Le retour du protectionnisme.

jeudi 19 janvier 2023.
 

La crise sanitaire mondiale et la guerre en Ukraine ont montré à un large public que le libre-échange mondialisé aboutissait à une situation chaotique : rupture des chaînes de valeur, pénurie de biens… indispensables

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Assiste-on aujourd’hui au grand retour du protectionnisme ?

Source : émission « Entendez-vous l’éco ? » Sur FC de Tiphaine de Rocquigny

https://www.radiofrance.fr/francecu...

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De la guerre commerciale aux velléités de moindre dépendance des chaînes de valeur aux lendemains du Covid, assiste-t-on à un nouvel engouement pour des mesures protectionnistes ?

Avec

Ali Laïdi Docteur en science politique, co-fondateur de l’Ecole de la pensée sur la guerre économique, chroniqueur à France 24 où il est responsable du "Journal de l’Intelligence économique"

Sylvie Matelly Economiste et directrice adjointe de l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS)

Pauline Wibaux économiste au CEPII

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Présentation de l’émission sur le site de France Culture

La période 1945-2000 est marquée, sur le long terme, par un processus de réduction des barrières aux échanges. Dans le cadre du GATT, puis de l’OMC, les droits de douane sont régulièrement abaissés, le taux moyen de protection douanière, pour le monde entier, étant divisé par 12,5 entre 1946 (à la veille des accords du GATT signés en octobre 1947) et 1980. Pour autant, le protectionnisme est loin d’avoir disparu, puisqu’il revient sur le devant de la scène dans un contexte où chacun cherche à relancer son économie en s’appuyant sur des productions locales et en faisant d’une moindre dépendance aux chaînes de valeur mondiales un atout économique.

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Depuis 1945 : la mondialisation ne signifie pas le triomphe invétéré du libre-échange

Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, une nouvelle ère semble s’amorcer pour le commerce international. Des institutions dédiées à sa régulation apparaissent (le GATT en 1947 puis l’OMC en 1995) avec en vue plusieurs objectifs : abaisser les droits de douanes, lutter contre toutes formes de dumping (subventions à l’économie nationale), favoriser le multilatéralisme et assurer un meilleur arbitrage des conflits. Selon Sylvie Mattely "au sortir de la seconde guerre mondiale, l’objectif c’est la reconstruction et le développement, avec une idée qui est claire et qui est une idée libérale. Il s’agit de reconstruire très vite et pour assurer la paix et la stabilité du monde à long terme, et il faut accompagner les pays dans leur reconstruction. Pour les accompagner dans cette reconstruction puis vers le développement économique, il faut des institutions qui permettent l’échange international. Avec l’ouverture des économies, mais aussi avec le Fonds monétaire international et la Banque mondiale afin d’assurer le financement de cette reconstruction". Par ailleurs, les contournements au GATT sont nombreux, Ali Laïdi cite deux exemples "du côté des Etats-Unis, l’agriculture reçoit d’énormes subventions des fonds fédéraux, qui sont données aux agriculteurs américains pour soutenir le prix et la production. A travers les Farm Bill, on assiste à la multiplication de lois sur l’agriculture américaine. Second exemple, les Etats-Unis ont obligé leurs partenaires, essentiellement le Japon et l’Europe, a signé des accords de réduction de leurs exportations vers les Etats-Unis, ce qui était totalement illégal par rapport aux règles du GATT. Les Etats-Unis exerçaient une très forte pression notamment sur l’automobile, sur l’électronique, sur l’agriculture, le textile, et menaçaient de faire passer des lois aux Congrès pour empêcher les exportations. Ne voulant pas prendre le risque d’entrer en conflit avec la première puissance économique mondiale, ces pays ont signé des accords de réduction de leurs exportations".

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Assiste-on aujourd’hui au grand retour du protectionnisme ?

Il semble aujourd’hui plus évident que dans les années 1990 que le protectionnisme n’est pas mort et que la politique commerciale continue de servir les intérêts géopolitiques des nations. Pauline Wibaux ajoute "après la crise de de 2008, on assiste à une accumulation de crises qui vont faire naître de nouvelles formes de protectionnisme. Il y a trois grandes dynamiques, avec la pandémie du Covid qui met au jour les dépendances stratégiques, et le retour de l’intervention de l’Etat avec des subventions aux entreprises ; il y a également la question climatique qui fait que les Etats vont aussi avoir recours aux normes environnementales et écologiques et enfin, il y a une dimension géopolitique et géostratégique qui prend de plus en plus de place. Ces trois facteurs mis ensemble, cela donne ces nouvelles formes de protectionnisme qui sont beaucoup moins classiques que les droits de douane et les quotas que l’on avait l’habitude de voir pendant le GATT et au début de l’OMC. Les politiques sont en fait nettement moins transparentes que les simples droits de douane et ces politiques sont aussi nettement plus discrétionnaires".

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Pour aller plus loin

Ali Laïdi : Histoire mondiale du protectionnisme (Passés composés, 2022)

Ali Laïdi : Histoire mondiale de la guerre économique (Perin, 2016)

Sylvie Matelly : Géopolitique de l’économie (Eyrolles, 2021)

Anne-Sophie Alsif, Vincent Charlet, Clément Lesniak : La France est-elle exposée au risque protectionniste ? (Presses des Mines, 2020)

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Références sonores

Extrait archive Alain Peyrefitte sur le GATT, 1960

Témoignage Brexit et critique de la mondialisation, France Inter, 23 juin 2016 Ursula von der Leyen (Présidente de la Commission européenne) s’adresse aux étudiant-es du Collège de l’Europe à Bruges, 4 décembre 2022)

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Références musicales La mondialisation, par Pierre Perret

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voir aussi sur notre site :

L’histoire du libre-échange et du protectionnisme ( Par Christian Schneider) https://www.gauchemip.org/spip.php?...

** Hervé Debonrivage


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