Conseil constitutionnel : le choix du pire (revue de presse)

mercredi 19 avril 2023.
 

1) Conseil constitutionnel : le choix du pire (Libération)

En validant l’essentiel de la réforme des retraites, les « sages » ont livré une décision brutale et jeté de l’huile sur le brasier social.

Comment le Conseil constitutionnel aurait-il pu à la fois défendre son autorité juridique et son rôle politique, comment justifier l’existence de cette exception française étrange à la place d’une Cour suprême faite uniquement de juristes éminents ? On s’attendait à une prouesse de virtuosité linguistique, un verdict d’une élégance digne du roi Salomon, une formulation du « en même temps » qui ne changerait peut-être rien sur le fond, mais brillerait tellement par sa forme qu’elle pourrait aveugler temporairement les foules qui espéraient une décision contraire.

La décision du Conseil constitutionnel de valider vendredi soir l’essentiel de la réforme des retraites surprend donc à plus d’un titre.

Sur la forme, les « sages » – ce surnom ne peut être utilisé maintenant que par ironie – ont livré une décision brutale, écrite dans une forme bureaucratique dénuée de tout style ou de toute nuance.

Sur le fond, la décision va au-delà du texte gouvernemental tant décrié, censurant seulement les quelques articles que le gouvernement et le Sénat avaient ajoutés pour créer une impression d’équilibre social, et censurant totalement uniquement l’idée d’un référendum qui pourrait faire patienter les opposants quelques mois.

Sur ce brasier social qu’ont allumé partout en France le report de l’âge de la retraite à 64 ans et l’usage de l’article 49.3, les « sages » ont donc « versé un jerrican d’essence », selon la réaction immédiate de l’un des opposants les plus modérés, le communiste Fabien Roussel.

Et fidèle à ses passions de pyromane, Emmanuel Macron annonçait immédiatement que la loi serait promulguée sous quarante-huit heures, alors qu’il a deux semaines pour le faire. Essayant de jouer l’apaisement impossible, la Première ministre, Elisabeth Borne, a déclaré qu’il n’y avait dans cette décision du Conseil « ni vainqueurs ni vaincus ». Ce pieux mensonge est en partie vrai, comme il ne peut y avoir de vainqueur qu’à la fin d’une bataille, et cette bataille est loin d’être terminée.

2) Décision du Conseil constitutionnel : la mobilisation continue ! LFI

Le Conseil constitutionnel a donc validé le projet de loi sur les retraites. Nous dénonçons cette décision : les arguments juridiques étaient nombreux pour invalider une procédure parlementaire qui a multiplié les passages en force et qui n’a pas permis de garantir la sincérité des débats. Elle démontre à quel point les institutions de la 5ème République permettent la décision d’un homme seul, même quand se dresse face à lui le pays tout entier. Cette décision montre un Conseil simplement au service de la monarchie présidentielle et non du peuple souverain. L’urgence du passage à une 6ème République par la convocation d’une Assemblée Constituante en sort encore renforcée.

Que la loi soit jugée constitutionnelle n’empêche pas qu’elle soit inutile et injuste. Cette décision ne change rien à notre opposition totale au report de l’âge de départ à la retraite à 64 ans. Après 3 mois d’une mobilisation la plus puissante du pays depuis 50 ans, le blocage reste total. Emmanuel Macron ne peut pas aller quelque part dans le monde sans être poursuivi par l’opposition à la réforme des retraites. Pour y mettre un terme, il doit en prendre acte de son échec et ne pas promulguer cette loi.

De notre côté, nous appelons à la poursuite de la mobilisation par tous les moyens. Nous soutiendrons tous les mouvements de grève qui sont engagés, y compris financièrement avec notre caisse de grève qui a récolté plus d’un million d’euros. Nous appuierons les prochaines initiatives de l’intersyndicale. Et nous proposons à l’ensemble des organisations syndicales, associatives et politiques qui le souhaitent de se réunir dans les prochains jours pour prendre ensemble des initiatives complémentaires de celles de l’intersyndicale.

