La gauche peut assurément passer le 1er tour en 2022 : rompre avec le discours défaitiste

samedi 18 décembre 2021.
 

Nombreux candidats, politiques, médias, militants, continuent de répéter sans aucune réflexion, sans aucun regard historique, et sans aucune prise en compte des changements électoraux récents, que l’élection serait déjà pliée et qu’à gauche tout serait déjà perdu, sauf peut être à voir émerger une « unité » thaumaturgique pourtant bien loin de correspondre à une réalité nécessaire.

La vieille musique de l’union et de la candidature commune commence même à se transformer en un fatalisme de ces personnes qui sont passées de « Sans union on va perdre » durant près d’un an de vide, à « Puisqu’il n’y a pas d’union alors on a déjà perdu », nouveau mantra de ceux qui n’ont que le bout de leur nez sous les yeux.

L’arrivée tôt en campagne de tout le monde (balayant donc la possibilité d’une « pré-union ») n’aura finalement pas permis de parler d’autre chose que de ce discours défaitiste et bien peu constructif. Au contraire, des militants, des figures politiques ou médiatiques, provenant pourtant parfois d’une gauche cultivée et plutôt sincère ont replongé là-dedans .

A défaut de réclamer l’union, à défaut de se plaindre de l’absence d’union, parlons programme ? Convainquons ? Militons ? Non, il faut que cela revienne sans cesse. Ce goût pour l’auto-destruction d’une grande partie de la gauche restera fascinant.

Peut-être est ce dû à Hidalgo qui arrive à tomber plus bas que le score de Hamon dans la majorité des sondages, à une primaire EELV qui -comme toutes les primaires- ne fait que montrer la désunion d’un parti après avoir causé la désillusion de 49% de ses propres militants et sympathisants, ou encore cela proviendrait justement de l’arrivée en campagne de tous les pressentis à gauche créant un mouvement de panique ?

Peu importe. Ce qui compte désormais, pour ceux capables d’optimisme, de regard vers l’avant, et d’un intérêt pour autre chose que ces malheureuses obsessions, c’est de voir la façon dont la gauche peut gagner en 2022, en commençant par contredire et s’appuyer sur ces prétendus obstacles.

1) L’absence d’union n’est pas un problème, pas plus que la multitude de candidatures

La gauche – en parlant d’étiquette, pas de politique- n’a gagné que 3 fois en France durant la Ve République, contre 6 pour la droite (Macron n’étant pas compté ici). Aucune des 3 victoires de la gauche n’ont eu lieu dans un contexte d’union, malgré la candidature commune de 1965 et 1974. Pire encore, au 1er tour la part totale de la gauche concurrente à celle du candidat de cette grande famille à avoir atteint le 2nd tour est très importante lors de ces victoires : Presque 25% en 1981, puis 15% en 1988 et 2012, et ce alors même qu’il y avait un nombre important de candidatures à gauche puisqu’il y en avait 6 en 1981 et 1988, encore 5 en 2012.

L’absence d’union n’a pas non plus empêché Jospin d’atteindre le 2nd tour en 1995 avec 23.5% et ce malgré les 4 autres candidatures de gauche réunissant pourtant un cumulé de plus de 17%, pas plus que Royal d’atteindre le 2nd tour en 2007 avec 26% alors même qu’il y avait cette fois 6 candidatures concurrentes à sa gauche, réunissant un score cumulé de plus de 10,5%.

On notera ainsi que le surplus de candidatures a plutôt tendance à faire augmenter le score global de la gauche. C’est un fait observable internationalement, et finalement assez logique puisque tout le monde trouve plus facilement un représentant de ses idées.

Il se trouve que pour 2022 il y a 7 candidatures à gauche***. Comme l’ensemble des partis se sont annoncés assez tôt, 7 devrait donc être le nombre maximal. Cependant il est certain qu’il y aura au moins un ou deux retraits d’ici là, amenant le nombre de candidatures à un niveau tout à fait habituel. Retraits par manque de parrainages, retraits par manque de ressources financières, ou retraits par alliances stratégiques (en réalité toujours par nécessité ou intérêt).

Les parrainages sont en effet toujours un problème pour le NPA et LO, ce sera également un problème pour Montebourg cette année.

