutilations. Le fait que deux cousins, d’origine maghrébine, puissent en être victimes à un jour d’intervalle doit interroger sur les critères d’opération du Raid. »

Dans une troisième affaire marseillaise, survenue dans la nuit du 1er au 2 juillet, Hedi R., 22 ans, a été très gravement blessé à la tête par un tir de LBD suivi de ce qu’il décrit comme un « tabassage » en règle. Quatre policiers de la BAC ont été mis en examen pour des « violences aggravées » et l’un d’entre eux, soupçonné d’être le tireur, placé en détention provisoire. Le 3 août, malgré la fronde dans les rangs policiers, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a refusé de le remettre en liberté.

Camille Polloni


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