0) Message reçu ce 20 juillet 2011
Réponse à l’article Espagne 18 juillet 1936 L’armée, les riches, la droite, l’Eglise et les fascistes lancent un coup d’état contre la république
Vous traitez les franquistes de "fascistes espagnols". C’est faux. La phalange peut être caractérisée de fasciste ; mais il ne s’agit que d’une fraction minoritaire par rapport au poids de l’armée ou de l’Eglise catholique. Le franquisme est un régime autoritaire né de la crise de la société espagnole dans les années 1930, crise dans laquelle les responsabilités sont bien partagées.
Dans les années 1920 à 1945, l’Europe voit grandir et s’imposer dans plusieurs pays les bêtes immondes du fascisme.
Leur accession au pouvoir présente beaucoup de caractéristiques communes :
rôle décisif du patronat et en particulier du capital financier, des grands propriétaires fonciers
utilité des fascistes pour affronter les syndicats ouvriers, luttes ouvrières et organisations politiques ouvrières
osmose avec une grosse majorité d’élus de droite
soutiens importants au sein de l’armée et de la police
appui de l’Eglise catholique et moins souvent de protestants et orthodoxes
appui de couches sociales et lieux de pouvoir hérités de la féodalité (roi, noblesse rurale...)
implantation significative parmi les couches moyennes de travailleurs indépendants : artisans, commerçants, paysans...
Cependant, chaque fascisme national présente ces attributs de façon plus ou moins importantes.
Le nazisme a souvent été caractérisé comme un fascisme populiste et j’en suis d’accord.
Par contre, des fascismes comme ceux développés en Autriche sous Dollfuss, au Portugal sous Salazar, en Slovaquie sous Monseigneur Jozef Tiso, en Croatie sous Ante Pavelić peuvent être analysés comme des fascismes cléricaux tant l’Eglise catholique y joue un rôle décisif.
Le franquisme présente de nombreux traits communs avec le fascisme italien mais avec des aspects traditionalistes plus marqués.
Pour accéder à cette deuxième partie, cliquer sur le titre 2 ci-dessus.
La principale utilité du fascisme pour les classes possédantes, c’est d’écraser le mouvement social, les syndicats et leurs luttes, c’est d’éradiquer toute forme d’organisation indépendante des salariés. Pourquoi ? parce qu’elles veulent conserver leurs profits malgré la crise économique, malgré les revendications des salariés.
Le fascisme est une forme particulière de domination bourgeoise au sein du mode de production capitaliste. Les classes possédantes y ont recours dans une période économique difficile :
lorsque le maintien de leurs profits devient incompatible avec l’existence du prolétariat organisé (syndicalement et politiquement) et avec les concessions résultant des activités des syndicats
lorsque le programme et surtout la politique des partis politiques ouvriers menace leur domination politique et idéologique, conforte les revendications syndicales, leur apparaît incompatible avec la survie même du capitalisme.
Est-ce le cas dans l’Espagne des années 1930 ? Sans aucun doute.
La fraction la plus importante de la classe possédante espagnole est alors constituée des propriétaires fonciers. De 1930 à 1936, ce pays connaît un développement considérable du mouvement social paysan. Des syndicats s’organisent. Des luttes se développent, de plus en plus dures. Les salaires de misère augmentent un peu. Or, dans le même temps, d’une part la crise économique de 1929 entraîne la fermeture des frontières françaises, anglaises... à des produits agricoles espagnols, d’autre part la concurrence de l’Amérique latine s’accroît. Les grands propriétaires fonciers jouent un rôle décisif dans l’appel aux généraux pour renverser la République et écraser les paysans.
Les industriels et banquiers espagnols se trouvent dans une situation proche de celle des grands propriétaires parce que leur place dans le commerce européen et mondial s’est effondrée peu à peu depuis la fin de la première guerre mondiale.
La hiérarchie catholique représente un élément central des classes possédantes espagnoles de l’époque par son immense fortune, par son rôle économique et idéologique. Profondément arriérée et moyenâgeuse, elle voit avec horreur les classes populaires échapper à son emprise. De plus, les attaques du gouvernement républicain contre ses écoles confessionnelles touchent au coeur de sa domination idéologique absolutiste.
par l’interdiction des organisations ouvrières indépendantes
par le totalitarisme cruel imposé à ses opposants
par le rôle de son chef, le caudillo (guide) Francisco Paulino Hermenegildo Teódulo Franco y Bahamonde.
par ses liens avec les autres fascismes, en particulier portugais, allemand et italien
par son nationalisme extrême
par l’action et le programme de la Phalange
...
Confronté à un peuple espagnol aspirant à sortir de l’étouffement cléricalo-féodal, à des citoyens aspirant à faire valoir leurs droits, à des salariés décidés à pouvoir vivre de leur travail, le franquisme a été obligé pour vaincre de s’appuyer sur toutes les forces réactionnaires possibles pour l’emporter :
soutien de la classe possédante (industriels et banquiers). très majoritairement le grand patronat et la capital financier soutiennent les putschistes fascistes. Exemple : Le banquier Joan March Ordinas paie en grande partie la location et l’achat des avions pour réussir le transfert des troupes de Franco, des îles Canaries jusqu’en Andalousie, grâce à un pont aérien.
soutien de la classe possédante (propriétaires fonciers). Dans l’Espagne des années 1930, l’agriculture occupe 70% de la population active, représente plus de la moitié du revenu national, plus des deux tiers des exportations. Les grands propriétaires fonciers possèdent une majorité des terres et font (mal) vivre plusieurs millions de petits agriculteurs (fermage de parcelles, travaux saisonniers...) et d’ouvriers agricoles. Confrontés d’une à la montée d’un puissant mouvement de masse des petits paysans et ouvriers agricoles, d’autre part à des débouchés difficiles sur le marché international, les grands propriétaires fonciers apportent un soutien massif et décisif aux franquisme. Signalons de plus, que les junkers (gros propriétaires terriens prussiens) complètent l’apport financier de March après le pronunciamento du 18 juillet pour permettre le transport des troupes d’élite de Franco des Canaries jusqu’en Andalousie.
osmose avec une grosse majorité d’élus de droite
soutiens importants au sein de l’armée et de la police : Du 18 au 20 juillet 1936, presque toutes les garnisons espagnoles se prononcent pour le soulèvement fasciste.
Il est assez surprenant que des gens écrivent en 2011 "Le franquisme n’était pas un fascisme". Même les militaires franquistes, même les évêques franquistes, même Franco lui-même marquaient alors leur appartenance au fascisme en faisant le salut fasciste bien connu.
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