Mais les potentiels retraits (où les plus importants) risquent de l’être principalement par manque de ressources financières. Le remboursement étant obtenu qu’à partir de 5% des voix, la candidature indépendante de Montebourg ne pourrait se maintenir qu’en ne dépensant très peu (c’est possible mais pas très intéressant), ou alors en visant sérieusement plus de 5% (ce qui est mal parti).

De même, le PCF qui ne s’est déjà pas fait rembourser les 2 millions du budget de campagne de l’élection européenne 2019 (en n’atteignant pas le seuil de 3% pour ce scrutin S0), et qui connaît des baisses de ressources financières depuis plusieurs décennies, pourra difficilement assumer ce retour à la présidentielle, campagne la plus coûteuse et pour laquelle ils semblent pourtant déjà maintenir un niveau élevé de dépenses (création d’une toute nouvelle charte graphique, camion à travers la France, meetings extérieurs avec grosses installations etc…).

Le PS n’est pas dans une meilleure situation puisqu’il a du vendre son siège historique après la présidentielle la plus coûteuse au nombre de voix reçues, et a enchaîné avec une importante perte d’élus. D’autant que la dernière fois le non remboursement n’était qu’à 1,3 points du score de Hamon, et qu’aujourd’hui Hidalgo connaît déjà de très nombreux sondages autour de ce seuil si important des 5%. Les premiers bruits sur un problème de financement se font déjà entendre, les socialistes revendiquant même d’avance une « campagne sobre ».

Autrement dit, seuls LFI et EELV devraient pouvoir assumer une grosse campagne, à la fois car ils ont plus de chance d’atteindre le seuil de remboursement, mais aussi parce que ce sont les deux seules organisations à avoir des ressources financières stables et/ou en augmentation depuis quelques années.

Bien évidemment tout ce monde là ne va pas se retirer, mais le moindre retrait amènera le nombre de candidatures à gauche totalement dans la moyenne, de quoi relativiser l’étendue de ce que certains font passer pour une dispersion inhabituelle et mortifère, d’autant qu’à partir de deux retraits -ce qui est extrêmement probable- on se retrouverait alors sur la moyenne basse, c’est à dire 5 candidatures et moins sur l’ensemble de la gauche.

Tout cela ne signifie pas pour autant que l’absence d’union et la multitude de candidatures ne peuvent pas poser problème, 2002 étant chez nous la référence à ce propos bien que cette année connue une abstention globale unique de +8pts sous la moyenne historique, et le record de 9 candidatures à gauche, soit deux caractéristiques peu envisagés aujourd’hui (les instituts mesurent un intérêt similaire pour la présidentielle entre 2016 et 2021 S2). Cependant, dans le contexte de 2022 qui aura probablement une marche assez basse pour atteindre le 2nd tour, et alors que les autres courants politiques devraient eux connaître une désunion plus importante qu’à leurs habitudes (on reviendra sur ces deux points en partie 4), il n’y a aucun doute à avoir sur la possibilité mathématique pour un candidat de gauche à fédérer autour des 20% nécessaires pour passer le 1er tour.

2) La gauche n’est pas moins forte aujourd’hui

C’est un point très important puisque si la gauche pesait foncièrement moins qu’il y a 5, 10, ou 15 ans, tout ce qui a été dit au dessus ne vaudrait rien.

Il faut d’abord avoir en tête que Hollande en 2012 réalise au 1er tour le meilleur score d’un candidat de gauche depuis 1988, et ce alors qu’il avait à sa propre gauche une concurrence à peu près équivalente à 1995 pour Jospin et même supérieure à 2007 pour Royal. L’ensemble de la gauche réalise pourtant au 1er tour plus de 43% en 2012, soit 7pts de plus qu’en 2007, 3pts de plus qu’en 1995, 10pts de plus qu’en 1969 et 1965.

La France aurait été plus à gauche en 2012 que 5, 17 ou 45 ans en arrière ? Bien sûr que non. Alors pourquoi appliquer le raisonnement inverse ?

