Septembre 869-883 : Révolte des Zanj

lundi 5 septembre 2022.
 

En amont du port de Bassorah dans l’Irak actuel, s’étendent entre Tigre et Euphrate de vastes plaines marécageuses où la salinité et les inondations rendent l’agriculture difficile. Afin de mettre en valeur ces terres du Chatt-al-Arab, les gouvernants et les propriétaires fonciers recourent dès le premier siècle de l’ère islamique à une main-d’œuvre servile : les zanj ou zandj (« noirs »), originaire d’Afrique orientale où ils sont capturés, achetés ou reçus en tribut des chefs locaux.

Regroupés dans des camps et employés au terrassement, à l’édification de digues, aux travaux agricoles, ces parias sont méconnus par l’historiographie. Ils ne surgissent dans les récits qu’à travers leurs révoltes. À la fin du VIIe siècle, deux soulèvements agitent la région pendant quelques mois avant d’être écrasés par les armées omeyyades. Mais c’est en 869 que démarre une grande insurrection qui fait bientôt vaciller le pouvoir.

Alors que le califat abbasside, sis à Bagdad, est en proie aux luttes de faction, les Zanj se rebellent avec à leur tête Ali Ibn Mohammed, le « maître des Zanj », un lettré aux origines obscures déjà connu pour ses menées subversives. Rejoints par d’autres groupes sociaux ou religieux hostiles aux autorités, ils prennent les armes, renversent leurs maîtres et prennent Bassorah en 871.

Face aux Zanj et à leur grande connaissance du territoire, propice aux actions de harcèlement, les campagnes punitives des Abbassides sont mises en déroute. Les troubles qui traversent simultanément le vaste empire compliquent la riposte. Si bien que les Zanj conquièrent le sud de l’Irak ainsi que l’actuel Khouzistan, dans l’ouest iranien, où Ali Ibn Mohammed établit une administration propre. En 879, après de nouvelles avancées, ils sont aux portes de Bagdad.

Ce n’est qu’alors que le califat concentre résolument ses efforts militaires sur les rebelles. Débute alors un lent reflux qui s’achève par le siège de leurs bases dans la région de Bassorah. Ces dernières tombent en 883 : Ali Ibn Mohammed est tué, ses lieutenants exécutés ainsi qu’une grande partie de ses partisans.

Décrite par les chroniqueurs abbassides comme exceptionnellement féroce et sanguinaire, la rébellion des Zanj représente l’un des conflits les plus meurtriers de l’époque : entre 500 000 et plus de 2 millions de morts en quatorze années, selon les sources. Un combat d’une rare dureté qui ne se résume toutefois pas à une guerre servile, et qui n’aurait pas été possible sans le soutien d’importants secteurs de la société face au pouvoir en place.

Thibaut L.


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