Les violences sexuelles de la police sur les manifestant·es sont une arme de guerre

jeudi 6 avril 2023.
 

La semaine dernière à Nantes, quatre étudiantes ont déposé plainte pour «  violences sexuelles par dépositaire de l’autorité publique  » après avoir subi une fouille au corps lors d’une nasse par la police. Cette affaire n’est pas un cas isolé, nombre de manifestant·e·s (vidéos à l’appui) alertent sur des coups de matraque ciblés ou de tirs de LBD en direction de leurs organes génitaux. Le 19 janvier, un ingénieur franco-espagnol qui manifestait contre la réforme des retraites à Paris a été plaqué au sol par un policier qui a ensuite visé «  délibérément ses parties génitales  » Il fut amputé d’un de ses testicules suite à cette attaque. Ces types de violences pourraient s’apparenter à des violences sexuelles dans la mesure où elles visent à humilier le sujet par un acte de domination physique et symbolique.

Les violences sexuelles commises par les forces de l’ordre sont loin d’être de simples "dérapages". À l’échelle internationale, ce sont des méthodes de répression souvent employées sur les manifestant·e·s. Or s’il est aujourd’hui admis par le Conseil de sécurité de l’ONU que le viol et les agressions sexuelles sont des armes de guerre à part entière et qu’elles sont utilisées dans nombre de conflits armés, il faut également ajouter que ces méthodes sont déployées par les forces de l’ordre pour museler les mouvements contestataires.

Nous, habitant·e·s du «  pays des droits de l’homme  » sommes prompts à nous indigner lorsque ces procédés sont exercés ailleurs. À juste titre, nous sommes horrifié·e·s lorsqu’en Iran les forces de l’ordre recourent aux agressions sexuelles et aux viols pour réfréner les protestations. Nous acquiesçions volontiers en 2021 quand Amnesty International expliquait que la police utilisait massivement les violences sexuelles pour enrayer la grève nationale colombienne.

Agnès Callamard, secrétaire générale d’Amnesty précisait à ce sujet : «  la violence fondée sur le genre a été un instrument de répression utilisé par la police nationale pour punir les personnes qui osaient faire entendre leur voix en manifestant  ». Le rapport concluait : «  Les violations ont eu lieu lorsque la police nationale a dispersé les manifestations et pendant les détentions. Dans ces deux contextes, protégés par leur statut, des membres de la police nationale ont commis des actes allant des injures sexistes à la menace de violences sexuelles. À travers ces violences, les policiers cherchaient à punir les personnes qui manifestaient.  »

Alors pourquoi cette difficulté à analyser la situation de notre propre pays en proie à la répression policière dans un climat contestataire  ?

Pourquoi ce déni sur les violences perpétrées par les forces de l’ordre françaises, y compris sexuelles ? Par exemple, bien que la France compte parmi les polices les plus violentes d’Europe, elle n’a pas participé au programme européen Godiac (2010/2013) pour la mise en commun des bonnes pratiques dans le maintien de l’ordre. La raison  ? Selon le sociologue Olivier Fillieule, «  elle ne se sentait pas concernée  ». Circulez il n’y a rien à voir, nous dit-on et pourtant ces dynamiques de pouvoir sont clairement assumées par l’exécutif, et en premier lieu par le président.

Au sein de mon essai : «  Les hommes hétéros le sont-ils vraiment  ?  », il est rappelé qu’Emmanuel Macron surnomme les gendarmes et les policiers «  les enfants de la République  ». Il tend également à se présenter en «  Père  » symbolique, sous-entendant que «  la République  » a un statut d’épouse, de terre mère, qu’il convient de protéger et défendre.

Par cette parabole, il considère ainsi les «  forces de l’ordre  » comme ses enfants légitimes, légitimés car obéissants et servant ses intérêts. Dans cette vision paternaliste, les français·e·s sont également les enfants du Père qu’il incarne. Ce paternalisme, Clara Degiovanni le soulignait déjà dans un article pour Philosophie Magazine en 2020. Elle prend pour exemple le 16 mars 2020, lorsqu’ « Emmanuel Macron a sommé les Français de profiter du confinement pour lire et « retrouver ce sens de l’essentiel ». Pour la journaliste, le président s’est alors « immiscé dans leur maison, devenant ce « locataire » imprévu. »

Toujours est-il que le président octroie aux “enfants légitimes”, -ici les force de l’ordre- le pouvoir disciplinaire de «  dresser  » et de punir ses autres enfants désobéissants et belliqueux que sont les manifestant·e·s. Une dérive autoritaire qui transparaît donc pleinement dans “la philosophie” de son discours. Face aux offensives paternalistes et brutales du président, ne laissons plus rien passer.

Léane Alestra

Journaliste société spécialisée dans les questions de genre, autrice et créatrice de Mécréantes.

Sources :

Sud Ouest : La police française est-elle plus violente et raciste que les autres polices européennes  ? https://www.sudouest.fr/faits-diver...

Philosophie Magazine : Le clip “Nous retrouver” de Macron : un paternalisme jovial ? Par Clara Degiovanni https://www.philomag.com/articles/l...

Amnesty International : Violences policières en France https://www.amnesty.fr/dossiers/dos...

Amnesty International : COLOMBIE : LA POLICE USE DE VIOLENCES SEXUELLES COMME ARME DE RÉPRESSION DES MANIFESTATIONS https://www.amnesty.fr/actualites/c...


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