En 2017 Macron, tout malin qu’il a été en se faisant passer « centriste » auprès des plus crédules, a réussi à récupérer près de 50% des électeurs de Hollande de 2012 S3. Il faut donc considérer l’électorat de Macron en 2017 comme principalement de centre gauche puisque 50 à 60% de ses voix proviennent de la gauche de 2012. Pour les plus réticents, sachez que 25 à 30% des électeurs de Mélenchon avaient Macron en second choix, et 50% des électeurs de Macron avaient Mélenchon ou Hamon en deuxième choix lors de ce scrutin. S4 second choix 2017

Si 50 à 60% de l’électorat de Macron 2017 provient de la gauche, et c’est le cas, alors cela produit donc un total gauche pour l’élection de 2017 autour de 40-42%. Autrement dit, dans la moyenne -même plutôt haute- historique.

Pourquoi la gauche se retrouve sondée autour de 30% pour 2022, soit une dizaine de points de moins que ce que l’on pourrait espérer ? Deux raisons.

La première est que Macron conserve toujours 10 à 20% de son électorat « de gauche » de 2017, électorat qui pourrait assurément se tourner vers une candidature Hidalgo ou Jadot. De cette manière le rapport gauche/droite est évidemment une donnée qui fluctue, d’autant plus aujourd’hui. Il y a toujours eu une proportion non négligeable d’électeurs qui glissaient d’un camp à l’autre selon les années, les contextes, et surtout selon les candidats. On oublie souvent que Bayrou a fait 18,5% en 2007, alors même que le centre en 2002 et 2012 pesait moins de 10%. Un bon exemple du mouvement des électeurs de centre gauche et droit.

Ainsi, « l’électorat de gauche », dans le sens de celui qui pourrait retourner voter à gauche de Macron, reste déjà mesuré dans les enquêtes pour 2022 autour de 33-36%, soit rien d’affolement bas.

La seconde est un problème qui touche beaucoup les milieux militants, il s’agit de concevoir que la majorité des gens ne votent pas tant par convictions. Les électorats vont certes avoir tendance à ne pas franchir de trop grosses frontières idéologiques, mais se décident ensuite plutôt sur une personnalité, pour éviter tel duel de 2nd tour, contre toutes les autres candidatures, ou simplement « par défaut ». Ce n’est pas réjouissant, et c’est probablement en grande partie la faute de médias et de candidats qui mettent le fond souvent au dernier plan, ajouté à un scrutin qui personnifie énormément une figure, mais c’est une réalité.

Il y a plusieurs moyen de le prouver, autour de 50% des électeurs de Macron qui disent voter « par devoir mais sans être convaincu » ou « pour empêcher un autre candidat », plutôt que « pour soutenir un candidat qui vous convient », ou encore une moyenne autour de 35-40% sur l’ensemble des candidats de « par défaut » lorsqu’il faut choisir avec « par adhésion » pour justifier son vote. S5 vote par adhesion ou par defaut

Ces deux points sont assurément amplifiés par « l’éclatement » des vieux partis, attachant moins les électeurs à une étiquette, ainsi que par l’exaspération d’une population face à sa classe dirigeante, brouillant encore plus les digues entres les familles politiques et poussant le motif électoral (comprendre la raison du vote), et donc aussi l’abstention, dans des retranchements autrefois plus marginaux. Tout cela amène également l’idée, maintenant répandue, que les blocs idéologiques se séparent de moins en moins en gauche/droite, malheureusement l’évolution des « pôles politiques », et la façon dont se construit le choix des électeurs, mériteraient chacun un article qui serait trop indigeste ici.

Enfin il faut ajouter à cela un biais des sondages qui met en avant les électorats très décis et certains, excluant donc plus facilement les jeunes et/ou les classes populaires, ce qui favorise donc la droite et l’extrême droite depuis des années***. Le total gauche ne pourra donc pas tomber plus bas que ses 30%, mais pourrait remonter un peu la campagne avançant. Pour approfondir sur le biais des sondages : Ipsos et sa méthodologie discutable qui inverse le rapport de force à gauche

*** Pour ceux qui tentés de répéter la légende du « vote populaire » qui serait aujourd’hui foncièrement d’extrême droite, apprenez que Mélenchon en 2017 était le premier choix des 18-24 ans, -35 ans, étudiants, inactifs, chômeurs, et le deuxième des ouvriers, employés, professions intermédiaires, niveaux d’études Bac et inférieurs S6.