3) Une véritable provocation, une gifle (Fabien Roussel dans L’Huma)

Les principales dispositions de la loi sont validées, seules des mesures annexes sont repoussées. Quelle est votre réaction ?

Ce texte a été amputé des seules mesures qui étaient présentées comme sociales. La moindre des choses, c’est de le représenter au Parlement dans son entièreté. L’article 10 de la Constitution le permet. Le pire de cette loi a été retenu : deux ans de plus pour tous les travailleurs. C’est une véritable provocation, une gifle. Ce n’est plus jeter de l’huile sur le feu mais un jerrican d’essence. Nous avons besoin de démocratie. Il faut retirer cette réforme ou au moins consulter le peuple.

Le Conseil constitutionnel avait beaucoup de motifs d’invalider la loi. A-t-il joué son rôle ?

Je ne remets pas en cause le Conseil constitutionnel, ni les décisions qu’il prend mais je regrette ce choix car nous avions donné beaucoup d’arguments. Il a encore une possibilité de se rattraper. Nous espérons en effet que la deuxième demande de référendum d’initiative partagée sera retenue, d’ici le 3 mai.

Quelle est la priorité aujourd’hui, après cette décision et la perspective d’une promulgation rapide ?

La priorité est de réagir fortement, peut-être sortir tous dans la rue, face à l’annonce du Conseil constitutionnel, qui est extrêmement grave. On verra ce que décidera l’intersyndicale. Le 1er-Mai doit être puissant, mais peut-être y aura-t-il d’autres mobilisations avant. Il faut une réaction la plus pacifique et déterminée, pour se faire respecter face à ce que nous vivons : un président qui décide de promulguer à peine la décision du Conseil constitutionnelle connue. C’est une provocation supplémentaire.

4) Après la validation de la loi, la mobilisation continue pour dégager Macron et sa réforme (NPA)

Sans grande surprise, le Conseil constitutionnel vient de valider le projet de contre-réforme des retraites et de rejeter la proposition d’organisation d’un référendum d’initiative partagée. Après le 49.3, c’est un scandale démocratique de plus qui illustre une nouvelle fois la faillite de ces institutions faites pour servir les puissants.

Ce gouvernement est issu d’un vote minoritaire aux législatives, il est minoritaire à l’Assemblée nationale, il est illégitime et doit user massivement de la répression policière pour passer en force. Macron, un président mal élu ayant fait 21% des inscrits au premier tour de la présidentielle ; 70% d’opposition au projet de loi sur les retraites ; des millions de personnes en grève et dans la rue depuis trois mois... Mais cette Ve République leur permet de passer en force contre la volonté populaire.

Derrière la constitutionnalité du projet de loi se cache l’injustice sociale de la contre-réforme. C’est bien la preuve qu’il faut en finir avec ces institutions, qu’il y a urgence à organiser une assemblée constituante : pour un pouvoir des exploitéEs et des oppriméEs, issus des mobilisations sociales, pour changer radicalement un système à bout de souffle.

Dans l’immédiat, la mobilisation doit se poursuivre car nous n’avons pas perdu. Nous pouvons infliger une défaite à ce pouvoir, grâce à un sursaut populaire, une nouvelle vague de colère dès ce soir, dès ce week-end, et une relance de la grève pour arrêter ce gouvernement de casseurs. Nous avons déjà fait reculer le pouvoir en 2006, qui avait dû retirer sa loi sur le CPE, pourtant promulguée. Nous pouvons le faire de nouveau.

Le NPA propose que toutes les organisations de gauche sociale et politique, du mouvement ouvrier – syndicats, partis, associations – se rencontrent au plus vite pour construire de telles perspectives, de façon unitaire. Dans ce cadre, nous défendons l’organisation rapide d’une grande manifestation nationale, d’une marche vers l’Élysée.

Ce n’est qu’un début…

Montreuil le vendredi 14 avril 2023


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