Retraites : la gauche suisse monte aussi au front !

jeudi 15 septembre 2022.
 

La bataille des retraites fait rage en France, mais également en Suisse, où le peuple se prononcera, le 25 septembre prochain, sur l’élévation de l’âge de la retraite des femmes de 64 à 65 ans (comme pour les hommes).

Ce combat est essentiel, car si ce projet devait l’emporter, la droite et le patronat ne se gêneraient pas pour aller encore plus loin, en portant l’âge de la retraite pour toutes et tous à 66 ans, voire à un âge plus avancé.

Même si cette votation est loin d’être jouée d’avance, les syndicats, les collectifs féministes et les partis de gauche, auteurs du référendum contre ce projet, sont relativement optimistes. D’abord parce qu’en moins de cinquante jours, ils ont récolté plus de 100 000 signatures à l’appui de ce référendum, alors que 50 000 suffisaient ! Ensuite parce que les citoyennes et les citoyens suisses ont déjà rejeté une telle « réforme » à deux reprises.

Finances et espérance de vie

Selon le patronat et les partis bourgeois, l’élévation de l’âge de la retraite des femmes est indispensable, en raison de l’augmentation de l’espérance de vie et de la nécessité de consolider la situation financière de l’Assurance vieillesse et survivants (AVS, part publique du régime des retraites). Ce qu’ils ne disent pas, c’est que ces dernières années les comptes de l’AVS ont bouclé à plusieurs reprises avec un résultat positif (2,6 milliards de francs en 2021).

En outre, lorsqu’il arrive en fin de carrière, un travailleur n’est pas moins fatigué parce que l’espérance de vie a augmenté d’une année ou deux, surtout lorsqu’il a exercé un métier pénible. Cela n’a pas empêché les jeunes libéraux-radicaux de déposer une initiative populaire qui vise à porter l’âge de la retraite à 66 ans pour les hommes comme pour les femmes et, dans un deuxième temps, à aligner automatiquement l’âge de la retraite sur la progression de l’espérance de vie.

Sur le dos des femmes

La gauche dénonce le fait que la hausse du départ à la retraite reviendrait à économiser environ dix milliards de francs (aujourd’hui, un franc suisse vaut un euro) sur le dos des femmes. Cela signifie une baisse de rente de 1 200 francs chaque année, alors qu’elles touchent déjà un tiers de moins de pensions que les hommes. Il n’y a donc rien d’étonnant à ce qu’une telle dégradation de la situation des femmes à la retraite suscite une forte résistance.

L’alignement de l’âge de la retraite des femmes sur celui des hommes sera en outre inacceptable tant que l’égalité n’aura pas été réalisée dans des domaines aussi importants que les salaires, la formation ou l’accès à des postes à responsabilité.

L’argent ne manque pas !

Emmenées par l’Union syndicale suisse (USS), les forces progressistes de Suisse ne se contentent pas de mener cette bataille défensive. Elles ont aussi lancé deux projets offensifs sur le thème des retraites :

- Déjà déposée, une initiative de l’USS vise à octroyer un treizième versement de l’AVS (sur le modèle du treizième mois, courant en Suisse) à tous les retraités, en vue d’augmenter leur pouvoir d’achat.

- La même USS a récemment lancé une initiative populaire dénommée « Renforcer l’AVS avec les bénéfices de la Banque nationale ». Les bénéfices exceptionnels et les taux d’intérêt négatifs ont fortement accru les capacités de distribution de la Banque nationale suisse (BNS), qui possède plus de mille milliards de francs sous forme d’actions, d’obligations et d’or. Ses réserves pour distributions futures sont dotées de plus de 100 milliards de francs, après les provisions et les distributions de six milliards de francs à la Confédération et aux cantons. Avec une telle accumulation de bénéfices exceptionnels, une redistribution s’impose, d’autant plus que cet argent appartient à la population. Le verser à l’AVS profiterait à tout le monde. Avec cette initiative, l’USS propose une alternative aux attaques en règle menées par le Parlement contre les retraites. Elle a toutefois opté pour un texte d’initiative qui continue de garantir l’indépendance de la Banque nationale en matière de politique monétaire. L’initiative demande uniquement que la répartition des distributions soit adaptée.

Cet article de notre ami Jean-Claude Rennwald (ancien député PS au Conseil national suisse, militant socialiste et syndical) a été publié dans le numéro 296 (été 2022) de Démocratie&Socialisme, la revue de la Gauche démocratique et sociale.

Conventions collectives plus généreuses

En Suisse, une partie des travailleurs peuvent partir à la retraite avant l’âge légal, grâce à des conventions collectives de travail (CCT) plus généreuses que la loi. C’est le cas dans le secteur de la construction et du génie civil, où les salariés peuvent quitter leur emploi à 60 ans, et cela suite à une grève très dure menée au début des années 2000. Des régimes plus favorables aux travailleurs existent également dans différentes branches de l’artisanat, alors que deux possibilités s’offrent aux salariés de l’horlogerie : partir une année avant l’âge légal ou bénéficier d’une retraite progressive, c’est-à-dire d’une réduction de la durée du travail dans les deux années qui précèdent l’âge normal de la retraite. Jusqu’à plus ample informé, ces systèmes plus généreux n’ont pas entraîné la faillite des branches économiques où ils sont en vigueur !

Jean-Claude Rennwald


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message