En plus d’un paysage très éclaté, les travers de la Ve République obligent à aller chercher ces électeurs sur de nombreux terrains, et pas forcément les plus honorables. Il n’y a pas de doute que ceux qui passeront le 1er tour auront forcément bénéficié d’un « vote utile » (au sens large, en opposition à un vote d’adhésion), et même dans une proportion pouvant être totalement déterminante. Cela n’empêche pas que la gauche, dans son ensemble, n’est pas plus handicapée que les autres familles politiques sur sa réserve de voix disponible et nécessaire pour atteindre le 2nd tour. Elle se maintient même plutôt bien dans un contexte désormais plus large que deux pôles majoritaires gauche/droite.

3) Le scénario « sondagio-médiatique » est bien souvent dans le faux

Ça ne sera pas la peine de rédiger une grande thèse sur quel était le scénario dessiné de tous les scrutins de la Ve République. Et puis si thèse devait être faite, pourquoi s’arrêter à la Ve République, et pourquoi à la France d’ailleurs ? Tous les pays, dans des proportions évidemment différentes, ont connu et connaissent des retournements imprévus.

Cependant, pour regarder juste le temps récent, voici la plupart de ces -nombreux- exemples sur les 20 dernières années :

2002 :
- Personne ne se doutait que Jospin n’arriverait pas au 2nd tour face à Chirac. Scénario inébranlable durant des très nombreux mois avant la déconvenue historique du 21 Avril.
- Besancenot, toujours sondé à moins de 1% jusqu’au deux dernières semaines de campagne où une exposition médiatique l’amena à plus de 4%, le meilleur score historique de la LCR/NPA.

2007 :
- Bayrou, bien peu estimé en début de campagne, s’approcha -et effraya- finalement les prétendants établis avec un score de 18,5%, alors que 4 mois avant il peinait à dépasser les 10% dans l’opinion.

2012 :
- Dominique Strauss-Kahn était présenté comme le plus probable et meilleur challenger face à Sarkozy, jusqu’à l’affaire « du Sofitel », le mettant hors course en Mai 2011.
- Mélenchon, sondé à une moyenne de 5% à son lancement, réalisa +11% le jour du scrutin.
- A l’inverse, Joly finira à 2,3% alors qu’en sorti de primaire EELV elle était mesurée à +8%.
- De la même manière, Le Pen dégringolera à moins de 18% alors qu’elle était sondée autour de 22% un an avant le scrutin, c’est à dire en position gagnable, et même régulièrement devant le président Sarkozy***.La marche pour atteindre le 2nd tour sera finalement à 27%, soit presque 10 points au dessus de son score.

***La presse évoquera même la crainte d’un « 21 Avril à l’envers », c’est à dire que l’extrême droite remplace la droite au 2nd tour face à la gauche cette fois. S7

2017 :

- Le retour de Juppé était présenté comme inévitable durant des mois, plusieurs fois sondé avec un délirant 39% dès le 1er tour, et ce à plusieurs reprises, alors même que ce n’était pas arrivé depuis 1974 pour un candidat de dépasser les 35%.

- Fillon gagna finalement la primaire LR, pour ne réaliser plus qu’un petit 20%.

- Toujours pas mieux chez Le Pen, sondée autour de 27% durant de nombreux mois pour arriver à moins de 21,5%.

- A l’inverse, Macron démarra autour des 15% pour l’emporter à 24%.

- Tout comme Mélenchon qui stagna à 12% moins de deux mois seulement avant de réaliser un très important 19,5%, c’est à dire le meilleur score historique pour la gauche du PS.

- On notera enfin le candidat Hamon, sondé à une moyenne de plus de 15% durant l’ensemble du mois de février suivant la primaire PS, pour finalement terminer sous les 6,5%.

Bien évidemment il s’agit d’un rappel simple et récréatif que les médias et les sondeurs sont régulièrement médiocres, mais c’est un constat déjà bien établi qui se passera donc d’analyse sur le pourquoi.

L’extrême droite est souvent surestimée (Le Pen de 5pts en 2012, 6pts en 2017), Mélenchon a réalisé deux grosses ascensions, dont une impressionnante (+8pts en 1 mois en 2017), les sondages de sorties de primaires donnent presque toujours un score trop avantageux (de 6pts pour Joly 2012, 9pts pour Hamon 2017), et finalement une bonne exposition peut avoir un énorme impact sur les derniers mois, contredisant toutes les enquêtes passées. L’intérêt est donc ici de pointer l’inaptitude de ces organismes, qui pourtant nuisent énormément en servant tout ce qui est toxique durant la campagne, et ce afin d’encourager à lire la situation sans se baser uniquement sur ce prisme, en prenant du recul, ainsi qu’en se rappelant la réalité d’une campagne et ses évidents rebondissements.

4) La marche pour atteindre le second tour sera basse

En plus d’un passif historique qui ne manquait déjà pas de retournements, l’effondrement des partis traditionnels dans les scrutins nationaux*** a produit une situation nouvelle, pourtant bien peu prise en considération : la marche pour le 2nd tour se situe d’avance autour de 20%, et plusieurs candidats auront le potentiel de l’atteindre.

C’était le cas en 2017, où un basculement de moins de 0,5% des votants aurait suffi à amener Fillon ou Mélenchon au 2nd tour à la place de Le Pen, et ça sera tout autant le cas en 2022. Il faut garder en tête qu’il existe 1000 facteurs d’influence, mais la marche la plus haute pour atteindre le 2nd tour ne devrait pas dépasser les 20-22%, tandis que la plus basse pourrait descendre jusqu’à 15%. Certains sondages, avec l’arrivée de Zemmour, mettent déjà ce seuil à 18%, puis 16% le temps de finir la rédaction de cet article S8. Assurément cela va continuer de fluctuer encore beaucoup, en hausse comme en baisse.

La certitude d’un seuil si bas pour atteindre le 2nd tour provient de plusieurs points :

Désormais aucun candidat -ou parti- n’est particulièrement fort dans le pays, sauf à imaginer des supers alliances de 1er tour pour l’instant improblables***, ainsi plus personne ne peut s’appuyer sur le confortable 25 à 30% au 1er tour qui était souvent la score des vieux partis (PS et UMP/LR) par le passé.

*** C’est totalement imprévu pour le moment mais une alliance Macron et droite traditionnelle pourrait se rapprocher des 30%, même chose pour une alliance de l’extrême droite et de la droite traditionnelle.

Puisque des élections où la marche pour le 2nd tour étant autour de 20 % restent un phénomène courant (1988, 1995 et 2002) avant même l’éclatement des vieux partis, ajoutons que désormais aucune formation ne possède une base indéfectible forte, c’est à dire que soit tous les candidats partent de bas ( 10%), soit les deux seuls qu’on imagine avoir une base solide (+15-20%), Le Pen et Macron, ne le sont que par l’absence de concurrence sur leurs lignes. Zemmour contredit cela très facilement et très rapidement en siphonnant Le Pen depuis qu’il est sondé, preuve que son électorat n’est majoritairement pas attaché plus que ça à voter absolument pour une étiquette FN/RN/Le Pen.

Quant à Macron, il bénéficie de nombreux avantages qui le positionnent idéalement (président sortant, incarnation de la « ligne libérale contemporaine », disparition totale du centre pour son profit etc.), et pourtant il est sondé depuis des mois à une moyenne de 24%, c’est à dire son score de 2017. Sauf que depuis la précédente élection, la vieille droite pèse 5pts de moins dans ces mêmes enquêtes, et qu’à l’inverse ce qui est à gauche de Macron pèse autant, voir même plutôt plus. Cela signifie qu’en conservant encore une petite partie de son « aile gauche » de 2017 et avec une droite concurrente qui n’a jamais été aussi faible, c’est à dire en étant finalement dans la meilleure situation, il reste dans un poids similaire au scrutin précédent.

Autrement dit la moindre concurrence sérieuse sur son aile gauche ou autour de LR (ou même un improbable retour du centre), risque de le grignoter assez facilement. Partir pour la présidentielle avec une moyenne très constante de sondages à 24% quand la marche pour le 2nd tour peut se retrouver à 20%, ne doit pas le mettre dans une position si rassurante. D’autant que dès les premiers débats, il sera acculé de tous les côtés et devra répondre à de très nombreuses choses, les revirements sur les promesses de 2017 et les erreurs politiques (maintenir l’âge de départ à la retraite, 50% de nucléaire en 2025, respecter le vote en faveur de l’aéroport NDDL, revenir sur l’ISF si la suppression n’apporte rien, crise Covid etc…).

Enfin, la droite et l’extrême droite, souvent plus homogènes et constants que la gauche, se retrouvent aujourd’hui à connaître un éclatement de leurs électorats, lié à une démultiplication des candidatures. Cela permet encore d’abaisser la marche pour la gauche (ou pour une droite émergente) qui n’est cette fois plus la seule famille dispersée. Pour donner quelques chiffres, il y a depuis 20 ans toujours eu 2 à 3 candidatures de plus dans toute la gauche par rapport à toute la droite S9. Ce n’était pas le cas en 2017, qui a connu un nombre égal de candidatures gauche/droite, scrutin où le rapport entre l’ensemble des différents pôles idéologiques représentés était très équilibré. De la même manière en 1988, 1995 et 2002, le meilleur candidat de la droite n’avait réalisé qu’un petit 20% dans un contexte de surplus de candidatures à cette famille. Cette fois, en plus de la droite, c’est même l’extrême droite, pourtant incarnée depuis 35ans par l’étiquette Le Pen/FN/RN , qui se retrouve à connaître une candidature concurrente solide.

En ne prenant que les candidatures crédibles, c’est à dire celles qui sont sondées, ou soutenues par un parti établi, ou qui ont déjà réussi à se présenter par le passé, la présidentielle de 2022 voit 7 prétendants sur l’ensemble de la gauche (jamais plus, sûrement 4, 5 ou 6 à la fin comme déjà évoqué), contre une petite dizaine pour l’ensemble de la droite (probablement 5 à 7 le moment venu également), donc un rapport équilibré, voir peut être même pour une fois à l’avantage de la gauche. Tout cela va évoluer dès le mois de Janvier 2022 avec les premières alliances de tous bords.

Pour récapituler, le score nécessaire pour passer le 1er tour se retrouve abaissé par l’effondrement des partis traditionnels et l’échec des nouveaux à fidéliser un électorat, ainsi que par un éparpillement récent de l’ensemble de la droite, équilibrant un problème qui était plus régulièrement celui de la gauche depuis deux décennies. C’est donc une présidentielle qui s’annonce compliquée et incertaine pour tout le monde mais finalement pas plus que ça pour la gauche, nouveau moyen de concevoir qu’une place au 2nd tour est totalement atteignable.

5) Revenir à la réalité et s’autoriser un droit à l’intelligence

Il est malheureux que des militants, des figures politiques ou médiatiques -pourtant intelligentes, respectables, sincères-, répètent ces éléments préconçus alors qu’erronés, et qui en plus sont la source de leurs propres angoisses, provoquant une perte de temps et d’énergie considérable (quand ce n’est pas d’argent). Temps et énergie qui ne sert qu’à décourager les moins politisés d’entre nous. Que penser quand on s’intéresse de loin à la politique mais que de manière récurrente des tribunes médiatiques signées de dizaines d’« enseignants-chercheurs, artistes, élus » répètent sans cesse que sans unité la victoire est impossible, tout comme le fait la Primaire Populaire qui durant des mois a construit son argumentaire sur ce point S10. Et pire encore, quand des vieux partis, pourtant à l’origine d’un grand nombre des militants de gauche, veulent revenir sur le devant de la scène avec une candidature qui ne sert qu’à enjamber les présidentielles pour les législatives ou pour 2027 S11.

Absolument rien n’est joué pour 2022, et les lamentions régulières comme quoi la gauche serait hors jeu à cause d’un trop grand nombre de candidatures et d’une absence « d’unité », n’ont peut être même jamais été aussi à côté. Tout le spectre politique est éclaté aujourd’hui, tout le monde (et à juste titre) pense pouvoir gagner, et pour une fois l’ensemble de la droite connaît un déchirement très fort, abaissant le score nécessaire pour passer le 1er tour vers 20%, si ce n’est moins.


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message